CHRONIQUES RETRO-TESTERINES – 30 –
par Jean Dubroca
Rencontres (#17)
AVEC DES RESISTANTS LOCAUX (I)
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*Les anciens combattants assistent nombreux aux manifestations patriotiques. A l’issue de l’une d’elles, je rencontre quelques anciens résistants testerins qui apportent d’intéressantes précisions sur des faits militaires locaux clandestins intervenus durant l’Occupation, plus ou moins bien connus. Mais en dévoilent d’autres, ceux-là bien ignorés. Extraits de plusieurs articles parus en septembre 1994 sous le titre général : « La Résistance dans la commune ».
– La Résistance testerine a ses martyrs : Henri Dheurle, Edmond Doré, Pierre Larrieu, Raymond Sanchez ou André Dignac. Mais elle reste mal connue parce qu’elle est intégrée, pour l’essentiel, au réseau arcachonnais formé par le colonel Edouard de Luze et par l’instituteur Robert Duchez sur lequel témoignent avec admiration José Diégo, ostréiculteur et un de ses amis qui veut rester anonyme. « Duchez, un homme posé qui connaît les limites du possible. Il nous appelle << La Teste >> et pour nous qui avons vingt ans, il agit comme un père ».
Le petit groupe de résistants testerins sera baptisé « Grégoire » lors de son intégration aux F.F.I. (Forces françaises de l’intérieur). Il s’organise solidement fin 1942, début 1943, autour d’un personnage peu ordinaire : le menuisier Pierre Peyronnat dont l’atelier se trouve place Gambetta. Nos deux témoins disent de lui : « C’est un fonceur mais qui sait bien canaliser les énergies. Il est l’âme de notre groupe. Quand il est arrêté, il se blesse volontairement. Transporté à l’hôpital il y est caché puis il peut s’en échapper. Et il revient à La Teste ! » Et José Diégo d’ajouter : « Peyronnat n’a pas dans la ville la reconnaissance officielle qu’il mérite ».
Autre Résistant important dans la ville : Henri Dheurle. Responsable local du réseau Gallia, il charge de plusieurs missions José Diégo qui commente : « On dit qu’il était communiste. Et comme moi, je suis un fervent chrétien, on faisait la paire ! »
Le groupe testerin s’est donc petit à petit, constitué autour d’ouvriers, de marins et de quelques copains appartenant au patronage des Jeunes du Captalat où le patriotisme est très vif. Des réunions se tiennent chez un ingénieur, André Vareilles mais les petits groupes sont très cloisonnés. Les missions s’organisent chez lui. Elles consistent à participer parfois à des transports d’armes parachutées et à des sabotages parfois décevants. C’est ainsi que quelques-uns de ces jeunes s’escriment durant plusieurs nuits pour essayer de sectionner un câble souterrain allant vers Cazaux. Comme ils ne possèdent aucun plan, ils doivent sonder la zone où aurait pu passer ce fameux câble. « Naturellement, nous ne l’avons jamais trouvé ni, bien sûr, coupé », reconnaissent en riant les deux amis. Et ils ajoutent : « Mais si nous avions su qu’il existait des camps d’extermination en Allemagne, je me demande bien si nous aurions fait ça. » Et José Diégo de rester songeur. Tant il est vrai, que, comme l’écrit Robert Escarpit dans « Les va-nu-Pieds » : « La Résistance n’avait d’existence que par le fait qu’on en était et que, du seul fait d’en être, on risquait sa vie plus que les autres ».
Leurs activités ne sont pas des opérations armées. Jose Diégo explique pourquoi : « Géographiquement notre région plate se prête mal à des actions militaires. De plus, les Allemands sont très nombreux, bien dispersés sur les côtes ainsi que sur les routes et bien équipés. Nous liquider rapidement, ainsi que des tas d’habitants avec nous, leur aurait très facile. Alors, la recherche et la transmission de renseignements, même le plus petit, sont notre seule manière de lutter efficacement. Mais il faut faire un véritable travail de fourmis ».
La principale mission des Testerins s’oriente donc vers la recherche d’informations sur l’importante base aérienne de Cazaux. Depuis 1942, les Allemands l’utilisent pour leurs escadrilles de chasse. En 1944, ils y ajoutent des bombardiers. « Il faut s’arranger pour y contacter ou y faire entrer des ouvriers pour qu’ils observent les mouvements des avions, les types d’appareils, leur nombre disponible au jour le jour, le nom des escadrilles, l’organisation générale du camp, ainsi de suite. Et puis nous allons porter ces informations chez Robert Duchez. Sa mère sort un paquet de tabac, nous roule une cigarette et nous dit : << Tiens, mon drôle >>.
Voilà bien un bel exemple tranquille courage ?
(A suivre)
Jean Dubroca.
Légendes photos :
- La Teste sous l’ordre nazi. Ici, l’entrée de la base aérienne de Cazaux. (Col part)
- Le groupe Grégoire en novembre 1944 au moment de son départ pour le 34èmeI. (Rep « Sud-Ouest »)