Rencontres #2 (Un spectacle d’horreur)

CHRONIQUES RETRO-TESTERINES  -15

 

                       Rencontres (#2)

 

Un spectacle d’horreur

 

L’histoire des abattoirs municipaux testerins est marquée par de nombreux conflits entre usagers d’abord et aussi entre les municipalités d’Arcachon et de La Teste. Une illustration de la situation tendue qui existait à ce moment-là entre les deux communes. Et les choses ne vont pas aller en s’arrangeant….

 

Nous voici au début des années 1930. La population totale des deux villes est alors passée de 13 000 habitants en 1885 à 35 000. Les abattoirs sont devenus trop petits et la municipalité testerine de Pierre Dignac se trouve devant leur état lamentable. D’autant plus que les concessionnaires, en fin de bail, laissent l’établissement à l’abandon.

En mai 1933, l’ingénieur Pierre Cauchois l’inspecte. « C’est une horreur ! », suffoque-t-il. Il ajoute : « Je me glisse dans un enchevêtrement de cordages, comme sur un grand voilier. Je patauge sur un sol sans pente où le sang croupit, où la vermine rampe et où les rats mordent dans les quartiers de viande. » Par la suite, on lit que, faute d’évacuation des buées, on doit échauder les carcasses de porcs dans un seul baquet rempli par des seaux. Le visiteur distingue à peine les tripiers dont il écrit : « Ils sont obligés de travailler dans un brouillard répugnant où flotte une odeur cadavérique ». Et l’ingénieur de jouer les naïfs en s’interrogeant devant cette apocalypse microbienne « sur le silence des services d’hygiène et de l’inspection du travail ».

 

Pris à la gorge, les élus testerins confient, le 13 mai 1933, à M. Cauchois, la réalisation d’un abattoir moderne. Il en coûterait 800 000 Fr. « Trop cher, beaucoup trop cher ! », estime le Conseil municipal. Il revoit les plans et s’accorde sur un investissement de 740 000 Fr. En tablant sur 570 tonnes traitées dans l’année, il serait amorti en trente ans, avec un emprunt de 500 000 Frs à 6,35 %, couvert par plusieurs taxes dont la moyenâgeuse taxe « d’échaudage ». La taxe d’abattage passe, elle, de cinq à sept centimes. Deux petits centimes qui pèseront lourd par la suite.

 

Forcément, les choses se compliquent lorsque le Conseil national s’inquiète, depuis Paris, de l’influence sur la bonne santé des huîtres des eaux usées qui se rejettent dans le Bassin, par l’intermédiaire de la craste Douce. Et il exige 30 000 Fr. de travaux d’épuration supplémentaires. Puis, il faut encore ajouter au devis 350 000 Fr pour deux chambres froides et 85 000 Fr pour renforcer les charpentes. La facture s’allonge et donne le vertige aux conseillers municipaux. Mais il faut bien aller jusqu’au bout ! Finalement des subventions sont obtenues, les marchés passés et les travaux, marqués par des retards en matière d’équipement électrique, peuvent enfin se dérouler…

 

Pour ce qui est du fonctionnement futur de l’établissement, les choses s’avèrent aussi difficiles que pour la construction. Lorsque la municipalité testerine se met en devoir de rédiger, toute seule, le règlement intérieur de l’abattoir, les bouchers d’Arcachon, les plus nombreux, établissent un tir de barrage jusqu’à ce que leur voix soit entendue. Mais le pugilat couve d’autant plus concentré que l’on entre en campagne électorale législative, l’année suivante. Pierre Dignac, le maire de La Teste, y sera candidat. Si bien que « Le Phare d’Arcachon », qui ne l’aime guère, ressort perfidement l’affaire des taxes d’abattage augmentées. « Qu’y a-t-il de fondé dans ces taxes nouvelles alors que nombre de denrées vendues à Arcachon seraient taxées au profit de La Teste ? » écrit le journal le 6 décembre 1935. Dans la panique générale, les 20 et 21 décembre, les élus testerins et arcachonnais éludent la question. Ce n’est pas le moment de la poser puisqu’on n’est plus qu’à quelques semaines de l’inauguration officielle des lieux … (À suivre).

 

Jean Dubroca

 

Légende photo : 1-Les abattoirs avant leur démolition. (Photo : Studio Images-Sud-Ouest).

                             2- Une ferme à La Teste au début du XXème siècle. (Col.part).

 

 

 

 

 

 

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