Planes…fou de plages et de culture

80 # AUTEURS DU  BASSIN

– « Une vie de soleil » par Jean-Marie Planes

–  Et voilà qu’une dermatologue inquiète de la santé de l’auteur exige de lui « qu’il marche à l’ombre » parce qu’il a « passé une vie de soleil ». Pour lui, cette expression, c’est « du Ribaud ». Mais il pressent qu’il lui faudra renoncer définitivement à la plage, « qui apporte la griserie ». Il ne lui reste plus qu’à écrire sur elle. Ou plutôt « sur elles », qui ont rythmé sa vie.  À  commencer par celles du Bassin d’Arcachon qu’on lui apprit d’abord à détester pour leur préférer les rivages du Pays basque. Pourtant, devenu professeur, il choisit d’enseigner au lycée de Grand-Air. Alors, commencent ses souvenirs d’adulte qui ira de plage en plage tout au long de sa vie et chacune d’entre elles éveille en lui une lueur, une image, un vers, un air d’opéra, un roman, un tableau. C’est sur le sable du Pyla qu’il corrige des devoirs « dont les feuilles sentent le Bergasol », c’est en pinasse qu’il vogue « dans le rose des eaux du banc d’Arguin », c’est en fouillant dans des tas de photos ou de lettres anciennes qu’il retrouve les mots, les gestes qui font les traces heureuses, émouvantes ou amères des vacances.

Puis, sans aucune chronologie, le lecteur navigue avec lui de la conche des Baleines de l’île de Ré où se mêlent des lumières de phares basques, pour parvenir à Soulac « où l’océan est d’une splendeur sauvage » tandis que surgissent des marques laissées là par la vie : une chute de cheval et la 2CV familiale qui sombre dans l’eau. Alors, dans ses rêves, Jean-Marie Planes se retrouve à cheval ou bien se noie ! C’est le moment d’évoquer Montaigne qui croit mourir en tombant de sa monture. À Soulac encore, il aperçoit Maïtena Doumenach qui deviendra célèbre en s’appelant Marie Laforêt. Il en tombe amoureux mais il ne la rencontrera que bien plus tard, durant une soirée à Paris.

Encore étudiant, le voilà au Porge dans ses « éblouissantes solitudes ». Il y découvre les plaisirs du nudisme mais aussi la stupidité de la mort associée à l’incendie qui enflamme la forêt médocaine, comme la mort ravage la vie. Après, ce sera Lacanau, « un village du Far-West », sauvé dans ses souvenirs par la littérature et puis encore Le Porge où le père se meurt. Viendront de spongieuses plages britanniques et puis bien d’autres mais  françaises et surtout celle de la Chambre d’Amour, nimbée d’une légende dramatique. Ensuite, on suivra Planes qu’un texte de Paul Morand mènera vers cette interrogation : « Comment se  forme une sensibilité, comment se construisent les goûts personnels ? ». Hé bien, ce n’est pas le moindre mérite de ce livre que d’y répondre !

La réponse passe par la place des Quinconces à Bordeaux où, comme à Lisbonne, « la mer commence entre deux colonnes », par « Le Lac » de Lamartine qui lui injecte l’aversion pour les eaux stagnantes, Hossegor où il capte des moments rares « qui surpassent tous les éblouissements balnéaires », Saint-Sébastien « qui n’est pas une plage », les bains de minuit au Cap Ferret « doux, mystérieux, sereins ». Et puis, tout finit au Pyla où il revient « dans la précieuse lumière de septembre », où Planes aperçoit un jeune garçon qui, dans les vagues, « resplendit de bonheur ». À son tour, il y plonge. Il a encore douze ans.

Ainsi, au fil des pages de ce livre attachant et sensible, où la finesse des notations ravit car elles disent toutes les subtilités de ces  lumières aquitaines qui éclairent tout ce qui fait la richesse d’un homme : les assises de son enfance, la mort des êtres chers, les phrases tissées dans des livres par des auteurs aimés sublimés par des rivages dorés de sable, hérissés de dunes ou de falaises et jalonnés de phares et aussi par les souvenirs des  maisons qu’on ferme pour toujours, par la mélopée des bonheurs enfuis, par les rires au soleil, les espérances pleines d’amour et par la pluie qui tombe sur Biarritz.                                                         J.D                                                                                        .

* « Une vie de soleil ». Jean-Marie Planes. Arléa éditeur. 124 p. 17 €.