Saison Cinq au Paradis d’Hortense

45- Talents du Bassin

par Jean Dubroca

Vidéo/Cinéma. « Saison Cinq », une active société de production à Lège-Cap Ferret.

– La société de production, « Saison Cinq » est installée à Lège-Cap Ferret. (1) Emmanuelle Glémet qui la dirige, travaille avec des professionnels et se veut, dit-elle, « très engagée dans la présentation du patrimoine régional ». C’est ainsi qu’elle a produit ou coproduit plusieurs films d’inspiration locale. Dernier en date : elle vient de diffuser sur FR3-Nouvelle Aquitaine, « le Paradis d’Hortense  ».

Auparavant, elle a produit un film réalisé par Patrick Glotin où il dressait l’étonnant portrait de la famille Lucine qu’il montrait notamment dans les terribles remous des passes du Bassin en train de pêcher du bar. Il a aussi réalisé un film sur l’île aux oiseaux et un autre, « Jo et Jean », évoquant la fille présumée de Jean Cocteau. Avec toujours en tête une idée directrice voulue par Saison Cinq : « explorer la frontière entre la réalité et la fiction », comme il l’a déclaré à la « Dépêche du Bassin », le 4 octobre dernier. Dans le même esprit, il a aussi réalisé « Le cèpe une merveilleuse apparition » dont le scénario n’échappe pas à cette règle puisqu’il montre comment ce si savoureux champignon est « une machine à fantasmes » qu’il démonte, dit-il, « en une joyeuse enquête à la recherche de ce citoyen des bois ».

Mais c’est l’Andernosien Philippe Manoux qui vient, après deux ans de tournage, de montrer son premier documentaire pour Saison Cinq, un film fort intéressant sur le Cap Ferret. Coproduit par FR3-Aquitaine et intitulé « Le paradis d’Hortense »,(2) ce « 52 minutes » s’appuie sur l’image de ce célèbre restaurant, « Chez Hortense », installé face aux eaux changeantes, tout au bout d’un monde en équilibre sur des vagues de dunes battues par des vagues d’écume. Depuis quatre générations la même famille y cuisine le meilleur venu de la mer et, en particulier, ces fameuses moules accompagnées d’une sauce à la composition quasi secrète que l’on mange avec les doigts et en se pourléchant. On rencontre donc dans le film Bernadette Lescarret, la petite fille de la fondatrice du lieu qui en est à sa 42ème saison et ses deux fils, Olivier et François qui, comme elle, perpétuent la tradition de cet établissement inusable, incontournable et hors du temps puisque son décor de bistrot n’a pas changé depuis 1938, alors que le paysage alentour est en perpétuelle transformation sous la force des vents océaniques et dans des lumières toujours nouvelles de matins éternels.

 

Mais si la famille « Hortense » est au cœur du film c’est parce qu’elle est comme le révélateur de tout un monde. Celui de peoples tel, Guillaume Canet qui déclare : « Je suis tombé totalement amoureux de l’endroit qui m’inspire » ; tel Pascal Obispo pour lequel « la presqu’île a fait de lui ce qu’il est » ; tel encore Mathieu Chedid qui dit : « ici, on vient voir la nature ». Mais le film dépasse cette vision d’un Cap Ferret à la mode pour en donner un autre regard « sincère et franc mais plein de gentillesse et d’esthétisme », comme l’a fait observer Jean-François Karpinski, conseiller des programmes de FR3-Aquitaine lors de la première projection publique du film au Cap Ferret. Effectivement, il montre aussi une presqu’île hivernale, désertique, à la fois sauvage et pourtant tellement humaine. On la découvre ainsi en suivant ce moment magique où les deux garçons de Bernadette s’offrent une partie de chasse au petit matin et durant laquelle, très complices, ils se confient avec tendresse et humour, tout comme on la découvre en suivant les Lucines à la pêche. Un contact avec la réalité humaine de ce Cap Ferret au quotidien qui aurait été bien incomplet s’il n’avait pas traité de ses problèmes comme l’érosion, le développement immobilier et le dépeuplement des autochtones, notamment les jeunes, chassés par une spéculation foncière forcenée.

 

Nombreux encore ceux qui se sont exprimés dans ce film, par exemple des agents de l’ONF (Office national des forêts) et des représentants des fondations Cocteau et Le Corbusier, ce dernier ayant laissé des constructions à Lège. Et puis, et ce n’est pas là son moindre intérêt, le film évoque le passé du Cap Ferret. Cela grâce à des archives parfois centenaires, conservées par l’association locale « Vue du Cap », (3) qui a su collectionner des images étonnantes de cette pointe encore désertique dans les années 1850 d’où seul émergeait le phare. Et cela, aussi et surtout, grâce à l’intervention de Françoise Cottin qui explique comment le lieu s’est formé et s’est développé. Un moment émouvant qui permet de revoir notre amie dire tout son amour pour cette terre dont elle a su si bien parler. Des propos qui correspondent tout à fait à cette ambition d’Emmanuelle Glémet : « faire savoir aux spectateurs d’où l’on vient ce qui aide à savoir où l’on va ». Un propos qui donne ainsi toute son ampleur au film.

 

Mais Saison Cinq ne va s’arrêter à cette réussite. Elle a en projet un documentaire sur « Les Mains de la mer », traitant de la petite pêche. Suivraient des « Portraits du Bassin », un projet transgénérationnel auquel travailleraient des jeunes lycéens d’An-dernos, comprenant une plateforme multimédia où Emmanuelle Glémet voit une forme moderne pour travailler sur l’environnement. Saison Cinq a donc bien des printemps devant elle …

Jean Dubroca.

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