CHRONIQUES RETRO-TESTERINES – 34 –
par Jean Dubroca
Rencontres (#21)
NOS VOISINS DU DESSUS
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* Il ne saurait y avoir de chronique testerine où l’on n’évoque pas l’importante base aérienne de Cazaux, tant elle fait partie de l’histoire de la commune depuis qu’en décembre 1913, le commandant Marzac, alors capitaine, pionnier de l’aviation de combat depuis 1910, inspecte la zone du lac de Cazaux, afin d’y établir un centre d’expérience du tir aérien. Le 4 janvier 1914, le conseil municipal testerin offre à l’armée 23 000 m2 de terrain en bordure de lac et l’espace aquatique nécessaire. La grande histoire de ce site cazalin qui allait porter le nom de son fondateur pouvait commencer… Elle est bien connue. Par contre, moins connus sont les hommes qui y travaillent à perfectionner leurs difficiles missions. D’où cet article paru le 19 mars 1993 et dont voici les principaux passages parus sous le titre : « Nos voisins du dessus ».
– C’est au-dessus de l’espace qui domine le sud-ouest de la France, entre Massif-Central et golfe de Gascogne, que se situe l’essentiel de l’action militaire des pilotes de chasse affectés à l’Ecole de transition opérationnelle (E.T.O.). Créée sous ce nom le 1èr septembre 1965, mais existant en fait depuis 1915, on y apprend les diverses formes de tirs aériens. « Une activité qui révèle bien des surprises aux jeunes pilotes qui ont auparavant été formés à l’Ecole d’aviation de Tours et qui passent obligatoirement ici pendant six mois. Car le pilotage de combat est vraiment très particulier et il leur faut du temps pour parvenir à de bons résultats », dit le lieutenant-colonel Chauvet qui commande cette école.
Elle fonctionne avec deux escadrons dotés de trente-six Alpha-jets, ceux de la Patrouille de France, « de très bons avions assez simples, faciles à entretenir, qui tolèrent l’erreur et qui inspirent la sécurité avec leurs deux réacteurs », remarque encore le lieutenant-colonel Chauvet qui ajoute : « On leur demande beaucoup à ces appareils, mais ils assurent : tirs au canon de 30mm et lancements de roquettes ou de bombes. Mais rassurez-vous, ce sont des armes factices, tout à fait inertes. » Les tirs sur des cibles remorquées en l’air et sur des cibles au sol constituent la formation de base à l’E.T.O. Mais on y apprend aussi la tenue de formation en groupe, le vol de nuit, la navigation à très basse ou à très haute altitudes ainsi que les différentes figures du combat aérien.
Suivons la journée du sous-lieutenant Guillaume, 24 ans. Elle commence par un briefing météo afin d’établir le planning du jour. Puis il va parcourir quelques kilomètres de footing ou s’exercer à de la musculation. Ensuite, passage au laboratoire de perfectionnement de l’anglais, cours sur la sécurité en vol et, parfois, découverte des joies du para-planning qui décolle depuis une plateforme située au milieu du lac, de façon à apprendre à ne pas s’empêtrer dans les suspentes d’un parachute en cas de chute en plein océan. Un autre jour, on le retrouve à la cabine de simulation de vol qui lui réserve les pires malheurs qui peuvent advenir à un pilote au cours d’un vol.
Enfin, il rejoint son chef devant un tableau blanc afin de préparer une mission d’interception dont le but essentiel sera : « Comment se placer pour un tir au canon sur un autre appareil ? » Il lui faut alors mémoriser toute la procédure du vol, celle des messages radio et les réflexes pour faire face à une panne. Il lui faut aussi savoir surveiller l’altitude à laquelle la condensation signale l’avion et, tout autant, contrôler la proche position de son camarade de patrouille. Puis, direction l’Alpha-jet préparé depuis une heure par le mécanicien de piste. Ultimes vérifications : le pilote caresse la carlingue à la recherche du moindre défaut puis il s’installe dans le poste de pilotage, on déverrouille le siège éjectable et c’est l’envol, dans un strident hurlement des réacteurs.
Une heure après, l’exercice s’étant déroulé au-dessus de Mont-de-Marsan, c’est le « débriefing ». Cinq interceptions à 90° ont été effectuées. « Voilà un bon résultat », commente le L.C. Chauvet. Mais il faut maintenant restituer les diverses phases du combat en les redessinant au tableau. Pas facile pour des débutants ! Après examen des différents tracés, l’appréciation tombe : « Vous avez su le plus souvent utiliser les circonstances. C’est bien. » Le sous-lieutenant Guillaume est ravi, d’autant plus qu’il annonce qu’il vole encore cet après-midi.
Pour le L.C. Chauvet, « pour longtemps encore, même si les machines entièrement mécaniques vont se développer, les plus modernes des avions seront conçus autour du pilote. Il faut donc former des gens capables de gérer de multiples paramètres tout en sachant diviser leur attention autour d’un multitude de paramètres et de situations. Un combat aérien se prépare 200 ou 300 kilomètres avant de voir véritablement l’adversaire. Mais il faut apprendre à le découvrir rapidement et agir contre lui car, alors, chaque seconde compte ».
Cette ultime seconde qui sépare la vie de la mort.
Jean Dubroca.
– Légendes photos :
1- Alpha-jets en vol. (Photo : armée de l’Air)
2- A Cazaux, de gauche à droite : le L.C. Chauvet, le mécanicien de piste et
l’armurier. (Photo : J.D.)