CHRONIQUES RETRO-TESTERINES
Par Jean Dubroca
Des pierres qui roulent #3
Une église transplantée
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Voici un article paru en juillet 1992 et qui évoque la curieuse histoire de l’église de Cazaux, aussi émouvante que … mouvante
Les visiteurs de Cazaux sont toujours surpris d’y découvrir une église trapue, lourde de temps, austère de façade et construite en garluche, ces pierres brunes comme taraudées par les siècles, le seul matériau de construction disponible assez facilement dans nos terres de sable. Et la surprise des promeneurs est d’autant plus grande que le centre urbain qui l’entoure tient plus d’un village de western que de l’agglomération traditionnelle gasconne. Pourquoi cette espèce de hiatus architectural qui, d’ailleurs, apporte de la sérénité à un site proche d’un monde voué, pas bien loin de là, aux techniques les plus évoluées et … les plus bruyantes ?
Tout commence avec l’installation à Cazaux, en janvier 1849, de l’illustre abbé Xavier Mouls. Son ministère a débuté dans le Lot-et-Garonne où il s’est lié avec Lamarque de Plaisance qui contribuera à faire de lui, quelques années plus tard, l’un des personnages importants dans le développement d’Arcachon. De même que de mauvaises langues arcachonnaises diront plus tard que Lamarque l’a aussi tiré d’un bien mauvais pas à Marmande où une rumeur malveillante l’avait accusé de vivre en concubinage avec une certaine Antoinette Marie Ravard, cuisinière de profession. La promotion arcachonnaise de l’abbé Mouls, dans la cité choyée par le cardinal Donnet qui en fait comme un terrain d’expérience pour y développer une pastorale touristique, mènera le prêtre tout droit au péché d’orgueil, ce qui le perdra devant l’Eglise catholique romaine dont pourtant les frères Pereire furent à deux doigts d’en faire l’évêque de « leur » ville. Mais c’est une autre histoire.
Pour l’heure, arrivé à Cazaux et venant de La Teste où il était vicaire, l’abbé Mouls ne peut que se désoler devant l’état lamentable de l’église paroissiale, complètement croulante, qu’il découvre, au milieu de tombes effondrées, au sommet de l’actuelle dune dite du « cimetière », proche du lac. Elle la couronne depuis environ l’an 1200 et la cloche qui tinte dans son clocher date de 1546, ce qui vaut à l’instrument d’être aujourd’hui classé monument historique. Autour de son église délabrée, le 28 août 1849, Mouls mobilise la maigre population de da paroisse, peut-être deux cents habitants et entreprend de déplacer, pierre à pierre, à travers les sables, sur plus d’un kilomètre de mauvais chemin, chaque moindre morceau du bâtiment, seul le clocher ayant semblé intransportable. Un an après, ce gros travail collectif Il est rebâti entièrement sur son emplacement actuel. De l’ancienne église, reste la statue de Notre-Dame du Lac, datant du XIVème siècle et qui reviendra à Cazaux en 1975 après un étonnant séjour au musée d’Arcachon. L’exploit de bâtisseur de Xavier Mouls à Cazaux renforce « la particulière estime dans laquelle le tiennent les plus hautes autorités », écrit Georges Fleury. Nommé curé de Lagorce (Arrondissement de Libourne), l’abbé Mouls revient quatre plus tard à Arcachon où il trouvera assez de fonds pour faire construire trois grandes églises : Notre-Dame, Saint-Ferdinand et Sainte-Cécile.
Jean Dubroca
Légendes photos. 1-L’église Saint-Pierre-es-Lien de Cazaux. (Photo J.D-Sud-Ouest)
2- La première église de Cazaux entourée du cimetière. (Doc. Part.)