Née sous X

TALENTS DU BASSIN  (#7)

par Jean Dubroca

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             – LIVRE : « Née sous x ». Qui suis-je ? Une femme à la recherche de son

             identité.

– Sabine Menet, journaliste à l’agence arcachonnaise de « Sud-Ouest », vient de publier un ouvrage qui touche à un sujet particulièrement délicat : l’adoption d’un enfant, les conditions dans lesquelles elle se produit et les troubles qu’elle engendre. D’abord chez la mère qui, pour des raisons très diverses mais toujours difficiles à vivre, sinon dramatiques, doit se résoudre à un abandon.

Chez l’adoptant aussi car dévoiler la vérité déclenche un dur dilemme : la dire mais quand, comment ou bien la taire ? Quant à l’adopté, dès qu’il connaîtra cette vérité sans qu’il ait eu le temps de l’assimiler, il voudra fouiller dans son passé jusqu’à ce qu’il le connaisse complètement. C’est précisément cette dure et longue démarche que Sabine Menet raconte dan son livre intitulé « Née sous X, l’enquête interdite ». (*)

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C’est dans un style journalistique, sobre, précis comme un reportage, mais sensible et émouvant qu’elle raconte comment, en février 2008, à l’âge de 33 ans, un véritable cataclysme lui tombe dessus lorsqu’elle apprend de sa mère, juste au moment du suicide de son père malade, qu’elle est née sous « x » et qu’elle a été adoptée à l’âge de neuf mois. Stupéfaction, même si, écrit-t-elle « dans son inconscient elle savait sans savoir ». D’ailleurs son dossier de la pouponnière d’Eysines qui l’a recueillie indique bien que durant ses premiers mois de vie, elle refusait de s’alimenter et se laissait mourir. Ce qui ne peut que laisser le grave traumatisme de vérités enfouies au plus profond de l’Etre. Elle dit aussi sa colère, d’avoir ignoré son état d’adoptée pendant des décennies alors que toute sa famille le connaissait. Tout cela la poussera à rechercher, plus que ses parents biologiques, son identité véritable en ce moment où, écrit-elle « elle tombe dans un gouffre sans nom ». Elle découvre « comme une vie empêchée ». Elle va commencer alors une véritable enquête sur son passé qui durera quatre ans, mais aussi une introspection afin de cheminer à travers les effets qu’une telle révélation peut avoir sur sa psychologie. Cette double recherche « sur un trésor enfoui » rend le livre passionnant comme un polar.

Mais ce qui rend « Née sous x » encore plus attachant, c’est la sincérité de chaque mot qu’elle écrit pour dire sa triple angoisse, celle de ne pas arriver au but, celle de redouter ce qu’elle peut découvrir et celle d’échouer dans la lutte qu’elle mène contre les innombrables difficultés qu’elle rencontre dans son enquête. Il lui faudra donc se battre contre elle-même, contre ses doutes et ses découragements. Car il lui faudra aussi combattre le pouvoir administratif de l’Aide sociale à l’enfance du Conseil général et du CNAOP (Conseil national pour l’accès aux origines personnelles). Un service qui, malgré son titre, forme en l’occurrence un véritable mur du silence. On lui oppose la loi : « le droit de votre mère au secret prévaut sur le vôtre ». Néanmoins, on lui donne, dit-elle, « juste un os pour se faire les dents » : une date et un prénom. Mais on lui dit aussi que le dossier reste ouvert ce qui permet de lui rappeler cruellement : « Soyez assurée que votre mère n’a jamais cherché à vous retrouver ». A force de démarches, elle découvrira avec stupeur qu’un document la concernant porte un numéro de pupille. « Moi qui jusqu’ici n’avait été que la fille de mes parents, je me découvre enfant de la patrie. C’était vertigineux ». Vertigineux aussi de trouver dans son dossier administratif deux actes où ses dates et lieux de naissance sont différents. De plus, le nom sur la fiche d’état civil procuré par sa mère est faux. Elle apprend, abasourdie, que ce nom a été préfabriqué par l’Administration. Seulement voilà : « Cet acte fictif, une erreur de l’Administration, annihile l’acte d’origine ». C’est comme ça, madame.

Alors, elle se tourne vers des amis, des relations et vers une association d’adoptés sous X  qui partagent ses difficultés mais tous se heurtent au silence des guichets, au refus polis des responsables des services, aux accumulations de démarches à accomplir qu’élèvent des alignées de scribouillard à cheval sur le règlement et même aux mensonges répétés de tous. Tous craignant aussi que des erreurs administratives reconnues viennent complique la vie de chacun.

Parviendra-t-elle à ses fins ?

Ainsi, Sabine Menet donne un grand plaisir de lecture tant son style est vif et son ouvrage bien construit. Mais elle délivre une belle leçon de courage. Et, de surcroît, un bel exemple de travail d’une journaliste qui se bat pour aller au bout de la vérité. A l’heure où des esprits bien pensants reprochent à cette profession d’empêcher les bonnes âmes de penser en rond, le livre de Sabine Menet vient aussi au bon moment.

J.D.

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(*) « Née sous X, l’enquête interdite ». De Sabine Menet. Récit. 232 p. Lemieux ed. 18 €.

Adoption : Charles Daney a voulu témoigner de sa propre expérience :

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