Pour son roman « Equinoxes » ( Buchet-Chastel), Bernard Foglino s’est vu remettre le Prix 2018 de l’Académie du Bassin d’Arcachon, sous la forme d’une oeuvre peinte ( par Denis Blanchard-Dignac), évoquant un coucher de soleil… d’équinoxe sur le Bassin d’Arcachon, tel que les photographes aiment en poster sur les réseaux sociaux.
L’inspiration, le style, une certaine « humeur » très palpable du Bassin et d’une génération ont mérité cette 12ème édition du Prix littéraire ( Belles Lettres).
Une oeuvre très actuelle, sur un sujet familier, le temps du passage de la jeunesse à la maturité, des souvenirs aux regrets…des illusions enfuies à la sagesse, dans ce climat si particulier, doux-amer, d’un changement de saison dont le Bassin a le secret.
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En tant que secrétaire perpétuel, Charles Daney a prononcé l’éloge de l’oeuvre et de l’auteur dont il a souligné la sincérité, la vivacité d’écriture et les traits d’ironie et ce don, qui marque les bons écrivains, de se délecter de « petits riens » qui font les histoires bien senties.
EQUINOXES
Monsieur, cher auteur,
Vous dédiez ce livre aux « locataires de l’été », comme sont les personnages des petits mouchoirs, ces bandes de copains qui vont, viennent, virevoltent, font des riens dans l’insoutenable légèreté des vacances. Vos copains (quatre, comme les mousquetaires, trois de retour, un resté au pays) ont fait, il y a quinze ans, bien des conneries d’étudiants, ce qui constitue le vrai ciment des bandes de jeunes : autos « empruntées » à l’aide de ciseaux (vous ne le dites pas, mais c’est la méthode) et rendues intactes, les fils que l’on frotte pour faire démarrer un moteur, le bris de vitrine d’une bijouterie…Tout a été préparé : les masques, la surveillance des abords, le chemin de fuite et le matériel : une pioche pour briser la vitrine. Sauf que la bijouterie est toujours là quinze ans après – pas exactement où vous dites- mais toujours aussi bleue. Vous n’avez pas brisé la vitre, ni cambriolé le magasin. Ce récit, c’est un fantasme de connerie. Je connais un gamin de quatorze ans en a fait une : pas la vitrine d’une bijouterie, celle d’une armurerie pour un pistolet qui lui a servi à braquer une caissière. La connerie maximale. Chez vos personnages c’est l’acte manqué, pas osé, peut-être même pas voulu, qui s’insinue tout au long du récit.
Ça, c’est le ciment. Votre livre va plus loin : les remarques poussent drues au fil des pages : petits verres que l’on reprend à gogo, vantardises, maillots de foot que l’on collectionne, et les réalités arcachonnaises : l’incident de bateau, le pique nique à Arguin, la dune de pilat, les filles, le copain qui vous file sa sœur dans les pattes et qui vous fait la gueule quand la chose s’est « concrétisée », …sans oublier les tournées de poker où l’on plume le bourgeois. C’est plein de ces observations de tous les jours, de ces riens qu’on n’aurait jamais osé mettre dans un livre mais que l’on est content d’y trouver.
L’adresse est arcachonnaise mais sous Arcachon gîte le Cap Ferret. Et nous retrouvons les petits mouchoirs. Mais contrairement au film, l’homme resté au pays y a moins d’importance que les autres, ceux qui sont revenus au lieu de leur adolescence.
Quant arrive l’équinoxe, la pluie, l’orage, qui annoncent la fin des vacances, vont-ils enfin, avant de se séparer, réaliser l’acte manqué de leurs vingt ans ? On rembarque la pioche et les masques mais… on a volé la voiture de Paul. Elle est retrouvée, intacte…sur le campus universitaire, là où eux-mêmes abandonnaient, quinze ans auparavant– intactes- les voitures qu’ils « empruntaient ». Le gendarme, qui vient annoncer qu’elle a été retrouvée, parle vaguement d’une bijouterie d’Arcachon qui a été vandalisée. Ils réalisent que c’est « la leur ». Ils n’auront jamais cambriolé la bijouterie de leur fantasme.
Comment peut-on s’intéresser à pareille histoire ? Par le style, bien sûr, un style jeune, haché, un style qui vous entraîne comme la houle, une houle courte qui vient briser sur la côte, qui laisse à vif des quantités d’images insolites et entremêlées comme fait la marée quand elle recule sur le sable, – ou quand elle rappelle, à petits coups sur les perrés ou sur la plage, le quotidien de l’été.
Les équinoxes marquent la fin des vacances. C’est alors l’assoupissement des villas « dans les songes étranges des maisons de mer entrant dans la saison morte. Restituées au sel et au sable que polit le vent. »
Circulez : il n’y a rien à voir.
Rien qu’à vous accorder le prix pour ce livre, justement, que nous avons bien aimé.
Charles Daney
Dans ses brefs remerciements ( l’émotion !), Bernard Foglino, avec la même franchise a évoqué l’angoisse de l’auteur, de ces nuits passées à l’oeuvre…dont il ne sait si elle sera acceptée, ou rejetée, par l’éditeur et le public.
( Suggestion à ceux qui sont en train de faire le casting du prochain film arcachonnais- et cherchent 800 figurants- pensez à Bernard Foglino, un personnage éminemment contemporain et attachant… rédacteur de bilans et projections financiers « dans le civil » … auteur de romans dans l’autre vie, la vraie ! )
Une courte cérémonie suivie de signatures s’est déroulée à la Brasserie OPERA-Librairie Les Marquises, dont l’Académie remercie chaleureusement la nouvelle direction. Ci-dessous, un extrait du compte-rendu des débats synthétisés par Jean Dubroca, trésorier, et animateur des lectures de l’Académie.
Photo ODUBROCA:
de gauche à droite
Marie Christiane Courtioux, Olivier de Marliave, Jean Mazodier, Jean Dubroca, Charles Daney, secrétaire « perpétuel », denis Blanchard-Dignac, président, Bernard Foglino, auteur.-, Michel Doussy, assis, sur la photo@MCC