Paul Gauguin, évocation d’un artiste (trop mal ?) connu

           Dans le cadre des conférences à La Centrale, et la série des « Grands artistes, grands malades « , le 20 janvier 2018, le Docteur Jean-Marie Chabanne, président des Amis de Jean Hameau et membre de l’Académie du Bassin d’Arcachon nous a proposé un portrait magistral de Paul Gauguin.

Pour nous remémorer le personnage, il résume les principales étapes de sa vie et de son oeuvre.

 

Eugène Henri Paul GAUGUIN

1848 – 1903

par Jean Marie Chabanne

La grand-mère maternelle de Paul Gauguin, de noble origine péruvienne, Flora Tristan, lui a transmis un patrimoine génétique hors du commun, bien développé par Mario Vargas Llosa, dans son ouvrage « le paradis un peu plus loin ». Les principaux ouvrages de Flora Tristan, Pérégrinations d’une paria, L’union ouvrière, L’émancipation des femmes.

La petite enfance de Paul Gauguin, de 1849 à 1855, se déroule au Pérou, dans la famille de sa mère, pays vers lequel avait décidé de se rendre son père, le journaliste Clovis Gauguin, ennemi déclaré de Louis Napoléon Bonaparte. Il meurt brutalement au cours du voyage, au large du Chili.

Puis la famille Gauguin rentre en France, à Orléans, et s’installe chez un oncle paternel pendant une dizaine d’années. Paul apprend la langue française.

Il va connaître ensuite une période de navigation de 5 années, comme pilotin puis en service militaire.

Après la mort de sa mère Aline, il est recueilli par son tuteur désigné, Gustave Arosa, financier reconnu et ami des artistes. Il lui fait entreprendre une carrière financière diversifiée, ce qui lui assurera des revenus importants et une existence bourgeoise. Il se marie en 1873 avec une jeune danoise. Ils auront cinq enfants.

Ses premiers tableaux datent de 1874, moment de sa rencontre avec Camille Pissarro, dont il devient le mécène et l’élève. Il exposera en 1879 avec les impressionnistes, recevant une critique très favorable. A la mort de Gustave Arosa, il perd son emploi dans la finance. Il a 35 ans et décide de devenir artiste à plein temps. Son épouse, devant la chute brutale des revenus, regagne le Danemark avec ses enfants.

Paul Gauguin va traverser une véritable période de misère jusqu’en juin 86, où il rejoint une pension d’artistes, à Pont-Aven, l’auberge de Marie-Jeanne GLOANNEC, où se trouvent des peintres Charles Laval, Emile Bernard, qui deviendront des amis proches.

Il s’impose vite comme le maître de l’école de Pont-Aven

De retour à Paris, l’hiver venu, il s’adonne à la poterie.

Puis il décide de s’éloigner du pays en 1887 pour y chercher une autre inspiration et se rend à Panama, puis en Martinique. Il demeure dans une « case à nègres » près de Saint – Pierre, au carbet. Il se dit malade et obtient de se faire rapatrier. Il réalise plusieurs tableaux très caractéristiques de son environnement.

L’hiver 87 – 88 le retrouve à Paris où il fait la connaissance de Vincent Van Gogh et de son frère Théo, marchand de tableaux.

Retour en Bretagne dès février 88, jusqu’en automne, et il revoit ses amis, Emile Bernard, Charles Laval.

Invité à rejoindre, fin octobre 88, VVG en Arles, il va cohabiter avec le grand hollandais pendant deux mois. Ce séjour se terminera par l’épisode de l’oreille coupée de Vincent.

A Paris, il rencontre un autre hollandais, Jacob Meyer de Haan, fortuné. Et les voilà partis pour Pont-Aven, rejoindre l’équipe de peintres qui l’attendent avec impatience.

Il apprend la mort de Vincent Van Gogh, le 29 juillet 1890.

L’hiver se passe à Paris. Sa décision est prise de gagner Tahiti.

Muni d’une lettre de recommandation, il débarque à Papeete en avril 1891. Ses premiers symptômes de maladie cardiaque se manifestent alors, avec de gros vomissements sanguins. Hospitalisé, il est amélioré par la prise de digitale. Il s’en prend au gouverneur de Tahiti qui lui refuse le poste de juge aux Marquises.

Il écrit l’ancien culte mahori (Noa-noa), et le cahier pour Aline qu’elle ne recevra pas.

Il quitte Papeete le 14 juin 93 et débarque le 3 août à Marseille avec 4 f en poche, voyage payé par le ministère de l’intérieur. Il emporte 66 tableaux.

Une vente organisée à son arrivée à Paris est un échec, 11 toiles vendues sur 42 exposées.

Ce qui ne le retient pas d’écrire à sa femme Mette, installée définitivement au Danemark avec les cinq enfants : « pour le moment, je passe pour le plus grand peintre moderne »

Au printemps 94, il revient en Bretagneà Pont – Aven, accompagné d’Annah la javanaise, pour un quatrième séjour, jusqu’à la fin de l’année.

Il se fracture une jambe à Concarneau, après une journée bien arrosée ; il doit boire de l’alcool pour étourdir la douleur et quelque peu dormir.

Une nouvelle vente désastreuse à Drouot, une vérole évolutive, des jambes surinfectées, ne le retiennent pas de partir pour la Polynésie.

Il part de Marseille le 3 juillet 95 : Ah, oui, je suis un grand criminel. Qu’importe ! Michel-Ange aussi, et je ne suis pas Michel-Ange

Il va rester 6 ans à TAHITI.

Des suppurations profondes de son pied conduisent à une hospitalisation en juillet 96, toute la cheville n’est qu’une plaie. Il rechute en janvier 1897, avec grande souffrance, et peut payer grâce à des rentrées d’argent pour vente en France.

Il Apprend la mort de sa fille Aline, choc qui le terrasse.

En septembre 97 il écrit à son ami Daniel de Monfreid « je ne vois rien sinon la mort qui délivre de tout. Folle mais triste et méchante aventure que mon voyage à Tahiti »

Il est employé aux écritures 150 F par mois. De nouveaux vomissements sanguins en Novembre 97 précèdent, en Décembre 97, une tentative de suicide avec arsenic.

Juste avant, il va réaliser une grande fresque, à titre de testament, « D’où venons-nous ? Que sommes-nous ? où allons-nous ? », 374 cm sur 139 cm.

En septembre 98, 23 jours d’hôpital, puis à nouveau en février 99 pour son pied purulent.

Sa compagne, Pahura, 14 ans, accouche d’un fils, en avril 1899, Emile « : j’ai un garçon tout à fait blanc, qui n’est pas plus coûteux qu’un animal quelconque à qui la mère donne sa pâture. Du reste, les enfants ne me gênent pas puisque je les abandonne ; je suis un salaud de 1ère classe qui a abandonné sa femme et ses enfants. Comme je m’en fiche (Monfreid) »

La vente de 2 toiles pour 1200 F. lui permet une nouvelle hospitalisation décembre 1900.

Il vend son domaine en août 1901, 4500 F., et embarque le 10 septembre pour les Marquises

Paul Gauguin débarque à Atuona, chef-lieu de Hiva-oa, aux Iles Marquises en septembre 1901.

Il a 53 ans, sa démarche est difficile, il voit difficilement.

Il achète un terrain, va y construire La Maison du jouir, se procure une jeune vahiné, Vaeoho, Marie-Rose.

Paul Peint beaucoup, s’achète un cabriolet à cheval, entre en relation avec le pasteur Vernier qu’il avait pris à partie dans les Guêpes sans le connaitre, se heurte avec l’administration coloniale, organise des fêtes « alcoolisées » avec les locaux, hommes et femmes, et très jeunes filles ; incite les autochtones à ne pas payer impôts.

Il est condamné à 3 mois de prison et 1000 F. d’amende pour diffamation envers gendarme. Fait un appel suspensif.

IL souffre horriblement de ses jambes, consomme beaucoup de morphine, par la bouche et en injection.

Le 8 mai 1903, son ami Tioka le trouve confus, prostré sur son lit; il dit avoir eu deux syncopes mais, rassuré par Vernier, parle de Salammbo, et se calme. A 11 h, Tioka, le découvre mort dans son lit une jambe pendant dehors comme s’il avait voulu se lever. Vernier essaye la respiration artificielle pendant que Tioka mâche à pleines dents le crâne de son ami mort, selon la coutume locale.

Il avait 55 ans.

C’est un jeune médecin bordelais, Victor SEGALEN, arrivé sur place quelques semaines après sa mort, qui va tout mettre en œuvre pour divulguer largement son génie.

 

ndlr/mcc : Dans le contexte de dénonciation des moeurs,  Le personnage suscite aujourd’hui la controverse.

Pour prolonger la curiosité, le sujet que lui a consacré France Télévision:

https://education.francetv.fr/matiere/arts-visuels/premiere/video/paul-gauguin-son-hitoire-ses-origines