Rencontres #6 (Pistons et pétroleuses)

CHRONIQUES RETRO-TESTERINES-20

 par Jean Dubroca

                     Rencontres. (#6)

 

         PISTONS ET PETROLEUSES

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       Je rencontre sur la digue ouest du port…l’extraordinaire cabane 176, pleine de moteurs marins de toutes sortes, rangés comme des objets de culte. C’est le repaire de l’AMETA (Association pour la conservation de la mécanique traditionnelle du bassin d’Arcachon). Elle est animée par Charles Bouazis et nombre de ses amis et récupère tous les moteurs marins purement arcachonnais. D’où cet article paru dans « Sud-Ouest » le 1O février 1992 sous le titre « Concerto pour pistons et pétroleuses ». Extraits.

Le tout début du XXème siècle marque la fin du « Trimardeur » ou « Des Travailleurs réunis », ces robustes bacs à voile, transporteurs à tout faire chargés d’huîtres et de bois. Car voilà qu’en 1902, le mécanicien arcachonnais Albert Couach crée, en sa ville, le moteur marin à pétrole. Alors, la pinasse devient une « pétroleuse » grâce à cet engin, ancêtre de ces machines remplies de fils, de pompes et de tuyaux utilisés aujourd’hui. Mais lui, c’est le B.D.1, un moteur à l’état pur, dressé d’un bloc et couronné d’une bougie en porcelaine. On ouvre le robinet du réservoir, on tapote d’un index expert le carburateur et accroupi, on tourne deux coups de manivelle. Deux, pas trois. Au premier, le moteur tousse. Au second, il déclenche le rythme de sa musique dont Jean Cocteau disait qu’elle était comme le tam-tam du Bassin. Ce moteur, musical pour les poètes est avant tout un formidable outil de travail qui va désormais tellement faciliter la vie des parqueurs ! Pendant que la femme déhale la pétroleuse du quai orné de longs « pignots », l’homme, debout à l’arrière, d’un coup d’orteil exercé met les gaz et, dans un lent mouvement de conquistador, il embraye et met le cap sur le Grand banc dans une symphonie énorme et rassurante de pistons et de tambours à la marche increvable, faite de notes lentes, sourdes et puissantes. Elles proviennent d’un instrument facile à entretenir et à réparer, même en pleine nuit ou sous la pluie.

20 pinasse à moteur

 

La première pétroleuse, lancée en 1903, s’appelle « La Libellule ». La pionnière dans le port de La Teste, déjà équipée d’un Couach, est celle de M. Lalanne, se souvient Gilbert Sore. Mais ce n’est qu’en 1908 qu’il navigue pour la première fois sur celle appartient au docteur Fernand Lalesque munie d’un moteur de marque Castelnau. Sore se souvient de son arrivée tonitruante au Canon, dans cette pinasse voguant sans les ailes des rames ou des voiles et que les parqueurs un peu effarés appellent aussitôt un « pétaduy ». Castelnau, voilà le nom d’un autre constructeur historique arcachonnais. A La Teste, on marinise, plus tard, des moteurs Citroën, chez Boyer. Autant d’archives mécaniques précieuses que tient à préserver l’AMETA. « On ne peut pas laisser disparaître ces témoignages d’une industrie jadis très florissante sur le Bassin, en mémoire d’un siècle de travail des gens d’ici », conclut M. Bouazis.

 

Jean Dubroca.

 

 

 

Légendes photos : 1- Une pétroleuse. (Col. Part)

                                   2- Dans la cabane de l’AMETA avec des historiens du concret. (Photo J.D.)