# – 3- L’ACTUALITÉ D’ARCACHON ET DU BASSIN IL Y A CENT ANS (1e partie) (1)
par Jean Dubroca____________________________
« L’Avenir d’Arcachon ». N° 3497. Dimanche 2 mai 1920 (1)
Journal des Intérêts Balnéaires, Industriels et Ostréicoles de la contrée
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* L’ÉDITORIAL D’ALBERT CHICHÉ *
– MENSONGE –
– L’Avenir poursuit sa croisade pour la défense de la forêt ouest d’Arcachon, propriété de l’État, menacée par des projets immobiliers d’un certain M. Thévenot. Lequel est ainsi dépeint : « Non content de la fortune colossale qu’il a ramassée pendant la guerre, il cherche à gagner quelques millions de plus en massacrant notre belle forêt. (…) On cite déjà le nom de l’industriel qui se prépare à installer une scierie ».
Et Albert Chiché de dévoiler « le mensonge de monsieur Thévenot à l’usage des naïfs et des ignorants » : « Il dit qu’on ne trouve plus de terrains pour bâtir dans notre ville d’hiver. Or, il y a le lotissement du ‘’Mont des Rossignols’’ dont les terrains attendent toujours des acheteurs. On trouve des terrains à vendre dans les allées Sémiramis, Sarraméa, Carmen, Émile Pereire, etc. De quoi bâtir cent chalets pour plusieurs millions car on construit fort peu, en raison de la rareté des matériaux et du prix exagéré de la main d’œuvre ». (2)
Puis il s’attaque aux élus, dans une diatribe aux accents classiques : « Le Conseil Municipal est muet. M. le Maire est muet. Nos députés et nos sénateurs sont muets. Tous muets comme les poissons du Bassin ».
Enfin, vient l’appel au peuple : « Si les Arcachonnais ne font rien, (…) ils n’auront plus comme distraction que de voir scier leurs arbres ».
L’affaire Thévenot n’est donc pas encore close.
* La 14e lettre de Brinborion *
– Elle est datée du 26 avril, depuis Milan. Brinborion y a visité la bibliothèque Ambroisienne où il a pu lire, en latin, un manuscrit relatant l’histoire de la papesse Jeanne qui fut élue au trône de Saint Pierre en cachant son véritable sexe. Et Brinborion de conclure : « Ce texte ne laisse aucun doute sur l’existence de la papesse Jeanne, confirmée par les précautions prises depuis pour éviter de retomber dans un tel inconvénient ». ( ! )
* INFORMATIONS *

+ C’est le 15 mai que notre Palais mauresque sera définitivement rendu à la Ville. Nous espérons que ses représentants sauront obtenir de l’État une indemnité pour les réparations nécessaires.
+ La fête d’inauguration du dispensaire d’hygiène sociale d’Arcachon a été extrêmement brillante. Au Grand-Théâtre, le public a fort bien compris les allusions contenues dans la pièce de circonstance « l’Araignée tend sa toile ». Les Arcachonnais ne s’y laisseront pas prendre. Les Arcachonnais ne sont pas des mouches. Ils sauront défendre leur forêt.
+ « Rencontré dans la forêt un brave résinier en train de faire des entailles aux pins.
– Et bien ! Ça marche !
– Pas mal. Nous ferons cette année 40 barriques de résine.
– À combien la barrique ?
– Huit cents francs.
– Vous partagez avec le propriétaire ?
– Bien entendu, Diou Biban !
– Ça vous fait donc pour vous 16 000 francs. (3)
– Un peu plus avec le barras (reste de résine qui n’est pas tombé dans le petit pot) ».
+ Le Gouvernement a déposé un projet de loi interdisant pendant dix ans la démolition d’immeubles affectés à des locaux d’habitation. Si la loi proposée avait été votée, M. Thévenot n’aurait pas pu détruire trois chalets situés sur la plage et dont la disparition est infiniment regrettable.
+ Prenez date ! Les opérations du Conseil de révision auront lieu à Arcachon le 20 mai. Les audiences de la justice de paix se tiendront les mercredis à La Teste et les jeudis à Arcachon.
+ Le commandant Wuillemin, ancien chef d’une de nos plus fameuses escadrilles de bombardement et récent héros du raid aérien à travers le Sahara, a passé quelques jours dans sa famille à Arcachon. (4)
+ Nous apprenons que par jugement de défaut du 21 avril 1920, le Tribunal de Commerce de Bordeaux a prononcé la dissolution de la Société « Arcachon-Ferret » qui exploitait le vapeur « Berceuse ».

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- (1) Source : Gallica / B.N.F.
- (2) Entre juillet 1914 et septembre 1920, les salaires ont augmenté de 156 %. Mais l’inflation des prix a été de 40% jusqu’en 1919.
- (3) À rapprocher du prix de 25 000 francs proposé pour une petite villa (3 chambres) dans la ville d’hiver ou la ville d’automne. (Voir « L’avenir » du 18 avril 1920). C’est la somme que déclare un exploitant agricole moyen. 1920, c’est l’apogée de l’âge d’or du gemmage. 180 millions de litres de résine sont produits cette année-là.
- (4) Joseph Wuillemin. As de l’aviation en 14/18, il conduit, en novembre 1933, la Croisière Noire aérienne en AOF et AEF. En 1940, il est chef des forces aériennes françaises. Durant la campagne de France en 39/40, sa stratégie couplant chars et avions, préconisée aussi par le général de Gaulle et utilisée par les Allemands, n’est pas retenue par l’État-major. Il entre dans la résistance dès novembre 1940. Il meurt à Bordeaux en 1963.
(À suivre)