TALENTS DU BASSIN (#11)
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GASTRONOMIE : Une étoile sur la Dune : Stéphane Carrade.
Certes, beaucoup de grands chefs cuisiniers actuels, portés au pinacle par des medias, ont tendance à sortir de leur souillarde pour s’affirmer comme des Léonard de Vinci de l’écumoire et de grands sorciers de la sophistication de plats, issus de produits les plus rares. Ce qui peut sembler indécent au moment où des millions d’Africains souffrent de famine. Néanmoins, dans notre pays, sans doute plus qu’ailleurs, la gastronomie fait tellement partie, depuis très longtemps, d’un des rituels les plus solides de notre culture qu’on ne peut l’ignorer.
Surtout au moment où, sur le Bassin, un établissement mythique, Haïtza, à Pilat-Plage – fort inutilement rebaptisé (Ha(a)ïtza – vient d’être couronné d’une étoile par le Michelin, pour son restaurant le Skiff-Club. Il est installé dans une longue véranda ouverte sur les pins et jouxtant un grand salon accueillant ( Décoration signée Philippe Starck). Elle réussit, avec son décor marin -moitié yacht club, moitié atelier naval- à rester ouatée, élégante et familiale, chaleureuse comme le fut, pendant des décennies, la salle basque de « L’Haïtza », avec ses poutres burinées, ses larges lustres en fer et sa tapisserie à carreaux. Et voilà qu’une bonne étoile s’y allume, six mois à peine après la réouverture d’une entreprise qui revient de loin car courageusement rénovée par William et Sophie Téchoueyres. Mais si la récompense suprême en restauration a haussé si vite le Skiff-Club au paradis des gastronomes, c’est que, dans ses fourneaux, officie Stéphane Carrade qui y mitonne ce que certains appellent « une cuisine d’auteur ».
Tout jeune, il passait ses vacances au Moulleau et son arrivée à Pilat est sûrement un signe du destin ou, plus sûrement, à 48 ans, d’un retour vers des sources de souvenirs dont personne ne peut oublier la saveur. Entre temps, Stéphane Carrade a conquis ses galons de grand chef en bourlinguant. Mais toujours dans le Sud-Ouest, qui est resté le cadre primordial de son inspiration culinaire. C’est à Pau ( Jurançon), « Chez Ruffet » (1), qu’il obtient sa première étoile en 2001, suivie par une seconde en 2006. On le retrouve ensuite à la Guérinière, à Gujan-Mestras où il confirme l’étoile conquise en 2012 par Thierry Renou, aujourd’hui maître du Patio, lui aussi étoilé à Arcachon. Quant à Stéphane Carrade, il contribue en 2014 au prestige retrouvé du Grand hôtel à Bordeaux, puis à la Brasserie bordelaise et au Petit Commerce, toujours à Bordeaux.
Et le voilà maintenant revenu sur les bords du Bassin où il exerce au Skiff-Club dans des conditions assez rares dans sa profession : trente-cinq couverts quotidiens à assurer, pas un de plus et une efficace brigade légère mais inventive de huit personnes en cuisine. Tout cela fait que Stéphane, apprécie, dit-il, « ce lieu magique où je travaille dans une ambiance familiale et décontractée et où les Téchoueyres m’ont donné une entière liberté, tant dans le choix des fournisseurs locaux que dans l’élaboration des plats ». Tous ingrédients qui expliquent l’atterrissage de cette étoile, certes espérée, mais qui constitue tout de même, par la soudaineté de son arrivée, une heureuse surprise.
Mais tout a fait justifiée, dit-on, car elle récompense l’art de Stéphane Carrade qui repose sur son inventivité à traiter de traditionnels produits du terroir girondin, choisis selon les saisons, pour réaliser des associations originales et raffinées. C’est ainsi, après les amuse-gueule comme le croque monsieur aux truffes ou les œufs brouillés aux cacahuètes, qu’on dégustera, selon l’époque, les petites courgettes et les betteraves aux myrtilles, le « ttoro » basque rehaussé d’une crème d’araignée, avec sa fleur de courgette farcie de chair d’araignée, les petit-pois à la menthe et toasts-dentelles aux épices, le saint pierre de ligne sel-poivre avec des fettucine, ces longues pâtes italiennes, tomatées et des canneberges, de grandes airelles rouges parfumées, ou encore la lotte en gravelax, telle du saumon longuement mariné, ici à l’huile de céleri. Et l’on peut finir par de légers déserts imaginés à l’avenant du reste : des fruits rouges nature, un sabayon-champagne rosé, ou bien une tarte au citron avec meringue au thé bergamote. Quant aux vins choisis dans une cave de 230 crus, parfois peu connus, les spécialistes s’en disent ravis, tant ils couronnent parfaitement la fête.
Une fête qui a tout de même son prix. Un menu-carte propose, selon les choix de chacun, deux, trois ou quatre plats, à des tarifs variant de 80 € ou 100 € à 130 €. Gala gastronomique pour gala musical, c’est là le tarif d’une bonne place à l’opéra de Bordeaux. Ce qui, évidemment, ne console guère tous ceux qui gagnent peu d’argent… Ils sont plus favorisés à l’Opéra, où l’on trouve beaucoup de tarifs réduits !
Cependant, la réduction, on peut la rechercher chez d’autres chefs, moins capés que MM. Renou ou Carrade mais dont beaucoup animent de très bonnes tables sur le Bassin. Il faut citer : Philippe Gaudou, au « Fer à cheval » à l’hippodrome de La Teste, Christophe Girardot aux fourneaux de « La Guérinière » à Gujan-Mestras, Greg Coluantono au « Bistro 5O », à la plage de La Hume ou Pascal Nibaudeau, au « Pinasse Café », au Cap Ferret.
J.D.
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Images à la Une : – Le Skiff-club à l’hôtel Ha(a)ïtza. A Pilat-Plage, 1, avenue Louis-Gaume, 33115- Pyla-sur-Mer. Tel : 05 56 22 06 06. Tous les soirs à partir de 19 h.30. Réservation conseillée.
J’adore le « Léonard de Vinci de l’écumoire »!
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