CHRONIQUES RETRO-RESTERINES-13-
DIALOGUES EN V.O. #6
DES DAMES RETOURNEES
************
Un beau matin d’octobre 1991 un lecteur en courroux m’informe que la petite route parallèle à la voie directe et qui relie La Hume à la plaine des sports testerine est fermée par une barricade de sable. La mairie testerine l’a bouchée car elle juge cette étroite route dangereuse puisque, très fréquentée, elle longe de près plusieurs terrains de rugby. Une polémique éclate que Mmes Latestude et Boyosse vont tenter de réduire en faisant rire les belligérants. D’où cet article paru le 30 octobre 1991.
« – Hé bé, Mme Boyosse, qu’est ce que ce cagnas qui vous tirougne tant qu’il peut avec sa laisse ?
-M’en parlez pas, Mme Latestude ? Cansouney qu’il s’appelle. C’est à mon fils, celui qui est instituteur à Caudrot. Mais comme il est tout le temps en vacances, c’est moi qui le garde souvent et il faut que je me le promène partout, ce cagnot. Et alors que je vous raconte. Tout à l’heure, j’arrive sur la route, après le stade, vous voyez. Et là, je me trouve en plein milieu du chemin, un grand pilot de sable, dites. Juste à la frontière avec Gujan.
– Juste au milieu, en travers, sur la route ? Hé bé, dion !
– Juste ! Et pas rikiki, le pilot, je vous le dis. Et alors, tout d’un coup, voilà le Cansouney qui m’échappe et qui se met à trisser vers le haut. Et moi, avec ma trique, celle que j’ai pour aller aux cèpes, je tâche moyen de me pousser dessus, pour me grimper talin-talan. Comme il a brousiné toute la nuit, j’ai les pieds tout trempés et quand j’arrive en haut du raidillon, qu’est-ce-que je me vois, en train de me gueyter avec un œil qui va me prendre en grigne, une espèce de gonze, avec sa pelle, côté Gujan, prêt à m’envoyer un patac, dites-donc.
– Aïe, aïe : je me doute !
– Et voilà ce grand cassé, ce madur, avec son air de pisse-vinaigre méchant qui se met à me chacailler. Et que j’esquinte sa dune en faisant tomber tout le sable côté Gujan ! Et qu’il maille sans arrêt pour empêcher que le sable retombe chez lui depuis ce matin ! Et que mon chien va le niaquer ! Remarquez bien, Mme Boyosse, que lui en bas et moi en haut, il était pas près de me rembarrer. Mais quand même, ça m’a fait drôlement tiquer !
– Et qu’est-ce que vous avez bien pu faire, pitée là comme un crec ?
– Hé bé ! Je lui ai demandé s’il se prenait pour le gardien de fort Boyard ou pour Brémontier et s’il savait pas que la guerre était finie depuis quarante-sept ans et qu’il était pas le propriétaire de tout le sable du Bassin. Alors, en rouméguant, il m’a dit que ce sont les Testerins qui ont mis du sable sur sa route pasque si les autos elles passent trop vite, elles vont écraser les droles du rugby, comme des royans pas frais et tout, quoi !
– Fi de loup ! Mais, Mme Boyosse, si pour qu’on n’eye pas d’accidents, on se met à fermer les rues, je me demande un peu ce qu’ils vont faire de toutes leurs cacugnes, les gens.
– Alors là, comme dirait mon gendre, vous voyez qui c’est, celui qui s’est fait nommer à la préfecture de Bordeaux : « Vous devenez caustique ».
– Moi ? J’encaustique personne. Mais, Mme Boyosse, m’aginez vous qu’au lieu de la dune, y’aurait eu un fossé anti-char, vous seriez encore à tourniquer au fond ! »
Jean Dubroca
Légende photo : Au pays de la Grande dune, une dunette qui intrigue beaucoup ces dames testutes. (Photo : J.D/S.O)
*************