Sorciers ou bécuts : une culture populaire toujours vivante

Les sorciers sont toujours parmi nous. La bonne nouvelle est qu’ils sont plutôt bienveillants, comme les membres de l’Académie du Bassin d’Arcachon qui nous ont raconté leurs histoires samedi 21 octobre à La Centrale, bibliothèque hybride de La Teste de Buch.

L’autre bonne nouvelle est que le public, nombreux, est non seulement intéressé, mais prêt à perpétuer certains rituels oubliés.

Ce sont surtout les pèlerinages vers les nombreuses sources bienfaisantes de notre région qui ont piqué la curiosité des présents. Un sujet en cours de réactualisation par Olivier de Marliave, auteur des Sources et saints guérisseurs des Landes de Gascogne.

Selon ce confrère et membre de notre académie, on voit refleurir auprès de ces sources oubliées les petits mouchoirs et bouts d’étoffe, déposés par les pèlerins, jeunes mariés, messieurs en veine de virilité ! Une tradition est en train de renaître.

Jean Dubroca et Marie Christiane Courtioux avaient recherché dans la littérature populaire des histoires toujours étonnantes: La pierre du diable de Lugos ( un article de Fernand Labatut pour un ancien numéro de la Société Historique et Archéologique du Bassin d’Arcachon), agglomérat de garluche ferreuse vitrifiée, dont la présence inattendue sur les bords de la Leyre a troublé les imaginations ! Ou encore d’Elyette Dupouy, l’origine de ces « bécuts », ogres malingres inspirés des grands moustiques, « cousins » ou « faucheux », qui pullulent sur les eaux calmes ( faussement tranquilles ?) de la Leyre !

       Plusieurs extrait des oeuvres de Charles Daney, ( Dictionnaire de la lande française, Loubatières et La Gironde Mystérieuse, Geste éditions) ont fortement impressionné et amusé le public !
Marie Christiane Courtioux a conté l’histoire de « La femme aux cheveux de feu », mettant l’accent sur le fait que le sorcier est le plus souvent l’étranger et plus souvent encore une femme inconnue, ou aux charmes « trop bien » connus des villageois…Ignorance, jalousie, peurs ancestrales …

Quant à Michel Doussy, en collectionneur avisé d’objets témoins du passé, il avait amené deux pièces rarissimes : une canne de sorcier, canne qui servait à neutraliser les serpents, terminée par une fourche bien « diabolique »; et un masque de bois sculpté, coiffé d’une abondante chevelure de crins de cheval … au grand étonnement du public.

Sans oublier un exemplaire bien pâtiné du Petit Albert, livre magique des sorciers, un vrai trésor plein d’étranges recettes et symboles cabalistiques(+) ! Avec sa verve habituelle, il a su rappeler ces petits gestes d’autrefois, que les « vieux » n’oubliaient jamais de pratiquer, mettre un balai derrière la porte pour écarter les importuns; porter un sous-vêtement à l’envers pour que le sorcier n’ait pas de prise; en cas de migraine, éventrer les oreillers et brûler les boules de plume qu’on ne manquait pas d’y découvrir. Peut-être s’agissait-il de « mounaques » ( poupées jeteuses de sorts) propose Olivier de Marliave. Et ne jamais porter son prénom de baptême, mais un second ou troisième prénom « alibi »… pour les mêmes raisons, détourner les attaques des jeteurs de sorts.

Bons et mauvais sorciers

Entre sorciers et adeptes de vieilles méthodes guérisseuses, il faut faire le distingo, insiste Michel Doussy. Les premiers se retrouvent plus souvent dans les livres et les contes des veillées*, les seconds peuvent avoir un rôle à jouer, un rôle tout à fait inexplicable par nos sciences exactes ! On continue de les consulter … et, à notre connaissance, il y en avait au moins un dans la salle !

Quant à Denis Blanchard Dignac, testerin et historien, il a rappelé l’importance du cadre géographique sur les croyances populaires, marécages et forêt pour les uns, bord de mer pour d’autres. Et bien sûr, le poids de l’Eglise et du pouvoir central pour contrôler des pratiques qui pouvaient laisser soupçonner de la rébellion au dogme en vigueur, garant de l’ordre public. D’où l’interdiction de certains pèlerinages, assimilées à des réunions ( sabbat ?) de sorciers.

Cette première rencontre conférence dans les nouveaux locaux de La Centrale est une réussite. Elle conforte l’Académie dans son souhait et sa mission de maintenir vivantes la langue et la culture populaire du Pays de Buch, tout autant que de distinguer des auteurs et des artistes contemporains.

MCC

*Cité par Marie Christiane Courtioux, le roman d’Angelo de Sorr « Les pinadas ou le sorcier », Editions Confluence, réédité en 2009 par Jean Pierre Bernès, fait figure de premier roman ayant pour cadre le Bassin d’Arcachon et le Pays de Buch. La « scène de crime » est représentée par « Le Puits Rouge » où le sorcier Cantabre guide ses ennemis pour les faire disparaître. Sombre hisotire de vengeance dans un esprit très roman flokloriste du 19eme siècle, révélateur des moeurs d’une certaine bourgeoise dissolue et surtout livrant une description explicite des landes, des marais et de la vie rude des bergers et résiniers locaux.


Prochains rendez-vous : > le 4 novembre, présentation du livre de Denis Blanchard-Dignac  » Cocteau-Radiguet Sous le soleil du Cap Ferret, Cocteau, Radiguet »

et toujours à La Centrale, le 18 novembre, 10h30,  » Parlez-vous le bordeluche ? » avec Jean Dubroca,

ET comme session de rattrapage:

Pratiques et remèdes sorciers :Pratiques et remèdes sorciers

La sorcière de Gazinet :LA SORCIERE DE GAZINET

La femme aux cheveux de feu et les sorciers de Bazas : Sorciers…incendie et bûcher de Bazas

etc …

 

(+) Les secrets du Petit Albert