CHRONIQUES RETRO-TESTERINES -54 –
par Jean Dubroca
Anniversaires (#7)
LES MILLE MORTS DU COURNEAU
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* C’est avec le titre ci-dessus qu’à l’occasion de l’anniversaire du 11 novembre 1992, est évoqué dans « Sud-Ouest » de ce jour-là, le camp militaire du Courneau. Il constitue un élément important dans l’histoire de la commune. A partir de 1916, la plaine du Courneau situe entre La Teste et Cazaux ayant été asséchée, le commandement militaire fait construire dans cet espace inculte quatre cents baraques destinées à héberger des soldats africains servant dans l’armée française, afin de les acclimater, de les soigner ou de les héberger, durant les périodes de grand froid. D’après les statistiques établies par le ministère de la Guerre, 952 militaires ont été inhumés près du camp. A partir de 1917, quatre-vingt-sept soldats américains sont aussi décédés au Courneau. Si cette tragique histoire est bien connue, celle de l’instauration d’un monument rappelant ces sacrifices l’est beaucoup moins. La voici.
– Dès le mois de juillet 1916, le Conseil municipal testerin donne son accord pour l’expropriation par l’Etat français et à sa demande, de deux hectares pris sur la forêt usagère, afin d’y créer deux cimetières militaires. Le temps passant, vient l’oubli de l’événement, l’ingratitude s‘établit aussi et peut-être même une forme larvée de racisme font que ce cimetière, dit alors couramment « des Sénégalais » ou souvent aussi « des Noirs », est négligé et très mal entretenu. Il n’est pas rare de voir des chiens de chasse rapportant des ossements humains ! C’est pourtant en septembre 1959 seulement que le comité testerin du Souvenir français, présidé par M. Bolognini, décide de donner suite à la proposition de l’abbé Camille Labat, curé de Biganos, délégué du Souvenir français pour le Bassin, d’ériger un monument à la mémoire des mille morts du Courneau. Il faudra alors plus de trois ans d’efforts, d’interventions les plus diverses et de démarches compliquées pour que, le 30 juin 1963, le Conseil municipal testerin finisse par donner un avis favorable à l’érection de ce monument sur le site du Natus, à l’ouest de la piste forestière 214 reliant la route de Cazaux à celle de Biscarrosse.
L’abbé Labat et ses amis testerins créent alors un comité du monument, présidé par M. Delaunay, préfet de la Gironde et par Aristide Ichard, maire de La Teste. L’architecte arcachonnais, Pfilh, conçoit des plans et des maquettes, trois exactement, qui évolueront selon les ressources financières du comité et selon les désirs des administrations concernées, mairie, ministères, etc. Une souscription publique est lancée mais elle démarre très lentement. Cependant, au fur et à mesure que le comité se structure et s’active avec ténacité, le budget atteint les 28 000 francs, subventions publiques y compris.
Finalement, avec cette somme, les travaux peuvent commencer le 1èr février 1965 et, le 1èr novembre de la même année, le monument est inauguré. Le quotidien régional « La France » le décrit ainsi : « il est de lignes sobres, revêtu de marbre rose d’Italie et de sculptures évocatrices de visages de Noirs, dues au sculpteur Pichaud ». Discours. Musique militaire. Remerciements variés et, comme il se doit, courte polémique suivant la cérémonie : pourquoi trop de discours pacifistes et pourquoi avoir accordé aux dix Russes inhumés là le titre de « Mort pour la France » ? (…)
Mais c’est Camille Labat qui a dernier mot : « Si la France a quelquefois amené son drapeau, elle n’a jamais amené son cœur ».
* Depuis cette inauguration, le site du monument est parfaitement entretenu par le Souvenir français, la commune de La Teste et par la base aérienne de Cazaux. En 1995, ce lieu est devenu « La Nécropole nationale du Natus ». Chaque année une importante délégation du syndicat des travailleurs sénégalais de Bordeaux vient y déposer une gerbe. Afin que nul n’oublie.
Jean Dubroca.
– Légendes photos :
1- Des soldats africains au Courneau. (Carte postale)
2- L’abbé Camille Labat, initiateur du monument de la nécropole nationale du Natus. (Rep. : « S.O »)
3– Un aspect du camp du Courneau. (Carte postale)
FIN DE LA PREMIERE SERIE
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