Deux jeunes talents à découvrir… d’ici et de là…

TALENTS DU BASSIN (#20)

par Jean Dubroca  

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     Littérature : La valeur n’attend pas… Deux jeunes romanciers s’expriment.

L’Arcachonnaise Ana Sanchez-Ortiz, 17 ans, vient de publier le tome un de son tout premier roman : « Le Livre des Destins ». Christ Kibeloh, un Gujanais, est déjà l’auteur de deux ouvrages : « Rayane l’orphelin » et « Retour en arrière ». Rencontres.

Ana Sanchez-Ortiz, élève au lycée Grand-Air a publié « Le Don de la Nature » *, le premier tome d’une série de trois intitulée « Le Livre du Destin ». Voilà cinq ans qu’elle a mûri son projet qui appartient à un genre anglo-saxon aujourd’hui fort à la mode dit « heroic fantasy » et dont « Le Seigneur des Anneaux » ou « Le Hobbit » sont la marque de fabrique. Effectivement, la référence est juste.

Il s’agit de l’histoire de Yava, un jeune elfe de quinze ans, dont la vie paisible dans le royaume d’Illutréal est brusquement bouleversée lorsqu’il est accusé, évidemment à tort, de plusieurs meurtres. Voilà le malheureux, banni de son peuple et obligé de fuir en chevauchant Eleen, sa jument noire, à travers le désert Elfique qui conduirait à la terre des hommes. Là, il avance avec trois tribus nomades jusqu’à parvenir dans des contrées terrifiantes comme Alaness et Ocaori, où le machiavélique empereur des Songes entraîne une armée de démons afin de faire main basse sur la prospère Illutréal. Il connaîtra alors une véritable mythologie, les unes l’aidant, les autres le combattant, où s’activent des familles de rois, de princes, de princesses, des bons comme Marthe, captive de l’empereur, des méchants comme Zïscha qui peut se transformer en panthère des neiges. Plus encore des créatures étranges : magiciens, chefs de troupes armés, « Prophétesses », prêtres et quantité de dieux et de déesses aux pouvoirs terrifiants ou salutaires. Touche par touche se dévoilent alors les aspirations, les doutes, les craintes et les paradoxes de chacun des protagonistes si bien que l’on s’interroge sans cesse : Yava pourra-t-il sauver son pays des ténèbres qui le menacent ? Voilà une histoire qui plaira aux enfants mais aussi à ceux qui le sont encore et qui aiment la littérature fantastique. « Intrigue, fraîcheur et divertissement », disent des lecteurs de ce premier roman. Ecrit de manière très classique, avec, s’il vous plaît, un récit au passé simple, il se lit fort aisément grâce à ses trente-trois courts chapitres, à des descriptions courtes mais évocatrices de lieux qui deviennent de plus en plus étranges et grâce aussi à une profusion de dialogues qui apportent la vie et des supports pour l’imagination de chacun. Suivront bientôt deux autres tomes ce qui prouve que Ana Sanchez-Ortiz ne manque pas de souffle, d’imagination et de talent.

Christ Kibeloh.

Il réside à Gujan-Mestras mais il est né à Brazzaville, au Congo. Il y a vécu « une tendre enfance » dit-il, dans un quartier de cette ville. Il ajoute : « J’y ai vécu énormément de choses et beaucoup appris de la culture de mon pays qui m’accompagne dans mes romans où je raconte les histoires que j’y vivais et que j’y entendais ». Ensuite, il a prépare un bac professionnel au lycée Condorcet ce qui lui a permis de se passionner pour la littérature qu’il continue d’étudier, tout en poursuivant des études en BTS d’assistant manager. Son autre passion, c’est le football qu’il a pratiqué au plus haut niveau dans son pays d’origine avec l’équipe internationale du Congo, U23. Mais un accident musculaire va le priver de poursuivre une carrière sportive qui s’annonçait brillante. Il raconte : « De cet échec est né mon goût pour l’écriture ». Encouragé et aidé par Elodie de Ridder, son professeur de français au lycée, il découvre son don d’écrivain et écrit une nouvelle, « Marie », l’histoire d’un jeune garçon qui a du mal à s’intégrer à l’université. Mais il y rencontre Marie dont il tombe amoureux. Hélas : ses sentiments ne sont pas partagés et il tombera dans un grand désespoir ! Suit aussitôt son premier roman « Rayane l’orphelin » ** l’histoire d’un jeune homme marqué par l’injustice de la vie dans un village sous-développé d’Afrique et qu’il quittera aussi, alors que son père, exilé, meurt dans un accident. Il se souvient alors des marches dans la forêt, des repas pris en commun, des légendes qu’on raconte le soir ce qui emporte le lecteur dans l’univers magique des conteurs africains. Dans la seconde partie du livre, il décrit Rayanne devenu footballeur et qui vit dans une chrysalide étouffante dont il ne sortira que par un choix difficile. Il s’explique sur la portée de son livre : « J’ai voulu dire que, dans la vie, on peut perdre une chose et en gagner une autre, tel Rayane, qui, finalement sera gagné par son amour pour Alicia, dont la longue chevelure brune l’a fait rêver les soirs de détresse. Avec elle, il cherchera une voie nouvelle ».

Le deuxième roman de Christ Kibeloh s’appelle « Retour en arrière Issa ». *** Là encore, il s’agit d’un drame qui lui a été inspiré par sa rencontre avec un SDF qui s’est confié à lui. D’où l’aventure d’Isaa, un adolescent de dix-sept ans, que des circonstances politiques survenues dans son pays d’Afrique feront basculer dans la misère. Mais il se réfugie en France où il trouve à nouveau le bonheur. « Dans ce second livre, j’ai tenu compte des critiques que j’ai pu avoir pour mon premier roman. J’ai donc fait quelque chose de plus travaillé mais je suis resté fidèle à l’idée que je me fais de la littérature : qu’elle donne de l’espérance mais qu’il faut se battre pour l’obtenir dans un monde ou la communication se détériore et où les gens ont peur de l’inconnu ».

Pour Chris Kibeloh, qui prépare un troisième ouvrage et dont la nouvelle « Marie » va conduire à un court métrage, la littérature ce n’est donc pas que des mots. Il y exprime les souvenirs, les inquiétudes et les espérances de la jeunesse mais aussi toutes les difficultés que rencontrent beaucoup de jeunes africains confrontés au monde où ils sont exilés. Enfin, à l’heure où mails, tweets et textos ensevelissent la communication écrite sous des formes primitives, nos deux jeunes écrivains du Bassin prouvent avec talent que la littérature a encore de beaux jours devant elle.

J.D.

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* « Le Livres des destins. Tome 1 : Le Don de la nature ». Ana Sanchez –Ortiz. Editions Amalthée. 342 p. 23 €.

 

 

 

 

 

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** « Rayane l’Orphelin ». Christ Kibeloh. Editions ICN-France Libris. 10 €.

*** « Retour en arrière Isaa ». Christ Kibeloh. Editions d°- 112 p. 10 €.