Rencontres #22 (L’or bleu d’un précurseur disparu : Gérard-Marie Bentz)

CHRONIQUES RETRO-TESTERINES – 35 –

par Jean Dubroca

Rencontres (#22)

 

UN PRECURSEUR DISPARU :

GERARD-MARIE BENTZ

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* Décédé voici quelques années, l’architecte-urbaniste Gérard-Marie Bentz, après une belle carrière dans des territoires d’outre-mer, s’installe à Arcachon en 1966 où il conçoit de nombreuses constructions pour des entrepreneurs locaux. Puis, ouvrant son propre cabinet, il réalise à La Teste plusieurs bâtiments dont un remarquable vaste ensemble d’habitations individuelles baptisé « Le Hameau », construit en plein centre-ville de la commune. Il se présente comme un village très réussi avec placettes, rues courbes, maisons à belles toitures, toutes différentes les unes des autres où le bois tient une large part.

 

Dans un tout autre domaine, qu’il connaissait cependant bien puisqu’il fut étudiant en sciences physiques, il a aussi livré une étude particulièrement intéressante sur la mise en valeur du sud-bassin basée sur « l’or bleu ». D’où le titre d’un article paru 14 octobre 1992 sous le titre :

 

                                   « L’or bleu à la rescousse ».

 

– Nous sommes installés sur une source inépuisable d’énergie et nous la négligeons ! Inaugurant la pisciculture du Teich, alimentée par de l’eau chaude venant du sous-sol aquitain, Pierre Lataillade, président du district Sud-Bassin, a évoqué le souvenir de Gérard-Marie Bentz. Dès 1970, il est le précurseur d’un projet d’utilisation de la géothermie dans le Sud-Bassin, projet qu’il reprend en 1978, à la demande de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Bordeaux. Son étude porte sur l’équipement de l’espace industriel de La Teste. Il constate qu’en fait, cette zone est surtout consacrée à des entrepôts, à des succursales de vente de maisons bordelaises, à des ateliers d’artisans ou de PME. Il constate aussi que la brièveté de la saison touristique n’attire pas ici d’investisseurs hôteliers internationaux, en raison du peu de temps de rentabilité des installations. Il préconise donc la recherche de ressources dans le domaine des activités primaires, en l’occurrence l’horticulture et la floriculture, bien adaptées à notre sol et qui peuvent constituer des activités économiques pérennes basées sur l’utilisation de l’or bleu, c’est à dire de la géothermie.

Chron 35 Bentz

Il ne s’agit ni de rêve ni d’utopie puisque son rapport est basé sur des données scientifiques précises, climatiques, géographiques ou géologiques. Il met d’abord en évidence l’existence d’un gisement de vapeur d’eau chaude à plus de 100°C, situé à 3500 m. de profondeur et qui constitue l’un des plus riches d’Europe, dans la zone la plus facile d’accès s’étendant du nord du Bassin au sud de Parentis. Il représente 500 000 000 tonnes d’équivalent pétrole. L’existence de nombreux puits de cette matière, aujourd’hui inutilisés, permettrait en les utilisant à nouveau jusqu’au niveau requis, d’extraire facilement et à un coût réduit toute l’énergie de ce gisement.

 

Pour utilisera cet « or bleu », G.M. Bentz préconise des activités agricoles consommatrices d’énergie à basse température. La nature du sol, l’ensoleillement et les qualités climatiques générales de l’Aquitaine ouest permettent le développement naturel de végétaux rares, tels les mimosas, les camélias ou les arbousiers. Si, dans ce milieu favorable, on construit des serres chauffées à 80°par la géothermie permettant le forçage des végétaux on peut obtenir quantité de bulbes, de plantes, de fleurs ou de légumes primeurs, etc. L’exploitation et l’expédition de ces produits utilisent une main d’œuvre abondante l’hiver qui peut aussi travailler à la fabrication des emballages les plus divers au conditionnement des produits et à leur expédition.

 

Mais bien d’autres ressources sont à attendre de l’or bleu. G.M. Bentz a noté ces chiffres : si à 20°, on alimente des bassins de piscicultures, à 30° on chauffe des piscines, à 40°, on élève la température du sol pour favoriser certaines cultures, à 50°, on fait pousser des champignons ou bien on chauffe des locaux, à 80°, on réchauffe des serres, à 90°, on sèche des poissons, des algues ou des légumes, etc. Certes, il existe des problèmes techniques pour diffuser cette eau chaude mais faciles à résoudre. De nombreux rapports officiels et des réalisations existant de par le monde le prouvent.

 

Les esturgeons qui frétillent au Teich forment peut-être le premier maillon d’une chaîne qui peut aujourd’hui se développer. La confédération des P.M.E (Petites et moyennes entreprises), la Chambre de commerce et d’industrie de Bordeaux, le district Sud-Bassin, plusieurs communes du Bassin et leurs conseillers généraux appuient ce rapport sur l’or bleu. Mais, comme le souligne son auteur, « orchestrer un tel programme d’utilisation de la géothermie ne peut relever que d’une décision centrale, capable de globaliser la totalité des interventions. Seul, l’Etat peut assurer une telle responsabilité ». Malheureusement, bien que l’étude en question ait été transmise jusqu’au plus hautes autorités nationales, l’Etat est resté inerte. Un jour, peut-être ?

 

Jean Dubroca.

 

 

Légendes photos :

 

  • Une centrale géothermique en Guadeloupe. (Photo : EDF)
  • La géothermie : un nouveau souffle pour la zone industrielle testerine ? (Photo : René Desthomas-« Sud-Ouest »)