Talents du Bassin (#17)
par Jean Dubroca
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Littérature : Deux polars pas ordinaires de Jean-Marc Durand.
Jean-Marc Durand habite à Taussat et, manifestement, le Bassin l’inspire puisque ses deux romans policiers parus à ce jour ont reçu un très bon accueil. Il est vrai que, l’écriture, il la connaît puisqu’il fut journaliste pendant vingt ans avant de devenir professeur de lettres. Deux références en la matière. Sa première œuvre s’intitule « Les anges barbares ».* Originalité de l’ouvrage : il repose sur une trame historique rarement évoquée de nos jours dans la littérature policière, à savoir la terrible période de l’Occupation en France par les Nazis reliée à la période floue des premières années d’après guerre. Car, si le récit commence à Lyon en 195, il s’établit sur un retour en arrière particulièrement habile. Cet hiver-là, on retrouve le corps égorgé d’une jeune femme que le déterminé et irréductible commissaire Jean Delmas ne tarde pas à identifier comme celui de Martha Lidac, une juive seule rescapée de la déportation de toute sa famille déportée qui, de plus, a été spoliée de toutes les usines qu’elle possédait. A son retour, Martha se réfugie dans une famille qui dissimule bien des secrets et elle y rencontre un homme qui la terrorise. Qui est-il ? Est-il l’assassin ? Evidemment, Delmas va aussitôt se demander à qui a profité le vol commis durant la guerre, un parfait réflexe de professionnel. Si bien que le commissaire Delmas va bientôt soulever le voile pudique jeté sur les compromissions de certains de ses collègues pendant les rafles de juifs et durant d’autres basses besognes. Son enquête s’annonce donc complexe et même dangereuse car des suspects se révèlent impitoyables afin de défendre leur peau. Lyon, bien reconstitué dans les troublantes années d’après-guerre, offre un cadre parfait pour ce récit étouffant qui se déroule dans des traboules enchevêtrés et des bouchons enfumés. Comme l’écriture de Durand est fluide et ses personnages bien typés, on comprend que son roman, « Les Anges Barbares », ait été sélectionné et cité pour le prix du roman historique de la revue « Historia ». Elle a reconnu ainsi qu’il avait su donner à son livre une référence solide à un passé qui comporte encore bien des zones d’ombre.
D’autres ouvrages.
Encouragé par ce qu’il appelle « une belle reconnaissance », Jean-Marc Durand vient de sortir son second polar : « Les Condamnés du Crépuscule ».** Comme on ne change pas une recette qui marche et comme on ne peut que la perfectionner, le récit se déroule toujours à Lyon et encore dans les années 50. Par une nuit comme seul l’humide hiver lyonnais sait en fabriquer, Antonin Berroux, paisible chauffeur de bus, rentre au dépôt. Il aspire à la tranquillité mais il se trompe. Un corps éventré tombe sur le pare-brise de son car et, détail horrible mais essentiel, avec un morceau de métal en forme de cuillère enfoncé dans ses entrailles ! Aussitôt, le commissaire Delmas se remet en chasse, d’une façon d’autant plus acharnée que d’autres cadavres surgissent, tout plus mutilés les uns que les autres, ceux d’hommes apparemment sans histoire. Quels liens établir entre eux et l’assassin sanguinaire ? De nouveau, Jean Delmas et ses hommes dévoués vont enquêter et retrouver les sombres heures de l’Occupation que Lyon, pourtant, voudrait bien définitivement oublier. Sauf, que la vengeance est un plat sanglant qui se mange froid… Evidemment, on retrouve dans ce récit les qualités du précédent, telle l’authenticité des personnages, des lieux et des époques qui, ont souligné des critiques : « fait penser à Simenon ». On y suit les atermoiements de l’enquête, les doutes et les hésitations des policiers dont on partage la vie quotidienne au rythme tranquille ce qui exclut tout fait sensationnel qui viendrait de manière saugrenue briser le mouvement de la vie. Ajoutons-y l’ambiguïté des suspects qui rend l’énigme encore plus troublante. Tout ce qui fait de ces « Condamnés du Crépuscule » un polar classique mais des plus captivants car il s’appuie sur une image du réel saisie avec justesse.
Son prochain roman, dit Jean-Marc Durand « ne sera pas un policier mais portera sur une malédiction familiale dont l’action se situe à Paris et à Barbizon à la fin des années 90 ». Quant à évoquer le Bassin, « cela viendra peut-être » dit-il. On l’espère bien !
J.D.
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* « Les Anges barbares ». Jean-Marc Durand. Hachette ed. Col : Terra Nova. 320 p. 19 €.
**« Les condamnés du Crépuscule ». Jean-Marc Durand. Hachette ed. Col : Terra Nova. 304 p. 21 €.