1920, 6 juin : « barbares », fortunes de guerre et tickets de pain …

                    « L’Avenir d’Arcachon ». N°3502 Dimanche 6 juin 1920 (1)    

                    Journal des Intérêts Balnéaires, Industriels et Ostréicoles de la contrée (1e partie)

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                                      * ÉDITORIAL : LES BARBARES *

– Albert Chiché s’attaque aux « barbares », ceux qui, dit-il, « ont gâché l’ensemble harmonieux et poétique que constituent autour d’Arcachon son Bassin,  sa ville d’hiver et sa forêt qui lui donne un si délicieux climat ».

   + « Barbares, les maçons qui ont construit le Grand hôtel, cet énorme pavé de pierre qui rompt les lignes et bouche les perspectives. Barbares, ceux qui, pour un funiculaire inutile, gâtèrent le talus verdoyant au sommet duquel se dresse le casino mauresque que des administrateurs incapables laissent tomber en ruines (…) Barbares, les nouveaux riches qui ferment leurs luxueuses demeures avec de lourdes grilles au lieu d’employer des barrières légères permettant aux regards de se reposer sur des parterres de fleurs. Barbares, ceux qui laissent les alentours de notre gare dans un état de saleté repoussant avec, comme ornement, de massifs water-closets dont les émanations empestent le voisinage. Barbares, ceux qui ont permis d’élever sur la gentille plage d’Eyrac une ignoble baraque dont profite un riche industriel (2). Barbares, les architectes qui défigurent l’élégant château Deganne  en collant à ses flancs une colossale verrue (3). Plus barbares encore, les Thevenot, les Veyrier et autres communaux qui continuent de comploter sur la destruction de notre forêt où le directeur des travaux de la Ville prend les mesures du parc projeté où sera édifiée une cité pour des ouvriers et ensuite des routes pour les automobiles et enfin un parc soigné avec des gardes ! Les Bordelais en crèveront de jalousie (…) ».

                                              * INFORMATIONS *

+  « On vient d’apprendre que le cent millionnaire Thévenot est accusé d’une série de faux commis pour dissimuler une partie de ses bénéfices de guerre.

+ La journée de dimanche dernier fut idéale de beauté. Beaucoup de promeneurs aux Abatilles, au Moulleau et à Pyla-sur-Mer, où, en suivant le trottoir de bois, on arrive au Figuier.

+ Les résiniers se plaignent que de mauvais gamins s’amusent à briser les pots de résine. Le premier qui sera pincé recevra une correction méritée (4) et les parents seront poursuivis.

+ L’autobus de La Teste prend son départ tous les dimanches, place de la Poste, le matin à 11 h.30, le soir à 14 h.30 et 18 h.30. La semaine, service d’excursions sur demande. S’adresser à La Teste chez M. Larroque, mécanicien et à Arcachon à Photo Lafon.

+ Les ayant droits au pain à prix réduit sont priés de retirer leurs tickets de juin à la mairie de 9 h. à midi et de 14 h. à 18 h.

+ La deuxième Chambre du Tribunal correctionnel de Paris vient de condamner à trois mois de prison pour dissimulation de bénéfices de guerre, M.Eurieult, fabricant d’appareils téléphoniques. M. Thévenot est soumis à une instruction.

+ Contributions directes. Les employeurs doivent faire connaître au contrôleur l’état de leurs employés ayant gagné au cours de l’année 1919 un salaire supérieur à 4000 francs.

+ Les services du Bureau municipal gratuit de placement fonctionnent au Syndicat d’initiative, 193 boulevard de la Plage. Les employés et employeurs sont invités à faire inscrire leurs demandes ».

         * LES  PASSES  DU  BASSIN *

         «  Une question de vie ou de mort pour Arcachon et la région tout entière »

– M. Albert Rödel, fabricant de conserves de sardines à Arcachon, écrit au journal : « L’impraticabilité des passes du Bassin est une tare qui déprécie la valeur d’Arcachon et paralyse le développement de la ville.(…) Les pêcheurs ne peuvent nier le danger qu’ils encourent en les franchissant. (…) Quant aux industriels installés dans la région ils vont se trouver dans la nécessité indiscutable de fermer leurs usines qui apportent l’aisance à la population. Ceux qui s’adonnent au yachting savent qu’ils doivent souvent renoncer à leur sport favori, à cause du peu de sécurité offert par les passes. (…)

Leur amélioration est une question de vie et de mort pour la région tout entière et exige le regroupement de toutes les bonnes volontés. »

                                             * LA  FORÊT LITTORALE *

– Le docteur Fernand Lalesque s’intéresse aux « montagnes », « ces vastes bouquets  forestiers qui dominaient la monotone désespérance du sable des landes ». Il vante « l’ombrage de leurs chênes, de leurs arbousiers, de leurs genêts et donnaient ainsi dans nos contrées une image des oasis de Nubie ». Il rappelle que les deux vieilles montagnes, celles de La Teste, la grande et celle d’Arcachon, la Montagnette se trouvent réunies par un massif artificiel  et font partie de la plus vaste forêt de France ».

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(À suivre : Les jeudis de Mme Brimborion ; un lecteur mécontent ; des grévistes punis, les spectacles et la « Une » de « L’Humanité du 6 juin 1920).

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  • (1) Source : Gallica/BNF
  • (2) Allusion à « l’affaire Despujols ». Cet industriel, autorisé à occuper provisoirement la plage d’Eyrac en 1918 pour la fabrication de matériel militaire, n’en fut expulsé qu’en 1928, après des années de polémique.
  • (3) Il s’agit du  théâtre, construit sur le flanc ouest du château.
  • (4) En termes plus locaux, on parlerait « d’une belle rouste ».