Rencontres #20 ( Christian Vieussens, un maître de la musique gasconne)

CHRONIQUES RETRO-TESTERINES – 33 –

 

Rencontres (20)

 

UN MAITRE DE LA MUSIQUE GASCONNE :

CHRISTIAN VIEUSSENS

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* Je rencontre Christian Vieussens à l’occasion d’un concert qu’il donne devant les « calendretous », des élèves de l’école occitane qui a existé à La Teste jusque au début des années 2000. Longtemps la seule école de Gironde où l’on apprenait la langue occitane avec des méthodes inspirées par pédagogie Freinet, elle illustrait bien le passé gascon de la commune. Il est bien dommage que, faute d’enfants et de parents intéressés, elle ait aujourd’hui disparu. Quoi qu’il en soit, voici l’article paru le 24 septembre 1994 sous le titre : « Les musiques des bordes ».

 

– Il fallait les voir les quinze ou vingt « calendretouns », bouche ouverte et yeux écarquillés, écoutant les fifres et les tambourins de Christian Vieussens, venus dans leur école gasconne, pour leur chanter cette musique traditionnelle qu’au pied de leurs bordes, leurs bergeries, jouaient autrefois les bergers de la Haute-Lande, quelque part entre Pissos et Labouheyre. Et il est bien probable que les soirs de veillée, en décortiquant le maïs doré du soleil de l’été, ils se disaient l’histoire de ce berger amoureux de la fille si belle qu’elle avait ouvert pour lui le merveilleux royaume caché sous les dunes. Mais, devenu trop riche, il perdit alors pour toujours sa bergère et, le pauvre, ne se maria jamais.

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Cette romance, Christian Vieussens la raconte aux enfants en la rythmant avec des sons crées par des fileuses de laine, avec ceux chantant les fêtes de mariages qui duraient cinq jours et avec des airs que se jouaient quelque tchancaïre* perdu dans les brocs* en songeant au bal où il ferait danser sa promise. Les sons graves de la flûte traversière en ébène, les échos aigus des fifres de toutes dimension et la douce mélodie de la flûte à bec taillée dans le roseau rythment les songes du berger et l’on entend même, pour de vrai, les clochettes magiques de son troupeau qui passe.

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Mais deux instruments connaissent le plus grand succès : la bouhe et le toun-toun. La bouhe, du verbe souffler en gascon, c’est la cornemuse landaise. On avait perdu toutes ses traces depuis belle lurette. Mais la patience des passionnés du C.I.R.M.A a permis de la reconstruire. Le toun-toun, comme son nom l’indique bien, c’est un tambourin mais entouré de cordes, une espèce de guitare sur les cordes de laquelle on tape avec un petit bâton, le pimpou, ce qui produit des tons chauds et tout à fait uniques. Et quand il accompagne la flûte à deux trous, on entend, c’est sûr, le vent glisser sur la cime des pins.

 

Naissent alors des mélodies douces ou bien rythmées, si anciennes mais si solides et si ancrées dans le temps qu’elles sonnent comme actuelles. Musiques souvent joyeuses comme les marches des ripataoulères jouées avec entrain par ces ensembles formés du tambour, du fifre, quelques fois de l’accordéon et de la grosse caisse qui entraînaient les cortèges noces de la mairie à l’église et qui ont l’extraordinaire pouvoir, bien des années après, de pousser les calandretouns à taper dans leurs mains.

 

Mais qu’on ne parle pas à Christian Vieussens de folklore à propos de ce qu’il joue. «  Le folklore, c’est comme une vitrine de musée ! ». C’est pourquoi, avec ses amis, après avoir collecté beaucoup des musiques d’autrefois de la Haute-Lande, il est parvenu à en créer une qui a des lueurs de jazz, des résonnances d’accords classiques mêlées à des rythmes variés venus du monde entier. Et Christian Vieussens de conclure : « Ce qui est primordial, c’est d’assurer une création basée sur le patrimoine musical gascon en le respectant pour qu’il continue de vivre et de se développer ».

Jean Dubroca

 

 

(*) Tchancaïres : Bergers « pités » sur des échasses.

(*) Brocs : Petits bosquets de pins dominant la lande.

 

 

 

Légendes photos :

1- Danses gasconnes.

2-Christian Vieusens et les calendretous.