TALENTS DU BASSIN (#14)
par Jean Dubroca
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Patrimoine : L’oie bernache s’offre son troisième festival.
Les oiseaux couvent et la Ligue, la L.P.O, qui les protège aussi. Elle couve particulièrement les 50 000 à 60 000 délicates oies bernaches, ou cravants, qui hivernent sur le Bassin, entre octobre et janvier, de plus en plus nombreuses. Voici quelques années, elles séjournaient ici jusqu’en mars. « On ne sait pas pourquoi elles migrent un peu plus tôt qu’avant » dit Mathieu Sannier, un des responsables locaux de la L.P.O qui ajoute : « Impossible pour l’instant de lier ce phénomène au réchauffement climatique ». Et pourtant, comme elles vivent bien ici, les oies bernaches ! Non seulement, elles ont chaud, mais elles naviguent dans un lieu protégé du grand mauvais temps d’ouest et elles trouvent sur les vasières arcachonnaises leur plat préféré, une des richesses aquatiques du Bassin : la zostera, une plante à fleurs constituée de rhizomes.
Pas étonnant, donc, que ces volatiles soient si nombreux ici, regroupés par escouades d’une centaine d’individus, occupés à déguster ces herbiers si particuliers qu’elles découvrent en fouillant l’estran pour se gaver de « laitues de mer ». Tant et si bien que le Bassin est devenu un site d’importance internationale, le premier du monde, dans cette migration. Et les clameurs qu’elles poussent en vol fascinent les promeneurs. Il est vrai que la bernache fut longtemps considérée comme un oiseau mystérieux né des crustacés accrochés aux morceaux de bois flottant sur l’eau, tant on n’imaginait pas qu’il puisse venir de si loin !
Mais, avant d’atterrir sur les restaurants du Bassin, tels Arguin, ou autour de l’île aux Oiseaux, ou bien le long de chenal d’Arès et sur le Grand banc, la bernache a dû voler en grands groupes, le plus souvent au ras de l’eau, pendant trois mois et à 70 km/h, sur 6000 kilomètres, après sa nidification sur les escarpements rocheux des toundras maritimes de la péninsule de Taymir, en Sibérie. Elles s’y nourrissent de mousses, de lichens et de quelques algues. Toujours en longeant la côte, après la Mer Blanche, la Baltique et la mer Wadden, elles arrêtaient leur long voyage surtout dans la baie du Mont Saint-Michel. Puis elles l’ont poussé jusqu’au Pertuis charentais. Maintenant, depuis le début des années 90, elles ont élu domicile sur nos eaux, la zone la plus lointaine de leur déplacement vers le sud où se regroupe le tiers de la population partie de sibérienne. Cependant, elles s’installent aussi au sud des Etats-Unis, en Nouvelle Zambie ou en Asie du Sud. En Europe, on en voit encore sur les côtes, depuis celles de Bretagne et de l’Ile britannique jusqu’au Danemark. Seulement voilà : la survie de l’espèce dépend du type d’habitat côtier que nous connaissons mais que menacent bien d’extravagances économiques. Il est donc indispensable de surveiller ces milieux et d’étendre leur protection à leurs hôtes. C’est pourquoi, l’oie bernache est protégée en France depuis 1962, comme dans tous les pays de l’aire de répartition.
Car l’espèce est fragile. Les oies répondent aux conditions climatiques changeantes, par des migrations de plus en plus poussées. « C’est une stratégie de survie merveilleuse et pleine de risques conditionnée par deux exigences : se nourrir et se reproduire », dit encore Mathieu Sannier. Or, l’herbier du Bassin a diminué de cent hectares par an depuis 1980. Certains ont alors prétendu que l’oie sibérienne en était la cause. Mais trois chercheurs de l’IFREMER, Isabelle Auby, Charles-André Bost et Hélène Budzinski ont observé ceci : « Le nombre de bernaches ayant augmenté depuis quelques années, les quantités théoriques de zostères consommées ont doublé entre le début des années 1990 et les années 2010. Dans le pire des cas, leur consommation pendant l’hivernage serait passée d’environ 4 % à 10 % du stock de feuilles disponibles pendant cette saison, ce qui constitue à l’évidence un prélèvement relativement mineur ». Il faut donc chercher ailleurs la diminution de superficie des herbiers du Bassin. Peut-être bien du côté des hommes, des excès de leurs résidus chimiques déversés dans le bassin versant de la Leyre, dans les huiles regorgées par les moteurs de trop nombreux bateaux de plaisance ou, hypothèse, dans le réchauffement climatique.
C’est bien pourquoi la LPO-Aquitaine, la SEPANSO et le Parc naturel régional des landes de Gascogne organisent depuis trois ans le Festival de l’Oie bernache afin de la faire mieux connaître ainsi que les conditions de vie liées à sa présence. C’est ainsi que du 19 au 27 novembre 2016 toute une série de manifestations a été proposée gratuitement au public, avec le soutien du département de la Gironde et le partenariat de communes du Bassin. (La Teste, Arès, Audenge, Andernos et Lanton). Dans dix villes du Bassin, se sont ainsi succédé : expositions de photos, sorties à pied ou en bateau pour des visites guidées de lieux de migration, conférences, rencontres littéraires ou jeux divers. Des activités qui ont connu un vrai succès, souligné par la presse locale.
Un succès qui ne peut qu’encourager la LPO et la SEPANSO à poursuivre leur objectif : « faire évoluer notre société vers un modèle qui permette de satisfaire les besoins humains tout en protégeant ce patrimoine commun et vital qu’est notre environnement ».
J.D.
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– Ligue de protection des Oiseaux. Domaine de Certes. 33980 AUDENGE. Tel : 05 56 26 20 52 ou 06 28 O1 39 48.
– SEPANSO. 1, rue de Tauzia, 33800c Bordeaux.
Mails : sepanso.gironde@wanadoo.fr
Tel : 05 56 91 33 65