Les BD de Darnaudet et Dufau

           TALENTS DU BASSIN (#12)

                     par Jean Dubroca

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                      – 9ème art : Les BD de François Darnaudet et d’Elric Dufau.

– François Darnaudet c’est lauréat 2016 du Prix artistique de l’Académie du Bassin pour son roman policier « L’Homme qui valait des milliards », un thriller inspiré à ce mathématicien d’Andernos par les nombres premiers et qui ne manque ni d’intérêt, ni d’originalité, ni d’humour, ni ce qui ne gâte rien, de causticité. Notons que certains de ses écrits comme « Les Dieux de Cluny » ou « Trois guerres pour Emma » contiennent souvent des traces d’art pictural. Il n’est donc presque pas étonnant qu’on le retrouve comme scénariste de bande dessinée avec son compère dessinateur, Elric Dufau.

Cet artiste de 34 ans, autant musicien avec le groupe Disorder qu’il est passionné de B.D., possède aussi plusieurs diplômes d’arts plastiques de l’école des Beaux Arts où il s’est intéressé à l’art contemporain. Il est aujourd’hui professeur au CESAN (Centre spécialisé des arts narratifs) ce qui ne l’empêche pas, au contraire, de beaucoup se consacrer à la B.D.

Dans cet art, il s’est fait d’abord remarquer en dessinant l’album « Marche ou rêve » pour les réputées éditions Dargaud. Puis il collabore régulièrement aux projets collectifs des éditions Onapratut qui ont diffusé en 2010 « Les nouveaux Pieds Nickelés » ainsi que, en 2012 et toujours en travail collectif, « Revoilà Popeye ». En 2011 la consécration de son talent s’affirme avec son entrée en résidence à la Maison des Auteurs d’Angoulême Il y créera « Harpignie » qui voit le jour en 2014 aux éditions Paquet et qui ouvre sa fructueuse collaboration avec François Darnaudet dont le scénario qu’il écrit alors porte la patte « policière » puisqu’il s’agit de l’histoire d’un jeune dessinateur mal embarqué dans un trafic de faux tableaux. En juin 2016 Elric Dufau retrouve François Darnaudet pour un récit tout à fait différent où ils mettent en images leur personnage désormais récurrent, Witchazel, dans un album de quarante-huit pages intitulé : « Witchazel et le sort du Wlouf ». Une aventure poétique au cours de laquelle une jolie mulote, sorcière et enquêtrice, Hamamélis, se déguise en vieille sorcière afin d’être prise au sérieux par ses clients potentiels puisqu’une sorcière doit être vieille et laide à Lagune, cette étrange cité imaginée par les auteurs où règnent la magie, le mystère et les gredins que Witchazel, alias Hamamelis, devra combattre.

En décembre 2016, nouvel album qui a pour titre : « Witchazel contre le démoniaque Onyribilis ». Cette fois, les deux auteurs nous plongent en plein dans la vie de Lagune, la cité étrange. Le mystérieux Onyribilis y organise un tournoi d’échecs où les concurrents affluent contre la star de la discipline, Misskat. Mais voilà que ses adversaires s’évanouissent les uns après les autres. Il n’en faut pas plus pour alerter le Dodoge qui met en action son policier préféré, le commissaire Lafontaine. Aidé par Père Duchêne et le chat Pristi, ils mèneront une enquête qui les conduira, en compagnie de Dodo la Saumure, vendeur de bâtons de réglisse, vers divers suspects aussi farfelus qu’étranges, à travers les canaux de Lagune et sur l’île malfamée des Bars et sur les non moins inquiétants îlots des Temples, de la Banque centrale et du Marché. Ce qui ne manquera pas de périls et de rebondissements divers.

Le scénario est captivant, rondement mené, dialogué de manière efficace, surprenant à chaque page. Mais s’il est surtout destiné aux enfants, les adultes y trouvent une autre lecture puisqu’Hamamélis est en bute aux hommages masculins du commissaire La Fontaine. D’où une critique amusée mais bien réelle du harcèlement. Mais ; plus que dans les faits de société suggérés, l’essentiel de cette B.D jubilatoire se trouve dans ses gags, ses jeux de mots et sa bonne humeur. Et bien entendu, dans ses dessins qui montrent des personnages bien caractérisés et attachants. Ils prennent une forme épurée qui présente des animaux dans le style de Benjamin Rabier, qui, en la matière, confine au chef-d’œuvre. Elric Dufau dit que Walt Disney, l’inspire qu’il admire surtout Raymond Macherot, ce dessinateur franco-belge (1924-2006) connu pour ses dessins dans « Tintin » puis dans « Spirou » où il crée divers personnages dont les animaux Chlorophylle et Minimum, un lérot et un mulot harcelés par l’abominable Anthracite, roi des rats noirs, inventés dans ce style « ligne claire » dont Hergé reste le meilleur exemple.

On voit donc que nos deux complices, Darnaudet et Dufau, ont de qui tenir ! Pour le plus grand plaisir de beaucoup d’amateurs de ce 9ème art dont l’évolution et les inventions actuelles ne manquent jamais de surprendre.

J.D.

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– « Witchazel contre le démoniaque Onyribilis ». (Vol. 2). François Darnaudet et Elric Dufau. 48 p. Editions Kramiek.10 €.