Comme dans un rêve !

TALENTS DU BASSIN (#21)

par Jean Dubroca

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IMAGES : Nicolas Raspiengeas, photographe des rêves

 

 

 

Si l’on pouvait photographier les images de nos rêves ? En voilà bien un rêve ! Pourtant, il le resterait si un Testerin de 34 ans, Nicolas Raspiengeas n’y était parvenu. Pour cela, il a tout vendu : affaire et maison, gardant tour juste l’essentiel pour réaliser cette opération : du matériel pour la photo et la vidéo, une robuste 306 et, surtout, un double envoûtement, l’un le désir profond de fixer l’éphémère et l’autre, qui en découle, associer le rêve à l’aventure.

Alors, il entreprend, dit-il : « Une aventure initiatique humaine qui le révèlera à lui-même et qui lui fera prendre conscience que rien n’est impossible ». En somme, il vit ce précepte de Mark Twain : « Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors, ils l’ont fait ». Et voilà Nicolas parti, non pas « pour cette inaccessible étoile » que chantait Brel, mais bel et bien pour démontrer et même pour se prouver à lui-même, que, dit-il encore : « Ce que nous rêvons, nous pouvons le réaliser car seule compte notre détermination ». Inspiré par Antoine de Saint-Exupéry qui écrivit «  Fais de ta vie un rêve et d’un rêve, une réalité », il a trouvé son univers réel : devenir nomade dans ces espaces infinis ouverts par la nature dont il va explorer, ajoute-t-il, « tout ce qu’elle nous offre comme phénomènes aussi rares qu’intenses et à les retranscrire pour mieux les partager et les protéger ». Et pour partager, rien de mieux que l’image qui entraîne un désir de protéger parce qu’il s’appuie sur un supplément d’information. Sur ces bases-là, Nicolas Raspiengeas va donc utiliser sa passion pour la photographie qu’il pratique avec le collectif Objectif Bassin afin de se lancer vers des paysages qui semblent les plus irréels dans le monde. Et pour faire partager la richesse de ses découvertes, il fonde une association, « Check my dream », afin d’entraîner d’autres photographes à une véritable chasse des phénomènes lumineux les plus étranges qui soient : les aurores boréales. (*) Un phénomène qu’il connaît bien puisque c’est en 2014 qu’il a exploré durant trois mois le paradis né de ces étonnantes mais très aléatoires lumières spatiales qui explosent dans le Grand Nord, celui de la Finlande, de la Suède et de la Norvège

En 2015, toujours au volant de sa vénérable Peugeot, il retourne en Norvège pour un périple de deux mois, afin de traquer de nouveau les phosphorescences fantomatiques qui tournoient dans le ciel du pôle nord et l’enveloppent de longues nuées colorées, jaillies des éruptions solaires. Dans un raid éclatant, il les traque, les débusque et les approche afin d’effleurer leurs volutes ardentes et magiques dont il parvient à fixer la seconde flamboyante qui illumine ses clichés. Mais au prix de quelles difficultés puisque, raconte-t-il, « il lui faut vivre dans une vieille caravane par moins 30° C., si froid que le frigo semble chaud ! ». Grand vainqueur de tous ces tourments, il rapporte pour les hommes ordinaires restés chez eux des trésors de lumière insolites où les étoiles fleuries des cristaux des glaces terrestres se mêlent sans aucune limite aux vapeurs fugitives que soulèvent les tourbillons terrestres. Mais il ne se contente pas que des mirages vaporeux. Avec son projet « Wild light », il veut lier les aurores boréales à leur aspect culturel. Il évoquera donc les travaux d’un centre culturel qui étudie le phénomène. Il cherchera aussi comment les hommes le vivent. Il s’agit des Samis qui, depuis dix mille ans, s’accrochent aux terres du nord de la Finlande en ayant trouvé des moyens pour s’adapter aux rudesses d’un sol souvent gelé et à un rigoureux climat où le court été fait, en une matinée, éclore des baies, des myrtilles et des mûres sauvages en même temps qu’il délivre des cours d’eau où nagent brochets et saumons. Tout ce qui a suffit à ce peuple pour fonder la Finlande…

Toujours en 2015, au mois de mai, Nicolas Raspiengeas roule vers l’Islande, entouré d’une équipe, afin d’y réaliser un film. Il veut ainsi, dit-il, « montrer ce pays sous un nouvel angle inspiré par l’aventure humaine décrite dans toutes les conditions de vie ». Il en sortira une vidéo intitulée « Terre de glace ». Mais en 2016, l’attrait du Grand Nord le reprend à nouveau avec une nouvelle envie : montrer encore mieux la richesse visuelle de ce monde étrange issu des aurores boréales. Pour cela, son équipe et lui disposent de cinq appareils photos fixés sur un robuste trépied afin de tourner, dans des conditions entre « chien et loup », des séquences vidéo à 360°. Malgré des conditions climatiques difficiles, ils en rapportent un film, une véritable expérience visuelle appuyée par un drone qui donne l’impression au spectateur d’être plongé au cœur même du tourbillon boréal. (**)

 

Puis, une fois de plus, la même année, le goût de l’aventure et le désir de faire partager d’étranges visions sur notre planète, vont le pousser vers la Tanzanie où il fixe les images de l’éclipse solaire du 1er septembre. Et dans le même élan, le voilà bientôt débarquant à l’île de la Réunion où, dit-il, « les lumières intenses s’enrichissent des richesses des levers de soleil et des orages durant lesquels les éclaircies succèdent au intempéries si bien que j’ai découvert un paradis pour photographe ». Effectivement, il pénètre dans les endroits les plus reculés de l’île, où s’ouvrent à lui, raconte-t-il encore, « des cirques à couper le souffle ». Pourtant, le plus étonnant restent deux événements. Le premier : le rendu exceptionnel des images que, à force de patience et d’efforts techniques, il a pu fixer face à l’éclipse du 9 juin. Le second : l’éruption à 2000 m. d’altitude, du Piton de la Fournaise qu’il juge « fantastique et le mot est faible dans une chaleur si rougeoyante qu’on ne peut que difficilement se tenir en face ».

Bientôt, il ira cueillir les couleurs d’une nouvelle éclipse de soleil aux Etats-Unis où il guettera aussi les tourbillons des tornades énormes qui courent sans obstacle dans les immenses plaines de ce pays. Et déjà, dans ses documents de voyages, figurent des cartes du désert du Tadrart rouge où il voit « un vertige de la nature ». Aux confins de l’Algérie, les roches escarpées et les sables rougeoyants de cette région méconnue donnent un sentiment de pureté rarement éprouvé et que Nicolas Raspiengeas veut faire partager à d’autres photographes (*) qui voudront bien suivre cet infatigable pèlerin qui grimpe des chemins escarpés inconnus conduisant vers des contrées où passe la frontière inconnue et sans cesse mouvante, qui sépare le rêve de la réalité.

 

J.D.

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(*) Informations sur des organisations de stages sur le site www.checkmydream.fr

(**) Page Facebook de l’auteur : Check My Dream-Photography.