Jules Caron, premier peintre du Bassin ( expo en cours)

Talents du Bassin (#37)

par Jean Dubroca

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Patrimoine : Christel Haffner Lance a retrouvé Jules Caron, premier peintre d’Arcachon. (1806-1881).

 

Si l’on connaissait les paysages d’Arcachon et du sud Bassin dans leur état le plus primitif avec des dessins dont les plus connu sont ceux de Léo Drouyn (1816-1896) on n’en savait pas les subtilités colorées. Et voilà que Christel Haffner Lance (*) vient d’exhumer des toiles de Jules Caron qui montre, de manière complète et variée, comment se présentait Arcachon avant même que ce fût Arcachon. Il se dévoile dans une intéressante exposition et dans son catalogue (**) dans lequel on mesure encore l’importance du travail effectué par cette historienne de l’art pour valoriser cette part méconnu de notre patrimoine local que constitue l’œuvre de Jules Caron et qui présente un très grand intérêt historique.

 

Elle a patiemment reconstitué et de manière précise et détaillée la biographie fort mal connue jusqu’alors de Jules Caron et notamment les événements concernant ses séjours arcachonnais et notamment le premier d’entre eux datant de 1850, alors qu’il a déjà 45 ans, qu’il jouit d’une certaine réputation parisienne puis bordelaise. Une commande de l’hôtelier Gaill(h)ard afin qu’il réalise un dessin pour une lithographie destinée à faire connaître son établissement et le casino attenant l’amène à Eyrac dont il apprécie le charme jusqu’à y acheter un terrain en 1853. Disciple de l’école de Barbizon, il « peint sur le motif » si bien que les nombreuses œuvres qu’il va peindre désormais ici constituent des témoignages précieux sur les premiers âges d’Arcachon en plein développement dont il partagera d’ailleurs directement les soubresauts politiques et sociaux qui marquent cette période. Ce qui explique comment il a pu se lier avec Adalbert Deganne, un des pères d’Arcachon, qui deviendra un véritable mécène pour lui puisqu’il lui achètera trente-six œuvres, soit le quart de la collection qui ornera les murs du château de Deganne et qui relèvent toutes de ce « style académique » que d’aucuns traiteront de « pompier » mais qui relève d’une connaissance technique de l’art pictural, ce qui ne devrait avoir rien d’infâmant. (****)

 

Le catalogue classe les œuvres présentées en quatre parties ce qui permet à son auteur de se livrer à leur analyse de manière technique, artistique et historique. Une première série de toiles montre divers aspects du littoral arcachonnais. L’une d’elles, datant de 1851, montre les premiers « chalets » construits sur le site d’Eyrac. Une autre est encore plus originale (1855) car Caron y a peint une « Cabane au bord du lac de Cazaux ». Outre la poésie lacustre, on y découvre des informations sur ce qu’étaient ces maisons de résiniers et, chose extraordinaire, on a l’impression que le paysage du lac est arrivé intact jusqu’à nous. Autre curiosité : l’étonnante peinture d’un « Four à briques à Gujan-Mestras » dont on semble aujourd’hui avoir perdu toute trace. Une deuxième série de toiles est consacrée à la forêt et à la naissance d’Arcachon. Là encore, outre la chaleur et la subtilité des couleurs, on découvre des informations sur la vie des résiniers et, chose rare : une délicieuse scène montrant en pleins jeux « Les enfants du résinier » (1870). Dans le même cadre sylvestre on découvre des divers types d’habitats». Lesquels forment un sidérant contraste avec les premières habitations des estivants arcachonnais qui ne manquent pas d’opulence. La troisième série de tableaux comporte des « marines » construites dans les règles de l’art, avec des ciels somptueux. Ces cinq toiles permettent de découvrir comme « in situ » divers types de bateaux du Bassin ainsi que des renseignements sur l’habitat des pêcheurs qui prouvent qu’ils ne vivaient pas dans des huttes primitives qui étaient habituellement montrées pour illustrer le « pittoresque » d’Eyrac. Enfin, la dernière partie est consacrée aux relations entre Caron et Deganne dont on découvre le château dans ses meilleures proportions aujourd’hui disparues.

 

Voilà donc une exposition qui contribue considérablement à une meilleure connaissance de l’histoire d’Arcachon et de la richesse de son patrimoine.

 

Jean Dubroca

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– (*)  Voir «Bassin Paradis » du 15 mai 2017 et « Talents du Bassin » # 2.

– (**) Exposition jusqu’au 30 septembre 2017 à l’hôtel Ville d’Hiver à Arcachon (Entrée libre). Catalogue « Jules Caron au temps de la naissance d’Arcachon ». (12 €) En vente sur place et à la Librairie Générale.