Par Françoise COTTIN
La chapelle
La chapelle Notre Dame des Monts, lieu de pèlerinage vénéré depuis des siècles, fut vendue aux enchères à La Teste en 1791 conformément à la loi sur les biens ecclésiastiques. L’acquéreur fut un libre penseur notoire, Pierre Cravey*, marchand de poissons, second maire de La Teste. Il agissait par goût de la provocation, mais aussi par intérêt : les pierres étaient rares, dans ce pays de sable, et la construction d’une maison en dur passait pour un signe évident de réussite sociale.
Cravey, au grand scandale de ses concitoyens, fit raser la chapelle jusqu’aux fondations et le terrain fut transformé en prairie. Le nouveau propriétaire ne cachait pas son intention d’ édifier une belle demeure dans le bourg avec les pierres de récupération… Aussitôt, ses ennemis, horrifiés par un tel sacrilège, soudoyèrent les ouvriers illettrés qui travaillaient sur le chantier ; ceux-ci employèrent sans le savoir la « méthode Pénélope » : travail au ralenti le jour, démolition rapide la nuit. Bientôt se répandit le bruit que les lieux étaient hantés….les murs se fissuraient et s’écroulaient spontanément (?!) On entendait des bruits terrifiants , et par les nuits sans lune, des lueurs étranges flottaient dans l’air. Les maçons superstitieux refusaient de travailler pour le Diable et la construction n’avançait pas … Trois ans plus tard, elle n’était toujours pas terminée…Bien malin qui pourrait dire aujourd’hui où sont passées les pierres de Notre Dame des Monts !
La cabane au fond du jardin
Cravey avait acquis le mobilier, en même temps que le bâtiment, et le confessionnal, appelé ici « chaire de vérité » fut transporté au fond de son jardin pour servir d ‘édicule destiné au soulagement des besoins naturels. La mère Cravey très douée pour la scatologie, mais beaucoup moins pour l’eschatologie, se préoccupait plus de son transit intestinal que du salut de son âme immortelle au jour du Jugement Dernier… Dès qu’elle sortait du confessionnal, elle faisait part de sa satisfaction au voisinage scandalisé : « jamey ney tan ben cagat coum den la cheyre de beritat ».. Mais il existe une justice immanente, et cette vieille mécréante mourut par où elle avait pêché : d’ occlusion intestinale selon les uns, de diarrhées hémorragiques selon les autres.
La statue de la Vierge
Notre Dame des Monts abritait depuis le Moyen Age une belle statue de de la Vierge, sculptée, disait-on, dans un chêne de la forêt usagère. Cette statue avait une grande réputation dans tout le pays. On la disait capable de guérir les malades, de consoler les affligés, d’exaucer les vœux les plus secrets ; elle était toujours abondamment fleurie, et trônait en majesté, au milieu d’un buisson de cierges. Dès que la chapelle fut vendue, quelques Testerins restés fidèles à leurs traditions ancestrales, se préoccupèrent de son sort, car ils craignaient que dans sa fureur iconoclaste, Cravey ne la débitât en bûches pour allumer son feu.
Dans le plus grand secret une « opération commando » fut organisée, et la Vierge portant l’enfant dans ses bras, fut « exfiltrée » nuitamment, avant de disparaître dans quelque obscure soupente du vieux bourg. Elle fut si bien cachée, qu’elle s’effaça de la mémoire collective, jusqu’à sa réapparition miraculeuse 150 ans plus tard . Nettoyée, restaurée, repeinte et classée monument historique, elle trône depuis 1952 dans l’Église Saint Vincent de La Teste, dont elle est le plus bel ornement.
F.C.
- Quelques informations complémentaires : la carte est reproduite sur le site: http://www.conservatoirepatrimonialbassinarcachon.fr/img/modules/5444abeb0055a.jpg
- La chapelle se trouvait sur une exploitation agricole tenue par des moines cisterciens. Ceux ci avaient d’autres revenus tels que la dîme sur l’ancrage des navires et les… essaims d’abeilles ! Abandonnée en 1641, elle fut acquise comme bien national le 27 juin 1791 par Pierre Cravey jeune, révolutionnaire et deuxième maire de la Teste de Buch.