Pinasseyres…un patrimoine bien à flot !

TALENTS DU BASSIN (34)

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Patrimoine : L’amicale des Pinasseyres défend le patrimoine maritime du Bassin.

 

 

 

– L’amicale des Pinasseyres du Bassin fête ses trente-deux ans.(*) Fondée par des Testerins et présidée alors par Hubert Charbonnier, elle est née d’un constat inquiétant dans cette année 1985 : il n’existait plus que deux vraies « pinassottes » aptes à naviguer sur le Bassin. Pourtant, jusqu’en 1962, les fêtes des villages du Bassin organisaient des courses de régate mais c’est à Taussat que la tradition s’éteignit. En 1982, ce grand amateur de la marine locale que fut Pierre Malet, alors président du Cercle de la Voile d’Arcachon, voulut reprendre la tradition de ces régates mais ce fut une déception pour les spécialistes. Voilà qu’on leur présenta des barques en contreplaqué équipées d’un mât haubané et d’un système commode et qui permettait de ne plus amener puis hisser la voile à chaque changement de bord. Ce n’étaient plus de vraies pinasses, s’indignèrent quelques Testuts et Piqueyens. Le président Mallet se rendit à leurs raisons et il fallut agir pour ne pas voir disparaître ce patrimoine naval représenté par des embarcations et des techniques de navigation qui furent, pendant des siècles le premier instrument des pêcheurs du Bassin, qu’ils naviguent à la rame ou à la voile. Un bateau parfaitement adapté à la « petite mer ». Construit en bois, venu de la forêt usagère, par les marins eux-mêmes parfois, ils avaient su adopter l’architecture à clins, solide car devant résister aux lames des passes et de l’océan, certes plus facile à mettre en œuvre mais néanmoins élaborée et originale. Sa forme, longue et effilée, bien adaptée aux vagues du Bassin, permet de naviguer rapidement pour se rendre sur des parcs ou des lieux de pêche, parfois bien éloignés des ports et devant nécessiter un faible tirant d’eau pour quitter ces lieux ou s’en approcher. Bref : un bel outil technologique qu’il était impossible de voir sombrer, ont pensé ses premiers sauveteurs. Ils se dirent « il faut arrêter ces façons modernes de manœuvrer car la pinasse doit rester ce qu’elle est, un anachronisme, un fossile vivant, une spécialité exclusive du Bassin qu’il faut défendre, transmettre à nos successeur comme elle nous est parvenue ». Et de s’organiser pour cela et pour promouvoir l’utilisation de ce bateau mythique. Leurs noms doivent désormais s’inscrire au Panthéon des célébrités locales : Jean Pères, les Sanz, Eric Squenel, Jean-Pierre Ruez et Hubert Charpentier. « Nous nous sommes alors lancés dans l’exploration des cabanes et des quais et nous avons fini par en récupérer quelques unes, plus ou moins délaissées encore en relatif bon état mais très disparates en longueur », se souvient Hubert Charbonnier. Et, avec « Véraline », sortie des chantiers Raba à la Teste, ce fut le départ d’une renaissance et d’une extraordinaire aventure, autant humaine qu’essentielle dans l’histoire locale.

Hubert Charbonnier se souvient encore : « Dès 1985 nous pouvions disposer de six pinasses, à voile et à aviron et très vite est née l’idée de recréer des courses qui avaient existé par exemple lors de régates devant Arcachon voilà plus d’un siècle ». C’est le comité des fêtes de l’Herbe qui, le premier, organisa ces premières joutes « classiques » qui valorisent l’élégance des pinasses mais aussi l’aspect spectaculaire de leur navigation en course. Et pour ceux et celles qui y sont embarqués, elles témoignent de belles qualités humaines. « Pas très physiques lorsqu’on navigue à la voile » ajoute-t-il «  car il suffit d’avoir le sens de l’équilibre » car l’équipage est composé de sept marins, mais, dit-il encore : « il suffit que trois d’entre eux connaissent bien des manœuvres un peu spéciales pour naviguer au mieux, les autres personnes servant de lest ». Le plus important n’est pas là. L’essentiel, insiste-t-il, « réside, en embarquant dans l’esprit de compétition, dans l’envie de défendre sa commune ou son association, dans la sociabilité qu’il faut marquer pendant la course et la bonne humeur qu’il doit marquer en débarquant car les régatiers ont des personnalités affirmées qu’il faut bien assimiler… ». C’est vrai : la course exige du caractère et peut être même parfois un peu de mauvais caractère, la tactique consistant, non seulement à trouver le meilleur vent et le meilleur courant mais aussi assez de « gnac » pour pousser l’adversaire à la faute, le presser pour que tout son monde finisse dans l’eau. Et montrer assez d’humilité pour reconnaître son erreur et assez de volonté pour repartir, même distancé. Il est vrai que la moindre erreur de manœuvre est fatale car le virement de bord est toujours plein de surprises lorsque la drisse est détachée du tolet bâbord pour passer au tribord, dans un geste séculaire. Un de ces moments fébriles qui entraîne parfois des gags célèbres dont on parlera longtemps durant les agapes terrestres ! Ce goût de l’aventure mêlé à une belle histoire de sauvetage de patrimoine, explique certainement pourquoi l’amicale entreprise s’est bien développée puisque, très vite, il y eut dix embarcations mises à l’eau grâce à quelques particuliers mais surtout parce que les communes du Bassin ont vite compris que leur image de marque avait tout à gagner à encourager ces équipages locaux. Tant et si bien qu’aujourd’hui, en 2017, l’amicale, présidée par Louis Réveleau, fédère vingt-cinq pinasses tant municipales que privées et animées par des associations. De nouveaux chantiers sont lancés, tel celui financé par Bernard Magrez qui a permis la construction par les chantiers Bossuet de « Bleu de Mer », conçue spécialement pour la course. Mais M.Réveleau précise : « Nous veillons bien à ce que la méthode de construction et de fabrication des voiles utilise uniquement des matériaux naturels car nous voulons conserver et transmettre le travail de nos aïeux ». Il rejoint ainsi M. Charbonnier qui a dit : « Nous voulons défendre et promouvoir le patrimoine du Bassin ».

Ce patrimoine, on comprend bien qu’ils l’exhibent avec ampleur et fierté puisque les Pinasseyres n’ont pas hésité à créer la Coupe du Monde des Pinasses qui se déroule en dix manches, devant chaque commune du Bassin et, à la fin de la saison d’été, tout autour de l’île aux Oiseaux. Autant de courses ardemment disputées et suivies par de très amicales et festives rencontres « célébrées dans la bonne humeur », précise le président. Sans compter la coupe des maires, hors concours, où chaque bateau communal embarque son édile ou son représentant. « Leur notoriété ne les empêche pas de faire naufrage ! », ajoute M. Réveleau. Cette année, la coupe se déroulera devant Arcachon, le jour du 15 août. La compétition sera d’autant plus farouche qu’une revanche est à saisir devant « Bleu de mer », championne in extremis en 2016. Mais la célébrité de pinasse traditionnelle du Bassin a dépassé sa coupe mondiale. Le troisième président de l’amicale, Olivier Laban a su la faire admirer dansldes rassemblements de vieux gréements, de Douarnenez à Venise, en passant par Calvi et le lac Léman. Sans compter l’exploit de la « Jeanne d’Arc » qui brava tout interdit pour rejoindre les côtes espagnoles.

Mais il n’y a pas que la navigation dans le grand soleil festif de l’été qui compte dans le fonctionnement de ce musée vivant. Ces bêtes de course nécessitent un hivernage chouchouté et bichonné. Pour l’assurer, de nombreux bénévoles peignent les coques, les réparent et recousent les voiles. Car, dit M. Charbonnier : « On les aime, nos bateaux ! ». Il est vrai qu’ils portent tant de souvenirs des efforts, des luttes, des espoirs et des peines des gens du Bassin qu’ils en constituent un mémorial flottant qu’il importe de conserver avec ferveur.

`                                                                                                        J.D.

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(*) A Arcachon, 15 bis rue Georges Meyran. contact@pinasseyre.com

Un commentaire

  1. Bonsoir,
    Passage de flambeau pour l’amicale des pinasseyres.
    On souhaite à nos amis un beau championnat « du monde » ! 🙂

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