CHRONIQUES RETRO-TESTERINES-27–
par Jean Dubroca
Rencontres (#14)
LES NAVIGATEURS EN BAIGNOIRES
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Au plus beau de chaque 15 août, concurrençant directement le défilé nautique arcachonnais, Christian Badet, organise une grande manifestation aquatique à Cazaux. Voici l’article paru à ce sujet en 1990.
On rencontre le grand amiral Christian Badet sur la plage de Cazaux, exactement à l’ombre de son bar-restaurant, d’où il dirige, d’une voix puissante et de gestes amples, les grandes manœuvres annuelles du C.E.B. Tant il est vrai qu’à côté du célèbre C.E.V. (Centre d’essais en vol) de Cazaux, il y existe ce Centre d’essais en baignoires, beaucoup plus discret mais tout aussi important car il étudie comment une baignoire, ou tout autre objet creux pouvant contenir du corps humain, peuvent flotter, en toutes circonstances météorologiques et en tous milieux aquatiques.
Certes, on connaît depuis Archimède le lien étroit qui existe entre baignoire et corps plongé dans la même baignoire. Mais on connaissait mal, jusqu’à ces dernières années, les phénomènes concernant une baignoire plongée dans l’eau. Grâce à Christian Badet, il est désormais posé comme un principe « que, toute baignoire ou corps assimilé, plongés dans la flotte du lac y surnagent, avec plus moins de bonheur toutefois ».
C’est devant un grand concours de foule que l’armada scientifique du C.E.B. se lance sur les flots. Une observation précise des différents prototypes expérimentés permet de distinguer quatre pistes de recherches.
– Le type 1 : il est classique. La baignoire possède deux flotteurs latéraux et un pédalier central animant deux roues à aubes, système show-boat du Mississipi. Il a été conçu par tout le corps des pompiers de Cazaux et le commandant de l’engin y semble très à l’aise. A travers cette collaboration on mesure tout le sérieux de la recherche menée ici depuis plusieurs années.
– Le type 2 s’inspire de la gondole vénitienne, bien que la propulsion se fasse par deux rames et non par une perche unique. Sa décoration, très fellinienne et l’équipement porté par son capitaine, Nicolas Mitchenko, en font un objet de prix.
– Le type 3, conçu par Stéphane et Hugues, deux héros d’autant plus héroïques qu’ils veulent rester anonymes, est un produit hybride entre le catamaran et la voiture de Formule 1. Très profilé sur l’eau, d’où émerge à peine le béquet arrière, il a, néanmoins, une capacité remarquable de trois passagers : deux pédaleurs et une figure de proue protectrice et bien vivante, confortablement installée dans un siège baquet et les pieds traînant dans l’eau. Il apparaît cependant, que, malgré la belle allure de l’engin, l’écope s’avère un accessoire indispensable, dès le départ du périple, pour l’achever en de bonnes conditions.
– Le type 4 est expérimenté par Martine et Xavier. Il s’agit d’une baignoire bucolique de style pirogue tahitienne à balancier orné de verdure locale. Le confort du pilote est assuré par un large parasol pouvant faire office de voile si le vent s’y prête.
Les autres appareils de chercheurs courageux n’ont pu être observés en détail car, victimes de jaillissements de bondes ou de rupture de supports divers, ils ont très rapidement sombré mais sans faire de victimes. « Ces quelques déboires n’arrêteront jamais le C.E.B. dans ses efforts inventifs et dans sa quête scientifique pour le bonheur de l’humanité», a cependant conclu l’amiral Badet.
Jean Dubroca
– Légendes photos :
1- En bandeau, un paysage des rives du lac de Cazaux. (Photo J.D)
2- Une traversée exotique pour cet adepte de baignoire tout terrain. L’ensemble est parfait, sinon efficace. (Photo : Christian Monnier*)
(*) Christian Monnier est devenu photographe de plateau réputé puis scénariste et réalisateur de films dont le plus récent « Dispersés par le vent », en 2015.