A la une en 1920 : une actualité haute en couleurs

– L’ACTUALITÉ IL Y A CENT ANS À ARCACHON ET SUR LE BASSIN

La nouvelle chronique de Jean Dubroca

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1920 …. Le maire d’Arcachon, depuis 1897, c’est James Veyrier-Montagnères, une figure illustre dans l’histoire de cette ville dont il a entamé le changement « d’image de marque » afin qu’elle ne soit plus « un sanatorium  urbain ». À La Teste, c’est Pierre Dignac qui, depuis 1902, est à la tête de la commune. Et la rivalité politique entre les deux hommes est restée toujours plutôt vive, bien que des compromis de bon voisinage aient été trouvés, parfois à grand peine.

– En explorant la presse locale ou d’autres documents, nous allons feuilleter, presqu’au jour le jour, l’histoire de cette année 1920. Elle a mal commencé puisqu’une grève du personnel des pêcheries s’étend du 23 février 1919 au 23 février 2020. Mais qu’en est-il ici de la période qui va du 18 au 24 avril ? Suivons, pour le savoir, l’hebdomadaire « L’Avenir d’Arcachon, journal des intérêts Balnéaires, Industriels et Ostréicoles de la Contrée ». (1)

– Dans l’Avenir d’Arcachon, n°du 18 avril 

 : Défense de découcher !

– Comme chaque semaine, l’éditorial est signé par une figure locale, Albert Chiché qui ajoute « Ancien député de Bordeaux ». Il le fut de 1889 à 1893 et de 1897 à 1902. Il était classé à droite et même pas tout à fait républicain. Il fut éditorialiste et directeur de « L’Avenir » de 1902 jusqu’au…5 septembre 1937, date de son décès accidentel, à 82 ans. Il mourut écrasé par le train au passage à niveau du cours Desbiey… Avocat devenu journaliste, il sait bien que, si l’on peut vendre du papier en le cuisinant à l’eau de rose, la recette ne doit jamais se mijoter à l’eau tiède. On peut donc compter sur lui pour animer la vie locale.

– Et justement, en ce 18 avril, fidèle à sa réputation, il titre : « Défense de découcher ».

– Car voilà que les notaires de Gujan-Mestras et de La Teste, résident dans des villas arcachonnaises et ne laissent que leurs Études dans ces lieux ! Or, leurs maires « veulent que leurs tabellions dorment dans leurs communes ». Chiché, met d’abord le feu aux poudres : « Pourquoi aller vivre dans de tristes villages, dépourvus de tout agrément, sur des bords marécageux ? ». Puis il manœuvre avec la redoutable arme de l’humour : « ces notaires doivent garder leur oreiller à Arcachon au nom de la liberté individuelle, (…) et nous les défendrons. Nos vaillants gymnastes veillent et notre maire va faire transporter à Arcachon, le canon du Moulleau ». Pan ! Et…« Vive Arcachon ! Comme « l’ont chanté mardi à quinze heures une centaine d’étudiants qui passaient dans une longue file de voitures tout autour de la place des Palmiers ».

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– Un problème de toujours : les Passes du Bassin.

Un Comité d’Étude vient de se créer à Arcachon pour les améliorer. Il comprendra les pêcheurs de sardines de Gujan et d’Arcachon que leur profession oblige à traverser les passes chaque jour, puis les sociétés de chalutage dont les bateaux courent de grands risques à chaque entrée et sortie et enfin, les fabricants de conserves de sardines, les mareyeurs et tous ceux qui vivent de la pêche. M. Rodel (2) a fait une communication sur ce sujet, de façon à faire d’Arcachon le plus grand port de pêche français, contradictoirement avec M. le député Dignac et M. le Maire d’Arcachon lesquels estiment qu’il n’existe aucun remède et qu’il faut se résigner à la ruine de notre port. Ils ont appris des choses qu’ils ignoraient complètement.

– La polémique en cours.

– Un « lecteur assidu » proteste car un certain M. Thévenot veut acheter à l’État une partie de notre forêt : « À Arcachon, il n’y a plus de plage, il n’y aura bientôt plus de forêt. Mais les conseillers n’ont rien dit car M. Thévenot est un ami du maire. Ne comptez pas davantage sur M. Dignac. C’est un député maritime qui sait nager entre deux eaux ». Et « L’Avenir » de commenter : « On ne finira par ne voir ici que les domaines des nouveaux riches, les rois du jour, entourés de murs ou de grilles ». Et pour faire bonne mesure, le journal de rappeler qu’au cap Ferret, l’État a cédé des terrains à un nommé Labro qui va en tirer un bénéfice de dix-huit millions. « C’est peu de chose comparé au bénéfice que va tirer M. Thévenot de notre forêt », commente le journal. Affaire à suivre.

– La vie quotidienne reste dure pour beaucoup.

– La commission arbitrale des loyers s’est réunie. Plusieurs petits locataires ont été exonérés conformément à la loi.

– Quatre wagons de ravitaillement provenant des stocks américains sont arrivés à Arcachon. Ils contiennent du savon, des confitures, des conserves de poissons ou de haricots verts et de pois. La municipalité étudie le mode de vente aux plus pauvres.

– La consultation des assistés du Bureau de Bienfaisance et de l’assistance médicale gratuite aura lieu désormais au dispensaire, cours Tartas. (3)

– Le casino mauresque, hôpital complémentaire de guerre, est dans un tel état qu’on envisage sa démolition.

 

-Vie religieuse.

– À toutes les messes de dimanche, on a lu une lettre du cardinal Andrieu demandant des prières pour la réussite des négociations entre le Vatican et la République française. (4) On y a également lu une condamnation du nouvel Ordre religieux fondé à Houlande par Claire Farjeau qui prétendait avoir eu des révélations du Sacré Cœur pendant la guerre.

-Ce dimanche a lieu une messe à l’église St Ferdinand avec concert spirituel et quête au profit des pauvres, faite par Mme la Comtesse de Beaupoil de Saint Aulaire, Melle Odette de La Taille et Melle Claire de Trincaud La Tour.

– Il est question de fonder une église au Cap Ferret. (Commune et paroisse de La Teste) Un vicaire d‘Arcachon en serait le desservant. ( !)

Des plaintes ayant été déposées contre un soi disant frère de Ploërmel qui quêtait sans autorisation, la police a arrêté par erreur un vrai moine qui fut immédiatement relâché.

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  • Source : Gallica / BNF.
  • Propriétaire d’une conserverie.
  • Dans une grosse villa donnée par Mme Veyrier-Montagnères. Inauguration le 25 avril à 14 h.1/4.
  • Le Vatican a persisté à condamner les termes du Traité de Versailles.

 

(À suivre)