Des secrets, des bonheurs et des drames …une trace signée Françoise Bourdon

TALENTS DU BASSIN (49)

par Jean Dubroca

Littérature : « La Maison du Cap », roman par Françoise Bourdon.

 

 

Françoise Bourdon est un phénomène dans la littérature française contemporaine. Elle a écrit son premier roman à l’âge de dix ans ! Avec « La Maison du Cap », elle en est à son douzième et, comme les précédents, très bien accueilli, par la critique et par ses déjà nombreux lecteurs. Comme l’indique son titre, l’intrigue se déroule sur les bords du Bassin et de la côte landaise. Ce qui plaît beaucoup car, à travers tous ses ouvrages, Françoise Bourdon a voulu évoquer une région française, afin, dit-elle : « de laisser une trace de ce qui s’est passé dans les familles avec leurs secrets, leurs drames, leurs bonheurs, leurs modes de vie dans leur milieu particulier, des histoires où chacun peut se reconnaître».

C’est ainsi qu’à ses débuts, elle s’est inspirée des Ardennes, son pays natal qu’elle a décrit dans « La Forge aux loups », puis dans «  Les tisserands de la victoire ». Devenue professeur de Droit et d’économie puis journaliste, elle fait de la Provence et de la vallée du Rhône où elle réside, le centre d‘autres ouvrages, tel celui intitulé « Les bateliers du Rhône » où elle décrit le quotidien difficile de tous ceux qui vivent sur ce fleuve dangereux. Un signe qui montre combien elle s’intéresse aux travailleurs aux durs labeurs.

 

Une autre constante dans son œuvre dense et riche : ses romans constituent une saga familiale où se succèdent portraits de femmes et évocations de leurs gagne-pains, dans un milieu jamais banal. Mais pas pour le simple plaisir de démêler une intrigue ou d’être à la recherche de pittoresque mais bien pour délivrer son message : « J’ai voulu dire qu’il faut toujours garder espoir en se battant sans cesse avec combativité et passion car rien n’est joué d’avance et toujours aussi en regardant les êtres avec bienveillance et tolérance ». Mais cette philosophie, elle l’exprime en s’attachant à la construction de ses livre « de façon, dit-elle, à ce que les faits s’emboitent ». Du récit solide, donc et qui se déroule le plus souvent dans des périodes historiques essentielles dans l’évolution d’une société ». Ce qui ne l’empêche pas, bien au contraire, de jouer avec son imagination. Elle ajoute : « J’ai souvent inventé un destin à partir d’une inconnue croisée dans la rue, valorisé une anecdote, développé une idée captée dans un poème, dans une chanson, dans le reflet d’un paysage ».

« La Maison du Cap » commence en 1849 avec le désespoir de Léonie que sa mère a détruite en lui assénant : « Tu n’es pas faite pour le bonheur ! ». Elle sera ramasseuse de sangsues du côté d’Arès, alors que sa plus jeune fille refusera cette triste existence et elle découvrira la Ville d’Hiver arcachonnaise. Une nouvelle vie s’ouvre alors à elle et par amour, un homme lui bâtira la maison du Cap. Au fil des décennies et des tumultes de l’Histoire, cette maison deviendra le centre d’une grande saga d’héroïnes : Charlotte la photographe, Dorothée l’aviatrice, Violette la résistante. De génération en génération, en suivant le quotidien de la vie de leurs cinq familles jusqu’en 1947, elles vont perpétuer une lignée de femmes fortes et ardentes, affrontant une société encore très corsetée.

 

Ces portraits de femmes qui veulent s’émanciper, chacune à sa manière, constituent aussi une constante dans les romans de Françoise Bourdon. « A travers elles, je proclame la nécessaire liberté et indépendance des femmes, d’autant plus que chaque période de crise risque d’entraîner une perte de leurs droits si durement acquis ».

 

Autre intérêt de ce roman, il parle fort bien de notre Bassin, de sa tradition ostréicole, des bouleversements qu’Arcachon connaît dans la seconde moitié du XIXème siècle. Elle évoque un peu comme sur ces cartes postales jaunies, ses artistes, ses villas folles, ses paysages uniques mais aussi les heures graves que traversent la cité et les héroïnes du roman et tout cela d’autant mieux reconstitué que l’auteur a retrouvé le cadre « de ces merveilleuses vacances qu’elle y passait enfant, » comme elle le dit. Il en résulte un roman subtilement féminin et féministe, sensible, généreux, intensément émouvant et aux subtils parfums d’eau de rose.

 

Jean Dubroca.

 

_________________________________________________________________________________

 

– « La Maison du Cap ». 491 p. Editions : Presses de la Cité. (Col. : Terres de France).