Tout son temps …et même celui de devenir académicien !

59 TALENTS DU BASSIN.

 

 

– Littérature : « La Mer a tout son temps ». Bernard Cazaubon.

 

par Jean Dubroca

 

 

         « La Mer a tout son temps » est le quatrième roman policier de Bernard Cazaubon, publié en juin 2017. Comme les précédents, il se déroule en grande partie dans la presqu’île du Cap Ferret pour la bonne raison que l’auteur l’apprécie bien puisqu’il vit à Petit-Piquey. Et il la connaît d’autant mieux qu’il fut jusqu’à l’an dernier ostréiculteur à l’Herbe. Mais pas un parqueur ordinaire car, dans des vies antérieures, il fut, d’abord un jeune vacancier sur le Bassin avant de devenir avocat au Barreau de Bordeaux où il eut comme « frère de lait » Me Ducos-Ader, autre réputé avocat d’assises bordelais. Puis, il devient directeur juridique d’un grand groupe de BTP. Mais s’il est devenu ostréiculteur c’est à cause de son épouse qui avait promis à son père de perpétuer son entreprise. Elle aussi avocate, elle n’hésite pas, s’inscrit au lycée de la Mer à Gujan-Mestras et là voilà devenue la seule avocate ostréicultrice de France !

Cette vocation inspirée par la fibre familiale, elle entraîne son mari à la partager. Et voilà pourquoi on retrouvera bientôt Me Bernard Cazaubon vendant, chaque dimanche, sa production d’huîtres sur les marchés de Casteljaloux et sur celui des Chartrons. La marchandise est de qualité et le marchand habile puisqu’il multiplie          par vingt le chiffre de ses ventes ! Mais compter les douzaines de portugaises est l’un des volets de sa double vie puisqu’il continue en semaine son travail d’homme de Loi.

 

Puis vient sa troisième vocation : celle d’écrivain, dès que, dira-t-il, « sa machine à travailler s’est arrêtée ». Donc, la retraite venue, il publie, en 2012, son premier roman chez lequel, confie-t-il, « on retrouve un peu de lui-même ». (**) Et comme l’auteur, au fil d’une intrigue bien ficelée avec accusé innocent et panoplie de portraits fort truculents de la bourgeoisie, de la magistrature bordelaise et sur les moeurs de quelques figures locales, le succès, comme pour le commerce des huîtres est immédiat. D’autant plus que le livre a des qualités que la journaliste Françoise Laborde souligne bien dans la préface du livre  de son concitoyen : « Ce que j’aime c’est que Bernard Cazaubon a le talent si rare de vous transporter en un lieu, de faire vivre une atmosphère, de suggérer un état d’esprit par la seule grâce de son style. Et c’est cette écriture incisive et légère qui nous permet de nous fondre dans la psychologue de ses personnages ». Tout est dit.

 

Un art de romancier, une atmosphère très Bassin et un Cazanova récurrent que l’on retrouvera dans son thriller suivant : « Première ligne », paru en 2013. Au Cap Ferret, un impitoyable tueur en bateau abat, mais « de façon romanesque » dit l’auteur, les habitants de ces belles villas qui ont les pieds dans l’eau. Il ajoute : « Cela me fait plaisir de semer l’horreur en première ligne ». (**) Marylène, une piquante policière bordelaise mène l’enquête dans un milieu où sévit Gilda, ex tueuse du GAL, inspirée à l’auteur par une femme qu’il a défendue. Une occasion pour Bernard Cazaubon d’amuser aux dépens, comme il l’écrit, « de ceux qui s’emmerdent en première ligne » et d’égratigner des mœurs Ferretcapiennes, comme celle qui consiste à « retrouver chez Hortense tous les 44 hectares et le conseil municipal en entier pour y déguster des moules dont la recette est cachée dans un coffre-fort noyé dans les Passes ». Mais ce livre cache aussi une sensibilité subtile car il est dédié au fils de l’auteur, amateur de polars et décédé.

 

Ensuite, collectionneur passionné d’ouvrages de la Série Noire,Bernard Cazaubon a voulu rendre comme un hommage au premier titre qui y parut : « La môme vert de gris », en écrivant en 2015 un recueil de cinq nouvelles intitulé « Cinq mômes vert de gris », bardées de tous les ingrédients dont raffolent les amateurs de la série.

 

Mais ce genre, dit-il, « il ne le poursuivra pas ». (**) Alors, pendant les deux années suivantes, réfléchissant à une histoire « qui plaira à ses copains », il finit par écrire d’un seul jet « La Mer a tout son temps ». (*) II y évoque des parties de poker qui tourneront mal d’autant plus qui interviennent des femmes de pulsion et de caractère, un carré de dames, dont Éva, avocate, Marilyne inspectrice de police, plus une tueuse chinoise, Fan, poursuivie par un tueur en série bordelais et par une sauvage triade chinoise venue tout droit de Hong-Kong. On y retrouve évidemment l’avocat Cazanova dont l’auteur dit « c’est mon passé, mes amours, mes chagrins, mes espoirs, mes doutes ». (**) Bref, un chaleureux roman de mœurs et une intrigue policière où l’on retrouve encore le Bassin en toile de fond et quelques figures du Cap Ferret, comme celle du courageux Benoît Bartherotte qui lutte tout seul contre l’océan. Mais, la douce poésie de vivre dans la presqu’île, sera brisée par les mésaventures haletantes de Cazanova que le grand patron de Hong-Kong veut trucider. On ira ainsi dans une course effrénée, depuis la suite royale du Grand-Hôtel de Bordeaux et de bonnes tables bordelaises jusqu’aux sables lumineux du Mimbeau où rôde l’amour.

 

Quant à Jean-Baptiste Cazanova, on le retrouvera dans le cinquième roman de Bernard Cazaubon, en pleine maturation. Il serait au centre d’un procès d’assises avec des portraits de tous les protagonistes où se mêleraient leurs histoires. Un livre où l’on retrouverait le ton de Simenon que Me Cazaubon admire. Alors : au plaisir de le revoir …

J.D.

14 avril 2018.

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(*) « La Mer a tout son temps ». Bernard Cazaubon. Ed. « Vents Salés ». 215 p. 18,9O €.

(**) Déclarations diverses à « Sud-Ouest » et à « La Dépêche du Bassin »