57 TALENTS DU BASSIN
par Jean Dubroca
Patrimoine : Mme et M. Pierre Eric de Gabiole, propriétaires du château de Ruat, au Teich.
S’il y a un monument qui valorise le patrimoine monumental local c’est bien le château de Ruat au Teich. Dans notre Pays de Buch, les constructions très anciennes sont particulièrement rares. Or, ce château remonte à 1300, lorsque Rufat 1èr d’Artiguemal devient vassal de Pierre Amanieu de Bordeaux qui lui donne en fief le château et les bonnes terres agricoles alentours. Rufat …. Ruat : la conversion du mot se fait ainsi. S’il est construit ici depuis huit siècles, ce n’est pas par hasard : il fait partie du système défensif du secteur du Bassin avec le château de La Teste au sud et celui de Certes au nord.
A partir de cette date, le château de Ruat s’inscrit pleinement dans la longue histoire du Pays de Buch. La preuve. En 1425, il passe, par héritage à la famille de Castéja, toujours vassale du Captal de Buch. À partir de cette date, elle pose les bases actuelles du bâtiment, afin de renforcer la défense du delta de Leyre tout proche.
Allié aux Anglais, le captal Jean de Foix de Candale voit ses biens confisqués par leur vainqueur, Charles VII, en 1451. Mais Louis XI, son successeur, les lui rend en 1468.
Puis en 1500, le captalat de Buch passe, par succession, à celui de Certes, intégrant le château de Ruat. En 1628, signe des temps, la propriété échoit entre les mains de la famille de Jean Castaing Broy, dit le Joli, marchand de La Teste. Son fils est anobli en 1654 sous le nom d’Amanieu de Ruat.
En 1713, lorsque l’héritier des Epernon vend tous ses domaines en Guyenne, c’est Jean Amanieu de Ruat qui lui achète tout le captalat de Buch, château y compris. Mais la Révolution signe la fin des captaux de Buch et c’est à la mort du dernier de ces seigneurs, François Amanieu de Ruat, que son gendre, Charles de Labat, vend le domaine en 1846 à un maître de forges Adrien Festurgières pour 950 000 F. Il donne au château son aspect actuel avec toits coniques, pavillons variés et tourelle crénelée. Le mariage de sa fille avec le ministre de l’intérieur de Napoléon III, Charles Espinasse, ouvre à sa famille les plus hautes relations si bien que le prince impérial, l’Aiglon, viendra à Ruat avec l’impératrice Eugénie. À leur départ, on ferma la grille de l’entrée principale et, en leur honneur, elle ne fut plus jamais rouverte. Depuis, Ruat est resté dans la famille Espinasse. Voilà donc bref historique de ces lieux qui montre que, s’il y a un édifice local qui s’inscrit dans la plus lointaine histoire du Pays de Buch et de la France, c’est tout à fait le château de Ruat.
Aujourd’hui, Mme et M. Eric de Gabiole sont les héritiers de ces lointains occupants et, disent-ils : « Nous nous sentons responsables du patrimoine qui nous a été laissé par nos ancêtres si bien que nous sommes constamment en rénovation et en travaux ». (*) C’est pourquoi, voici quinze ans, il leur a fallu rénover les communs ouest et, dix ans après, le château lui-même. Et maintenant, ils ont entamé de lourds travaux sur l’aile est du bâtiment dont la charpente a plié sous les coups du mauvais temps. Mais, comme l’ensemble du monument, les façades et les toitures de cette aile sont classés à l’inventaire supplémentaires de Monuments historiques depuis 1970, la réalisation des travaux s’avère difficile. Il faut reconstruire dans les règles de l’art les 450 m2 de charpentes et les couvrir de milliers de tuiles dont beaucoup seront récupérées sur la couverture d’origine, afin de conserver à l’aile son aspect traditionnel de grange et de chai. Et c’est l’entreprise Limousin qui peut s’enorgueillir de la réfection de la salle de spectacle de l’Opéra de Bordeaux qui est à la manœuvre.
Les travaux terminés, il en sortira une vaste salle qui pourra accueillir des réceptions ou des réunions dans un cadre des plus prestigieux, boisé de nobles chênes et orné de parterres et de prairies. Une fonction qui continuera à faire vivre ce château de Ruat où passe encore la grande ombre du dernier captal de Buch qui flotte sur huit siècles d’histoire.
J.D.
4 avril 2018
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(*) « La Dépêche du Bassin » du 28 septembre 2017. Jean-Baptiste Lenne.
(**) Photos 1à 4 : « Du Côté du Teich ».
(***) Photo 5 à 8 : « Dépêche du Bassin ».