Le Prince Albert 1er de Monaco à la Villa Algérienne
par Françoise Cottin
Sur cette photo, Léon Lesca, propriétaire de la Villa Algérienne, entouré d’une centaine d’accompagnateurs. Au début du XXème siècle, il ne pouvait s’agir que d’un hôte de marque !
Quelques explications préliminaires
Après la mort de Robert Cottin, son fils aîné, Olivier, m’a apporté un grand classeur rempli en vrac de documents familiaux . Je n’ai pas prêté une attention particulière à cette photo, et j’ai eu l’impression, après un coup d’oeil rapide, qu’il s’agissait d’une cérémonie locale devant la Villa Algérienne. J’ai retrouvé cette photo deux ou trois ans plus tard, et, en la regardant plus attentivement, j’ai réalisé qu’il ne pouvait en aucun cas s ‘agir d’un évènement local. F.Cottin
La population du Cap Ferret était, dans les années 1900, presque entièrement composée de pêcheurs et d’ostréiculteurs , alors que les quelque cent personnes rassemblées devant la Villa, appartenaient de toute évidence à une autre catégorie sociale, pour ne pas dire à une autre planète…
Une conclusion s’imposait alors : ces extra-terrestres débarqués sur la plage de l’Herbe étaient tous venus en bateau, probablement d’Arcachon. A cette époque, aucune route ne desservait la côte noroît, mais la Villa Algérienne disposait depuis peu d’un ponton qui la rendait un peu plus accessible par voie d’eau. Pour transporter cent personnes ( qui ne devaient guère avoir le pied marin) dans des conditions confortables et sûres, il fallait utiliser des yachts de bonne taille, ou des canots à moteur dernier cri… Un tel cortège nautique avait forcément été formé pour accompagner un visiteur de marque, et il devait être possible d’en retrouver la trace..
J’ai tout de suite pensé que le prince Albert Ier de Monaco, grand océanographe, pouvait être cet hôte illustre, puisque je savais qu’il s’était rendu plusieurs fois à Arcachon. J’ai donc examiné le cliché à la loupe : au pied de l’escalier, on reconnaît sans peine le propriétaire de la Villa, Léon Lesca : silhouette massive, moustache et cheveux blancs. A cette époque, il est âgé de près de 80 ans. A sa gauche se tient un « étranger de distinction » de grande taille. La photo est assez claire pour qu’on puisse distinguer les caractéristiques de sa physionomie : moustache et barbe noires, yeux rapprochés, visage dont l’ovale est accentué par la barbe taillée en pointe…On retrouve ces caractéristiques dans les nombreux portraits et photographies du prince de Monaco publiés sur Internet Il ne peut s’agir d’une simple coïncidence, et aucun doute ne doit subsister : c’est bien le souverain monégasque qui est photographié à côté de Léon Lesca au bas de l’escalier de la Villa Algérienne.
Quand il se rend au bord du Bassin pour la première fois, ce prince savant, passionné par l’univers maritime, a déjà participé à de nombreuses campagnes océanographiques . Il cherche au fond des Océans des explications sur les origines de la vie, et les étapes de l’évolution Du 25 au 28 mai 1902, le prince se rend à l’invitation de la Société d’Océanographie de Bordeaux, et il consacre entièrement la journée du 26 à Arcachon où il arrive par le train. Accueilli sur le quai de la gare par le maire, le conseil municipal, et les scientifiques locaux, il commence sa visite par l’inspection des installations de la Société scientifique, son laboratoire et son musée. A 11 heures Albert 1er embarque à la jetée d’Eyrac à bord de l’Oasis, yacht de Leon Lesca , afin d’aller examiner, sur le banc de Muscla, les parcs à huîtres expérimentaux de Jean Michelet , promoteur de l’ostréiculture arcachonnaise. Là, il se fait longuement expliquer les méthodes d’élevage des huîtres. Le bateau se dirige ensuite vers le Moulleau pour un déjeuner intime chez le maire, M. Veyrier- Montagnères. L’après midi est consacré à la visite des pêcheries de l’Océan, et de chantiers navals.
La Société d’Océanographie de Bordeaux a fait rédiger une plaquette consacrée à la visite du Prince ( on peut la trouver sur Internet) ; ses faits et gestes sont étudiés presque minute par minute et il est bien évident que l’emploi du temps chargé de son Altesse Sérénissime ne lui a pas permis de se rendre à la Villa Algérienne le 26 mai 1902.
Le prince revient à Arcachon trois ans plus tard, le 9 juillet 1905 pour le lancement du « Daniel Guestier« , bâtiment de recherche de la Société d’Océanographie, construit dans les ateliers des Pêcheries de Océan. Après la présentation des scientifiques et des autorités locales, le cortège embarque à bord du Daniel Guestier et de l’Oasis, suivis d’une flottille de canots automobiles. La promenade, le long de la côte noroît, se poursuit jusqu’au phare et la pointe du Cap Ferret…C’est, sans aucun doute, pendant une brève escale au cours de cette balade inaugurale, que Léon Lesca a souhaité présenter au prince le domaine de la Villa Algérienne dont il était si fier.
Pour nous résumer:
QUI ? Le Prince Albert 1er de Monaco
OU ? La Villa Algérienne
QUAND : 9 juillet 1905
POURQUOI ? Lancement d’un navire océanographique le « Daniel Guestier »
Plaquette souvenir de la visite du Prince Albert 1er:http://www.sauvonslemuseeaquarium.org/wordpress/wp-content/uploads/2009/11/monaco2.pdf