CHRONIQUES RETRO-TESTERINES
Dialogue en V.O #7
DES DAMES PLEINES D’ENTRAIN
En juillet 1991, de grandes festivités sont organisées par la municipalité à l’occasion des 150 ans de la voie ferrée Bordeaux-La Teste. En particulier, un convoi tiré par une machine à vapeur construite aux Etats-Unis vers 1945 attire des milliers de spectateurs le long du trajet. Naturellement, ces dames testutes sont aux premières loges pour y participer. Voici le récit qu’elles en ont fait, publié le 10 juillet 1991.
– Et, adieu, Mme Boyosse, vous êtes pas d’équerre. Je vous trouve la bajaoule.
– Ma pauvre Mme Latestude, c’est à cause du train à vapeur que je suis toute patraquasse. Toute la sainte journée que je suis restée à bader et à tourner-virer, que j’en avais la tête comme un cibot, tellement y’avait du monde ! Et je m’étais mis la benèze tant il faisait chaud mais ils m’ont fait tellement bomber pendant le défilé que j’avais, ma pauvre, les agasses toute escarpites dans les souhiers.
– Et vous avez vu, les conseillers avaient bien taché moyen d’avoir de quoi pour que la fête soit pas de la gnognote. Les sous, ça leur a pas fait d’œil. Et puis, dites, quelle flopée de déguisés avec leur requimpette ! Mais vous, dites-donc, vous vous êtes pas trouvé une jolie petite gueille ?
– Taisez-vous ! Je m’étais fait une robe ample avec des panetières pasqu’ils appellent ça une robe à panier avec plein de ligasses et de floches de toutes les couleurs, comme j’avais vu le modèle dans « Sud-Ouest ». Et je l’avais bien lissée, pour pas faire gitanouse.
– Et alors ?
– Et alors : té, impossible de me la mettre.
– C’était à cause de vos poupasses ?
– Alors là, Mme Boyosse, vous qui avez ni poupe ni quiou qu’on dirait un galip, vous me chacaillez ! Par la porte de ma souillarde je passais pas avec mes cerceaux ! Je me restais coincée avec ma robe à cause des cerceaux, comme dans une matole !
– Hé bé ! Vous êtes pas juniégue : il fallait sortir, vous d’abord et la robe après. Et vous vous l’enfiliez derrière le chai.
– Non, mais : vous me voyez dans ma cour, avec plein de droulas mouquirous en train de me pister. Ah ! J’avais la rogne, vous savez. Enfin, je suis pas restée à la maison à clumer. J’ai vu de tout près la machine qui vésounait de partout et qui crachait comme une vieille sipe.
– Hé, entre nous, Mme Latestude, elle était pas si vieille que ça, la machine : elle a même pas fait la guerre, alors.
– Et ma pauvre, les plus vieilles, c’est comme nous : elles sont toute de guingoy et si on les étrille trop, elles ont la gardale qui pète et l’eau qui jasque partout. Non, moi, si j’ai eu la quinte, c’est à cause du TGV.
– Le TGV ? Et qu’est-ce qui vous a fait, le TGV ?
– Hé bé ! Vous avez pas vu ? Il est passé talin-talan, comme un gros mourguin, sans même un petit coup de biroulet. Rien. Même pas arrêté deux secondes !
– Ah, ça, Mme Boyosse, c’est la « CNCF » : ils auraient dit que c’est pas possible. Et même : maginez un peu que les gonzes dans le TGV, ils croient à l’arrêt que La Teste, c’est Arcachon et qu’ils descendent ici, on se les aurait eus tous là à roumeger.
– Et, raï, c’est le cas de dire, Mme Latestude, on te me les aurait pris sur le dos, comme avant le train, pour les porter à la plage. Ca aurait fait attraction !
-Des nèfles, Mme Boyosse. Peut-être que ça fait rigoler les gens, ça, mais moi je vous le dis, elles étaient pas des faignasousses, nos mamés et il fallait qu’elles soient drôlement malheureuses comme un bout de garluche pour s’esquirchiner à trimbaler dans la hagne une palanquée de gros baigneurs bordelais. On est quand même bien plus d’attaque à présent avec nos pensions et la sécu !
Jean Dubroca
–Légende photo : 1- Un train en 1845.
2- Vision historique (Dessin de Pic)
3- On vous l’avait bien dit : ces dames étaient du voyage. (Photo : J.D-« Sud-Ouest)
Bien d’autres contes suivront à l’occasion de Noël ainsi que plusieurs mésaventures de ces dames, par exemple : Mme Boyosse, le requin et le CRS à Pereire ; Mme Latestude aux prises avec une machine à timbrer à La Poste ; Mmes Boyosse et Latestude à Bighampton (ville jumelle de La Teste aux USA) ; Mme Boyosse et les W.C. automatiques à la dune du Pilat, ces dames au metinge aérien à Cazaux, etc. Elles ont ensuite sévi sur les ondes de feu RCA où elles ont été rejointes par l’une de leur belle-sœur, Germaine, une créature née du très mauvais esprit de M.C. Courtioux…