Rencontres #15 (De la vigne dans la ville)

CHRONIQUES RETRO-TESTERINES –28-

par Jean Dubroca             

                   Rencontres (15)

 

     DES VIGNES DANS LA VILLE*

 

En septembre 1991, je rencontre M. Labie, un instituteur retraité qui m’invite aux vendanges de sa vigne située en plein centre-ville de La Teste. Une occasion d’évoquer les vignobles testerins qui ont contribué longtemps à la prospérité du secteur. Voici l’article qui paraît le 10 septembre 1991 sous le titre : « Les vendanges du souvenir ». Extraits.

– La présence de la vigne testerine se retrouve dans l’histoire la plus lointaine de la ville. En 1647, déjà, son vin figure dans l’inventaire établi par la jurade bordelaise. En 1708, la carte de Claude Masse montre une étendue de vignes ici plus vaste que celle des céréales. Et encore en 1892 on trouve répertoriés près de deux cents hectares de vignes. Le 7 janvier 1779, la Testerine Marie Baudens, veuve Jean Combes, est condamnée, éternelle honte à elle, pour avoir rempli d’eau des tonneaux supposés pleins de vin local, emportés par la « Jeune-Marie » vers Brest. Une anecdote qui corrobore parfaitement ce qu’écrit Michel Boyé : « Des navires partaient de La Teste pour la Bretagne, chargés de vin et revenaient lestés de pierres ». Jacques Ragot cite une étude d’Auguste Lalesque qui écrit en 1885 : « Les rentiers et commerçants de notre cité boivent du vin de notre localité qui n’est pas sans quelque agrément. Nos vignes donnent un vin généreux qui est rarement d’un prix élevé ». Il est donc bien normal que l’église testerine évoque la protection sur la ville de Saint Vincent, patron des vignerons.

25:1Vendanges c LT

Qu’ont donc fait les Testerins pour que ce débonnaire saint les abandonne ? Toujours est-il qu’au début du XIXème siècle, leur vigne disparaît. Victime des « barbots, comme celle de Gujan-Mestras  ou d’un hiver rigoureux ? En fait, on penche plutôt pour la fuite de la main d’œuvre vers l’ostréiculture ou vers des emplois plus lucratifs proposés par le développement d’Arcachon. Encore que les périodes de «mortes eaux » libéraient les parqueurs et leurs femmes qui pouvaient travailler aux champs.

25- Rencontres Vignes

Néanmoins, des vignes ont survécu longtemps. Les trois cents pieds de celles de M. Labie en sont la preuve. On en compte même trois mille lorsque le père de son épouse les plante en 1928. Il en tire bientôt un cru assez bon pour qu’il le baptise « Clos du Capitaine », du nom du chemin de servitude qui longe des prairies proches où broutent des vaches. En 1979, M. Labie, reprend le « domaine » réduit du dixième, au fil des ans. Consciencieusement, au fil des mois, il chausse la vigne, taille les sarments, lie les premières pousses aux tuteurs avec du raphia. Les beaux jours venus, toutes les quinzaines, il sulfate la végétation, coupe les gourmands et rogne sur les feuilles. Et il défend farouchement les fruits mûrissants contre les volées d’oiseaux rapaces ! Après les vendanges de septembre qui mobilisent tous les voisins, on foule les grappes, puis, au bout de cinq jours d’incubation on passe le jus sur un paillon et, dans le vénérable chai qui sent bon, notre vigneron surveille attentivement ses cinq barriques. Au bout du bout, on déguste un « vin de sable » que la rédaction arcachonnaise de « Sud-Ouest » a trouvé à son goût. L’instituteur-vigneron a réussi son pari : « Nos parents ont passé tant d’heures à travailler ces vignes qu’on ne peut pas les abandonner ». Mais c’est avec nostalgie qu’il se souvient que tout le long de la rue Lody a été bordé de vignes il y a peine dix ans. Et dans cette rue, débouchait l’impasse « Des Vignes » : c’est dire !

 

Jean Dubroca

 

 

(*) On lira avec intérêt dans ce même blog le texte de M.C.Courtioux intitulé « Il était une fois la vigne en Pays de Buch ».

 

 

Légendes photos : 1- Charley Fuster a reconstitué une petite partie du domaine viticole du duc Decazes que les académiciens du Bassin vendangent.

(Photo Marceau Bonnecaze)

                                     2- Les vignes de M. Labie, en plein cœur de La Teste. (Studio Images/S.O.)