Quand le rappel historique éclaire – un peu- le présent !
Une évocation par
Françoise Cottin*
Proche de nous, une simple promenade à Saint Léger de Balson peut nous ramener au plus brûlant de l’actualité en évoquant le thème de l’exclusion…On y trouve une « fontaine des cagots » alors qu’à l’intérieur de l’église le visiteur peut apercevoir une porte basse, appelée la « porte des cagots »
Cela signifie que les cagots avaient accès au sanctuaire uniquement par une porte qui leur était réservée, et qu’il leur était interdit de boire à la fontaine miraculeuse Saint Clair, avec les autres fidèles…
Qui étaient donc ces parias, comparables aux intouchables de l’Inde, dont la présence est attestée dans toute l’Europe pendant des siècles, et que l’on trouvait en grand nombre dans le Sud Ouest de la France : dans les Landes de Gascogne ( et donc dans les pays de Buch et de Born), en Béarn, Navarre, au pied des Pyrénées…?
« Perclus de corps et d’âme, héritiers de toutes les lèpres et maux déformants, ou simplement d’un métier maudit, les cagots, gésitains, gahets ou chrestians, ont vécu des siècles en marge dans la lande comme ailleurs, tant il est vrai qu’on trouve toujours plus miséreux ou marginal à exclure » (Charles Daney Dictionnaire de la Lande Française)
On les tenait à distance, mais leur faisait des dons pour s’assurer le paradis. Ainsi … »Pierre Amanieu, Captal de Buch, lègue ainsi 50 sous à un lépreux le 7 mai 1300. » « Histoire des Cagots » Osmin Ricau
Les historiens ont avancé plusieurs thèses sur l’origine mystérieuse des cagots , mais qu‘ils soient descendants de lépreux, de guerriers vaincus réduits en esclavage ( gaulois, wisigoths ou sarrasins), de juifs errants, de cathares ou autres hérétiques, tous sont supposés appartenir à une race infâme, infestée de la lèpre ou d’autres maladies contagieuses. On les considère comme des êtres maléfiques, et dans l’inconscient collectif, ils sont porteurs de toutes sortes de tares : ils ont les pieds palmés, ils dégagent une odeur fétide, leurs oreilles n’ont pas de lobe, etc…
Les cagots sont classés dans cette espèce maudite, dès le jour de leur naissance, ils sont « innommables » au sens littéral du terme, puisqu’ils ne portent pas de nom, et que leur condition de cagot est mentionnée sur leur acte de baptême, célébré de nuit, sans aucune sonnerie de cloche Dans certaines régions , ils doivent porter toute leur vie, un signe distinctif sur leurs vêtements : une patte de canard ou d’oie en tissu rouge ( ancêtre de l’étoile jaune de sinistre mémoire); une fois morts ils sont enterrés à l’écart dans le cimetière paroissial.
C’est un phénomène répandu en Gascogne et de part et d’autre du piémont pyrénéen. Les cagots sont tenus en quarantaine dans des lieux qu’ils leurs sont réservés. Il leur est interdit de toucher les éléments naturels. L’accès aux fontaines leur est donc refusé, de peur qu’ils ne les souillent. C’est pourquoi ils ont leur propre fontaine dite fontaine des cagots. Une entrée latérale leur est réservée à l’église, des places reculées, ainsi que leur propre bénitier.
(Extrait de Visites en Aquitaine)
Ils sont parqués dans de misérables quartiers, souvent à la place d’anciennes léproseries, à l’écart du village, et doivent chercher l’eau à des fontaines spéciales, comme la fontaine des cagots de Saint Léger de Balson, ou celle de Hagetmau. Pendant les offices religieux, il leur est interdit de se mêler aux autres fidèles, ils sont obligés de rester au fond de l’église, où ils pénètrent par une porte basse, (ce qui les oblige à courber la tête), ils ont un bénitier distinct, marqué de la patte d‘oie ( le bénitier des cagots est encore visible dans certaines églises anciennes des Landes, du pays Basque ou du Béarn) Le mariage avec des non cagots leur est interdit, ainsi que les métiers en rapport avec la terre, l’eau, ou les aliments, par crainte de la lèpre. Selon les croyances anciennes, le bois et les fibres végétales ne transmettent pas la lèpre, aussi les cagots deviennent- ils souvent d’excellents tisserands, charpentiers, tonneliers, charrons, sabotiers, etc.. Cette mise à l’écart, et la spécialisation dans certains métiers, évoquent les basses castes des Indes.
L’intégration des cagots sera longue et difficile, elles commence après leur affranchissement par lettre patente de Louis XIV en 1683 et la suppression des mesures discriminatoires à leur égard , elle se poursuit avec la Révolution française et la Déclaration des Doits de l’homme, mais cela ne sera pas suffisant pour effacer des siècles de brimades et d’humiliations. Pendant très longtemps, dans les campagnes, il semblera déshonorant de s’allier à une famille de cagots, il faudra attendre la révolution industrielle, l’exode rural, et surtout la Grande Guerre, pour que s’efface définitivement la malédiction des cagots, mais en même temps, c’est le souvenir de leur histoire tragique qui s’est aussi effacé…
> La littérature est très riche. Les recherches aussi, dont témoignent de nombreux sites sur Internet. Ces images abondamment utilisées en sont tirées… Que leurs auteurs soient remerciés. Bonnes lectures
Le thème du mur, des parias, des purs et des autres, est celui de « DIVERGENTE3: au delà du mur », donc en pleine actualité
http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19559158&cfilm=225920.html