CHRONIQUES RETRO-TESTERINES – 29 –
par Jean Dubroca
Rencontres (#16)
A LA FOIRE DE PENTECÔTE
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Comme on le lira ci-dessous, la foire de la Pentecôte constitue une solide tradition testerine. Alors que, manèges et baraques foraines ont disparu à Arcachon en octobre et en mars ou à Gujan-Mestras pour la fête de la saint Michel, à La Teste, en ce mois de juin 1990, les « métiers » s’agglomèrent encore nombreux sur la place Gambetta et attirent la foule. Voilà donc le moment d’évoquer cette fête ancestrale, dans un article paru le samedi 2 juin 1990 sous le titre « Gambetta en fête ».
– Aujourd’hui comme il y a longtemps, durant la semaine qui vient, sur la place Gambetta couverte de manèges et de baraques en tous genres, on se juche sur tout ce qui roule et sur tout ce qui vole, virevolte et tournoie. On tire sur tout ce qui bouge : ballons qui dansent, sur les pipes qui tournent ou sur des boîtes de conserve cabossées comme un vieux grognard. Et, naturellement, à tous les coups l’on gagne l’ours en peluche ou le service de verres incassables. On se gave de berlingots luisants et odorants, surtout si l’on passe devant la rutilante installation de cette institution qu’est la « Confiserie testerine ». Derrière les éventaires brillants de cuivre et les tables de marbre où s’étale le nougat tiède et bronzé, on ne peut manquer M. et Mme Fauthous. Ils poursuivent là une longue lignée de confiseurs qui, depuis 1848, toujours sous la même enseigne, distribuent les célèbres « Chiques Bos », de longs berlingots emmanchés comme des sucettes. Certes, pour nos deux confiseurs, les affaires marchent bien, mais le patron regrette les foires d’antan, celles d’avant la civilisation des loisirs : « A la pelle, on les ramassait les confettis, le soir de Pentecôte. A la pelle ! ». Des regrets qui ne l’empêchent pas de mettre une formidable énergie à malaxer et à faire voler entre ses bras de longs rubans de sucre dorés, comme dans une magique alchimie tournoyante où se reflètent des lignes de néon multicolores. Mais, puisqu’on en est aux souvenirs de cette fête, évoquons-les…
Comme pour la journée de saint Yves à Audenge ou pour celle de saint Michel à Gujan-Mestras, chaque famille qui se respecte prépare l’événement de Pentecôte bien longtemps à l’avance. Car, d’abord, il s’agit de marquer un jour de fête religieuse où les fidèles viennent parfois de loin. On se doit donc de recevoir dignement oncles, cousins, frères, sœurs ou tantes, exilés jusqu’à Bordeaux pour des festivités qui durent trois jours. C’est pourquoi, ainsi que le raconte Gilbert Sore, il est fréquent que chaque ménagère qui a de l’honneur, se mette en demeure de repeindre peu ou prou sa maison. Munie d’un pinceau à très long manche, délicatement appelé « l’espouncette » ou bien « la caoussie », elle enduit d’un lait de chaux qui rutile jusqu’au plus haut des murs extérieurs ou des cloisons intérieures de la cuisine ou de la « souillarde »
Naturellement, on met les petits plats dans les grands pour un traditionnel repas, durant lesquels, comme pour celui de noces, on ne lésine pas sur la soupe grasse, les bouillis et les farcis et sur le rituel pastis, cette grosse brioche bien levée parfumée à l’anis, poudrée de cristaux de sucre et accompagnée de pruneaux cuits et d’une crème aux œufs. Et puis, foin de privations : Pentecôte, c’est aussi le seul jour de l’année où l’on déguste du café bien arrosé.
Après quoi, les rituels religieux et gastronomiques accomplis durant la matinée, tous endimanchés, on parcourt les rues de la ville, encombrées de marchands de toutes sortes et l’on aboutit fatalement place Gambetta où une halte s’impose à l’institution berlingot à côté de laquelle on admire les imposants lutteurs et les téméraires assez éméchés pour oser les défier, on se presse au « Grand tir moderne » et les enfants se juchent sur les chevaux de bois ou les vélos des manèges multicolores. Cela pendant que les plus grands n’hésitent pas à s’installer dans des balançoires carénées comme des fusées ou à se lancer dans le vide des sièges du « tape-cul », suspendus à des chaînes et qui virevoltent dans les cris d’effroi des inconscients qui s’y cramponnent à deux mains.
Et voilà comment se passent ces trois jours de fête qui annoncent l’été. Mais durant ces festivités, on n’a, nulle part, oublié de poser sur chaque table commune des assiettes pour les mendiants.
Jean Dubroca.
Légendes photos :
- La fête de Pentecôte, une longue tradition. (Photo : Studio Roger-« Sud-Ouest »)
- Avec qui voulez-vous lutter ? (Col part)
- Le tir « moderne » ne peut qu’attirer les nombreux chasseurs du pays. (Col part)