CHRONIQUES RETRO-TESTERINES – 32 –
par Jean Dubroca
Rencontres (19)
AVEC DES RESISTANTS LOCAUX(III)
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Après avoir évoqué le travail de recherches et de transmissions de renseignements sur les activités allemandes à Cazaux, mené par des résistants testerins, José Diégo et son camarade anonyme racontent la dramatique libération du village, au mois d’août 1944. D’où l’article paru le 2 septembre 1993 sous le titre : « Ils ont libéré Cazaux ».
– Depuis le 15 août 1944, les Allemands organisent leur évacuation de Cazaux. Ils brûlent des documents, sabotent des machines, jettent des caisses de matériel au fond du lac et vendent tout ce qu’ils peuvent céder aux civils, sur la place de l’école. Le nombre d’acheteurs est tel que des bagarres éclatent. La gendarmerie demande alors du renfort et deux policiers arcachonnais, Bosc et Belliard, arrivent. Le terrible destin de ces hommes est désormais tracé. Le dernier gros contingent allemand quitte Cazaux dans la soirée du 22 août, en empruntant la route de Sanguinet plus sûre car très dégagée et plus directe que celle de La Teste. « Heureusement qu’ils ne l’ont pas prise car ils nous auraient rencontrés et nous aurions été exterminés ! », constatent nos deux témoins, déjà en route pour Cazaux.
Car le groupe Grégoire a reçu pour mission de sauvegarder ce qui peut l’être dans la base, d’y récupérer des armes, de surveiller la voie ferrée La Teste-Cazaux par laquelle passe presque tout le trafic militaire et, le cas échéant, de s’opposer aux mouvements des troupes allemandes. C’est donc le 22 août au soir, que des F.F.I. testerins prennent la route de Cazaux. « Nous devions être une douzaine », se souvient José Diégo qui cite des noms : « Vareilles, Villetorte, Lesgoire, Etchebelbert, dit Béber, Desclaus, dit Pinète, Diris, l’ancien secrétaire de mairie et bien d’autres ». Leur premier travail est de couper la route avec des troncs d’arbres. Puis ils passent un petit bout de nuit en s’entassant dans le chai exigu de la maison de la garde-barrière du pont de Saous. C’est là que, vers les six heures du matin du 23 août, ils se mettent en devoir d’attaquer le train allant vers La Teste qui, malgré les circonstances, circule encore. Un renseignement parvenu aux résistants leur fait croire qu’il transporterait trois agents de la Gestapo.
Récit : « On avait trois mitraillettes, trois révolvers et quelques fusils de chasse. Et ceux qui n’avaient pas d’armes portaient les munitions. Au milieu d’une fusillade, le train s’arrête en couinant mais seuls une femme et deux hommes apeurés en descendent en levant les bras. Ils nous annoncent, ainsi que le chauffeur du train, que seuls quelques Allemands armés d’une mitrailleuse gardent le pont à l’entrée de Cazaux. Jean Duboy, envoyé en éclaireur jusque là, en revient et annonçe que maintenant la voie est libre. Toujours à pied, en marchant de chaque côté de la route, on arrive à Cazaux vers les neuf heures. »
Là, c’est une tragédie qui les attend. « Affolées, les femmes de deux gendarmes, le maréchal-des-logis-chef Carrazé et son adjoint Giré nous crient : << Les Allemands ont emmené nos maris !>>. Nous entrons avec mille précautions dans la base et c’est Louis Rambaud qui, en ouvrant la porte de la centrale électrique du camp, découvre les corps des deux gendarmes et du policier Bosc. » Ils ont été tués par des rafales de mitraillettes tirées dans le dos et par l’explosion d’une grenade. Ce que confirme le policier Belliard qui a pu échapper à la fusillade, caché ensuite dans la gare par Mme et M. Michon. Les F.F.I. apportent les victimes dans une des salles de classe de l’école du village, « leurs corps complètement déchiquetés ».
« Ces morts n’ont pas empêché des Cazalins de mettre des tables devant l’école, de nous faire manger et boire, de très bien nous accueillir et même d’apporter le café qui, vient des cuisines allemandes du camp et qui était encore chaud », conclut, encore étonné par ce détail, mais aussi fataliste, José Diégo car il a découvert ainsi de véritables visages de la guerre.
Pour expliquer ces trois meurtres, on a évoqué plusieurs explications. Notamment celle concernant les efforts du gendarme Carrazé qui s’est opposé à la vente des marchandises que les Allemands avaient organisée, ce qui les aurait ulcérés. Mais comme il faut, sans doute, un bouc émissaire, on arrête un jeune-homme, interprète et mécanicien, recruté par les Allemands. Il aurait eu une altercation le 22 août avec le chef Carrazé au sujet de marchandises allemandes que le gendarme lui a fait rendre et il aurait, dit-on, cherché à se venger. Bien qu’il nie les faits le jeune homme sera condamné à vingt ans de travaux forcés.
Pendant ce temps, à La Teste, les F.F.I. arrêtent des collaborateurs, organisent la ville, protègent ses alentours et la population danse sur la place Jean-Hameau. Grâce au renseignement fourni par une habitante, Dubernet, menuisier en face de l’école Jean-Jaurès et Jeannot Minville, tous deux de garde à la sortie est de La Teste, s’emparent de Willy Wolf, un feldwebel qui, habillé en civil, s’enfuit à bicyclette. Interrogé en gascon il ne peut se prévaloir d’être un authentique Testerin et le voilà devenu le premier et sans doute le seul prisonnier de guerre des F.F.I. locaux.
Par la suite, Jeannot Minville s’engage dans le groupe « Patrie » de l’armée de l’air. Beaucoup des membres du groupe « Grégoire » partent, eux, dans la colonne Duchez. Incorporés au 34ème R.I., ils vont combattre sur le front de la pointe du Verdon puis dans les Ardennes. « Et vous savez que pendant la contre-offensive allemande à Noël 44, le 34ème n’a pas reculé d’un mètre. Parce que, depuis des années, nous avions au plus profond de nous la rage de vaincre. »
Jean Dubroca
– Légendes photos :
1- Groupe de F.F.I. testerins. (Rep. S.O)
2-Groupe de F.F.I. testerins. (Rep. S.O.)
3- Bal de la Libération sur la place Jean-Hameau. (Col. part.)