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# – 8 – L’ACTUALITÉ D’ARCACHON ET DU BASSIN IL Y A CENT ANS
par Jean Dubroca
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« L’Avenir d’Arcachon ». N°3502 Dimanche 6 juin 1920 (1)
Journal des Intérêts Balnéaires, Industriels et Ostréicoles de la contrée (2e partie)
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* COMPAGNIE DES CHEMINS DE FER DU MIDI *
+ « La Compagnie remercie ses Agents restés fidèles à leur devoir professionnel et qui, en refusant de participer à un mouvement néfaste à notre vie économique, ont bien mérité du Pays. La Compagnie leur témoignera sa reconnaissance par une augmentation de leur solde du mois courant et des gratifications spéciales.

Quant aux Agents qui ont abandonné leur poste et commis une faute inexcusable, ils subiront les sanctions nécessaires. (…) Avec la fin de la grève, la paix doit revenir parmi le personnel. Des mesures disciplinaires, pouvant aller jusqu’à la révocation, seront prises, le cas échéant, contre les Agents qui ne tiendraient pas compte de cet ordre de paix et se rendraient ainsi coupables d’une nouvelle faute ». (2)
* UN LECTEUR MÉCONTENT *
+ « Je vous écris car je n’ai pas cherché à faire une pétition pour éviter beaucoup de choses. Toutefois, aujourd’hui, ayant la preuve en main, je me permets de vous dire que la ville d’Arcachon qui prêche l’hygiène à grands cris est loin d’égaler ce qu’elle proclame (3). En effet, avenue Gambetta, près de la place Thiers, aujourd’hui encore, le fumier des chevaux n’a pas été enlevé depuis hier ; l’eau n’a pas coulé dans les caniveaux pendant deux jours, (4) d’où le purin séjournant dans les caniveaux infecte les appartements la nuit. Il me semble que les employés municipaux au lieu d’arracher des herbes feraient mieux le matin à 6 heures à nettoyer le place des cochers et nous n’aurions pas les réflexions des Étrangers venant de la plage en disant : « C’est infect ! ».
Signé : DANGUIN.
* LES JEUDIS DE Mme BRINBORION *
– Ce premier jeudi a failli finir en pugilat entre trois de ses invités : Pangloss, Aurélien et Lucie et porte sur un thème toujours actuel : les pins ou le béton.
Motif de la dispute qui a obligé Mme Brinborion à protéger sa vaisselle « qui est très chère en ce moment » : l’affaire Thévenot.
Pangloss estime : « Cette forêt est indigne d’un pays civilisé ». Mme Brinborion souhaite « un parc comme le jardin public à Bordeaux ». Lucie trouve « que M. Thévenot aime les ouvriers puisqu’il veut les loger dans une cité construite dans le parc et elle trouve que c’est un philanthrope ». Aurélien, en colère, déclare : « Si on fait ce parc, j’irai vivre de l’autre côté du Bassin, dans des forêts vierges. Vous êtes tous des adorateurs du veau d’or, des lécheurs de pattes des nouveaux riches. Si je ne me retenais pas, je vous enverrais cette tasse à la figure ! ».
* SPECTACLES *
– Grand Café –

– Pour que tous puissent venir dans la coquette salle du Grand Café avant l’envahissement des baigneurs, la Direction fait un grand sacrifice en diminuant le prix des places pendant le mois de juin. Réservée 4 fr ; Première 3 fr ; Seconde 2 fr ; Promenoir 1 fr.
– Cette semaine, spectacle sensationnel, deux gros succès : « Les noces de Jeannette », (5) répertoire de l’Opéra-Comique et « Coco Bel Œil », (6) petit chef d’œuvre de gaité.
– Apéritif-concert tous les jours de 5 h. à 7 h. Entrée libre.
– Théâtre Municipal –
– Cette semaine, une œuvre française très émouvante : « La double existence du Docteur Morart », drame en 4 actes du prince de l’épouvante, M. André de Lorde. (7) C’est une œuvre des plus angoissantes enregistrée jusqu’à ce jour par le cinéma. Avec Mme Delvoir, Sociétaire de la Comédie-Française.
– Au même programme : Le meeting de Monaco : tous les fameux bateaux de course qui ont battu les records du Monde.
– On commencera par le grand magazine Pathé : l’Afrique mystérieuse, la fabrication des chapeaux de Panama, les châteaux scandinaves, etc.

– LES RÉCLAMES –
Du bois dont on se chauffe
– Société française du Sud Ouest. M. Oualid, directeur. Grand arrivage de charbon de bois vendu par sacs de 20 kilos à 0,60 le kilo et ça ne vaut pas plus ! Bois de chauffage coupé aux dimensions demandées. Rue François de Sourdis. Tel : 362.
– Charbonnages d’Arcachon. 191 bd de la Plage. Bois de chauffage, pin et chêne, scié à la demande. Charbon, anthracite, coke. Ligots, copeaux, sciure de bois. Poids garantis. Tel : 295.
-Tous les combustibles. Livraisons immédiates. Charbon de bois. Prix très modérés. Quantités garanties. Les fils de Cazobon jeune. 15 cours Tartas. Tel : 1.49.
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- Gallica / Bibliothèque Nationale Française.
- (2) Le taux des révocations varie selon les Compagnies et les catégories de personnels. Le % global de grévistes va de 13,3 % à 63,8 %. (34,6 % pour la Cie du Midi). Le % des grévistes révoqués va de 1,8 % à 9,4 %. (7% pour la Cie du Midi). Au total, on comptera 9 000 titulaires et 8 300 stagiaires révoqués. De 5% (Cie du Midi) à 70 % (État) des révoqués seront rétablis dans leurs droits jusqu’en 1924. Beaucoup furent embauchés avant la fin de 1920 dans des ateliers « privés » mais appartenant en fait aux Compagnies qui ne voulaient pas se priver de personnel qualifié. Néanmoins, la CGT a su utiliser le mécontentement du aux sanctions pour fédérer les cheminots des différentes compagnies. (Cf. : Georges Ribeill. « Laboratoire Techniques- Territoires-Société ». École Nationale des Ponts et Chaussées).
- (3) Le développement de l’hygiène publique était un des points importants dans la politique de Veyrier-Montagnères.
- (4) Des employés municipaux étaient chargés du fonctionnement quotidien de robinets qui se trouvaient au raz du sol dans les parties hautes des rues, afin de nettoyer les caniveaux.
- (5) « Les Noces de Jeannette » : opéra comique à quatre personnages en un acte de Victor Massé, créée en 1853 et jouée plus de 1400 fois sur la scène de l’Opéra-Comique.
- (6) « Coco Bel Œil » : opérette en un acte de Lucien Collin (1881). On peut l’entendre et la voir sur le site « Coco Bel Œil Opéra de Barie » (2013). 50 min.
- (7) André de Lorde (1869-1942). Auteur de 15O œuvres, il a surtout écrit des drames pour le Grand-Guignol.