Rencontres (#10) (Les derniers conscrits)

CHRONIQUES RETRO-TESTERINES  (-24-)

 par Jean Dubroca

                Rencontres (# 10)

   LES DERNIERS CONSCRITS

____________

 Ceux de la classe 68 n’ont plus passé le Conseil de révision, remplacé par des tests conduits durant trois jours par un centre spécialisé, à Limoges. Une grande disparition, comme se sont perdus d’autres rites marquant des phases de la jeunesse tels le certificat d’études ou la première communion… Néanmoins, le maire de l’époque, Aristide Ichard, incite « ses » derniers conscrits à célébrer l’événement, comme il se doit. En foi de quoi, ils élisent un bureau et son président, Pierre Decoudras. Alors qu’il est devenu professeur à l’Institut de géographie tropicale de l’Université de Bordeaux, je le rencontre un beau jour de juin 94, lors d’une fête anniversaire de « la classe ». Il évoque ses souvenirs. D’où cet article paru le 22 juin 1994 sous le titre « Les conscrits de l’an 68 ».

 

24 - Les dferniers conscrits

-« Nous suivons le même rituel que celui observé par des générations de jeunes testerins depuis au moins 1905. Nous achetons des rubans tricolores et des épinglettes dorées qui arborent << Bon pour les filles >>. Puis, sur les escaliers de la mairie nous posons pour la postérité devant l’appareil du Studio Larousse, avant de déposer une gerbe devant le monument aux morts voisin ». Naturellement, la classe s’est payé un drapeau national tricolore que Mme Caubit, boulangère de la place Gambetta, a décoré, comme elle le fait bénévolement depuis des décennies. Le drapeau, ainsi devenu historique, est présenté au maire et au père Mantrand, curé doyen du secteur, qui le bénit. Tout ce qui compte d’élus et d’anciens combattants assiste à la cérémonie et s’organise pour embrasser la « reine de la Classe », Mireille Dubernet.

24 Conscrit 1935

 

Après quoi, tout le monde défile jusqu’au restaurant du Centre où se tient le banquet. Des agapes qui prédisposent ensuite à quelques exercices physiques consistant en un gigantesque déménagement de portails et un grandiose échange de poubelles renversées sous les yeux résignés de leurs propriétaires. Puis vient, en soirée, l’apothéose de la journée : le bal des conscrits. Chacun d’eux y arrive, sa cavalière au bras et toutes les familles y assistent, après avoir loué, depuis longtemps, une bonne table, le plus près possible de la piste de danse de l’Apollo, parée de lumières et surtout de guirlandes rouges illuminées au moment des tangos, ce qui fait inexorablement chavirer bien des cœurs. Un phénomène électrique qui conduit généralement à plusieurs mariages.

Et le lien de ces souvenirs est si fort que Pierre Decoudras, ainsi que la tradition l’exige, a religieusement conservé le drapeau de la Classe qu’il a même transporté avec lui, dans plusieurs pays d’Afrique où il a été en poste. Y compris sa hampe. On trouvera difficilement meilleur exemple de fidélité aux amitiés de jeunesse.

Jean Dubroca

 

Légendes photos : 1- Les derniers conscrits 1968. (Rep : Studio Images)

                                  2- Conscrits en 1935. La pérennité des photos. (Col.part.)

                                     3- Bal des conscrits en 1962. (Col.part)