Pour se souvenir des Pereire, bientôt un lieu de culture, initiative ACCIBA

TALENTS DU BASSIN (40)

Par Jean Dubroca

 

 

     Patrimoine : La synagogue d’Arcachon et l’Espace culturel Émile et Isaac Pereire.

On se souvient que l’Académie du Bassin a décerné son Prix artistique 2013 au journaliste Michel Cardoze qui a réalisé « Les frères Pereire, le roman d’un capitalisme heureux ». Son film de 52 minutes, diffusé par FR3-Aquitaine, fait une large part aux deux frères Pereire en décrivant l’important travail qu’ils ont mené dans le développement d’Arcachon puisqu’on leur doit l’arrivée du chemin de fer dans cette cité mais aussi, son corollaire, la construction et le lancement de l’étonnante Ville d’hiver.

Or, Éric Haziza, délégué rabbinique du Bassin d’Arcachon, exprime un regret : « La célébration du 160ème anniversaire de la création de la commune d’Arcachon a oublié d’y associer les frères Pereire ». Il constate aussi : « Il est vrai que les Arcachonnais ne connaissent pas tous l’histoire de leur ville ». Et Judith Assoun, présidente de l’association, d’ajouter : «  Il serait dommage que le nom des frères Pereire ne soit connu qu’à travers le nom d’une plage ! ». Donc, foin des lamentations : la communauté juive du Bassin a décidé de créer une association pour ouvrir un espace culturel rappelant l’importante œuvre arcachonnaise des deux banquiers bordelais. En même temps, cette salle devra diffuser la culture juive. (1)

L’autre souvenir des frères Pereire, pas seulement une plage !

Et, tout aussitôt, d’agir très concrètement. L’association de la communauté juive du Bassin construira et entretiendra une salle polyvalente qui portera le nom des Pereire. Mais aussi, et c’est là l’essentiel, Éric Haziza déclare : « Nous voudrions qu’à l’intérieur de ce bâtiment, le public trouve un bibliothèque, des documents et une exposition liés aux deux frères. Dans une autre salle nous pourrons organiser des conférences, de projections, des débats pour une centaine d’assistants ». Et de fixer un cap bien précis : « Notre but, c’est que notre association devienne incontournable dès lors qu’il s’agira d’évoquer les Pereire et leur œuvre ». Pour y parvenir, l’association a désigné deux présidents d’honneur qui seront comme les garants de la qualité de son travail en ce domaine : Michel Cardoze et Anita Pereire, descendante de l’un des deux frères. De plus, elle a rencontré Géraldine Enochsberg, arrière petite fille d’Émile.

Patrimoine et lieu culturel

Toujours dans le même élan, a été déposé en juillet dernier un permis de construire cette salle culturelle sur un terrain acheté par Daniel Iffla-Osiris, le fondateur de la synagogue d’Arcachon. Et l’architecte Denis Boulanger qui a travaillé à la rénovation complète de cette synagogue est à l’œuvre pour une ouverture prévue en 2020, après un financement assuré par des fonds publics et le mécénat qui doivent couvrir les 300 000 € que coûte l’opération.

Une communauté, un engagement républicain

Mais cette évocation de la construction du patrimoine laissé ici et ailleurs par les Pereire, se manifeste aussi par une double célébration concernant un emblématique bâtiment arcachonnais : la synagogue de l’avenue Gambetta. Il s’agira de célébrer les 140 ans de sa création et diverses manifestations marqueront cet anniversaire. Le second événement, c’est, en fin d’année, la célébration des cent dix ans de la mort d’Osiris. Une plaque à sa mémoire sera apposée, en présence de Jamy Tivoly, l’un des ses descendants Osiris, né à Bordeaux en 1825 dans un milieu juif modeste, part très jeune à Paris. Il s’enrichit à la Bourse et, à la tête d’une première dizaine de millions de francs (or !) il se consacre à la philanthropie et finance la construction de la synagogue de la rue Buffault à Paris. Il multiplie en tous domaines les actes de générosité. Patriote ardent, il manifeste par des dons divers son attachement à la France. Arrivé à Arcachon avec les Pereire, il y investit en achetant deux villas boulevard de la Plage et quatre villas avenue Gambetta, toutes six destinées avant tout à la location. Pour son usage personnel, il fait bâtir en Ville d’hiver l’imposante villa Alexandre Dumas qu’il voulait léguer à la commune, ainsi que d’autres biens mais… qu’il oublia dans son testament. Sauf à y faire figurer une rente affectée aux élèves des écoles communales arcachonnaises. Par contre, il fait bâtir la synagogue de cette ville, la première de celles qui seront édifiées par la suite dans diverses stations balnéaires ou thermales, ce qui lui confère une double valeur historique et qui, de plus, témoigne de l’attachement d’Osiris à la France puisque le temple arbore fièrement un grand monogramme R.F (République française). Il fut inauguré le 21 décembre 1879. Mais cette édification n’a pas été rapidement admise par le Consistoire de Bordeaux. Osiris eut de sérieux démêlés avec lui car le financier était très attaché à un judaïsme dit « portugais » qui refusait de s’intégrer au modèle conçu par le Consistoire à dominante ashkénaze. D’où son attachement à la branche séfarade qu’il manifeste lorsqu’il fait édifier les synagogues d’Arcachon et de Paris à propos de laquelle il déclare : « Notre chère communauté, la seule véritablement française élève ce temple pour y venir prier le Seigneur et le supplier de protéger la France ».

 

 

 

Voilà donc un des monuments importants du patrimoine local que l’ACCIBA (Association cultuelle et culturelle israélite du Bassind’Arcachon) a déjà contribué à restaurer en rénovant son intérieur et en reconstruisant l’élégant lanternon qui le couronne, une double opération où elle a investi 300 000 €. L’édifice est inscrit sur l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques depuis décembre 2004. Les projets de l’espace culturel construit à ses côtés ne pourront que le valoriser

 

Jean Dubroca.

(1) « Sud-Ouest » du 10 septembre 2017.