UNE SAISON ARCACHONNAISE IL Y A CENT ANS AVEC L’HEBDO « L’AVENIR »

* L’ÉDITORIAL D’ALBERT CHICHÉ : « À L’OMBRE DES TAMARIS EN FLEURS »
« À Royan, à Biarritz à Deauville ou à Dinar, vous ne trouverez rien de plus délicieux que notre boulevard promenade» écrit Chiché. Il décrit la navigation sur le Bassin (…) : les chalutiers, les flottilles des pêcheurs de sardines puis ça et là les voiles blanches des yachts. (…) À marée basse, les enfants pêchent des crevettes.
«Nettoyez vos lorgnons : une jolie jeune femme sort de l’eau dans un maillot qui moule ses formes.
– « Hé, s’écrie une vieille dame, je croyais que c’était interdit.
– Mais madame, c’est interdit en Amérique mais pas en France. Ici, nous ignorons ces pudeurs hypocrites ». (…)

« Devant nous passent les mignonnes échassières dont les robes courtes laissent voir de beaux mollets emprisonnés dans des bas de soie transparents». Et comme il faut encore se persuader qu’Arcachon reste fréquenté par des célébrités, le journaliste ne manque pas de souligner qu’il a rencontré durant sa promenade « une véritable déesse, une reine de théâtre : Régina Badet (2) puis le compositeur Lucien Boyer, vêtu d’une salopette et coiffé d’un béret ».
* INFORMATIONS *
– Le concours hippique de dimanche dernier a été un grand succès. Nous y avons remarqué M. le Maire de Bordeaux, M. Fernand Philipart, entouré par la haute société bordelaise.
-Des enfants qui cassaient des pots de résine ont été conduits au commissariat de police. Les parents seront poursuivis comme civilement responsables.
– Notre jeune compatriote Jean Courbin vient d’être nommé professeur de la classe supérieure de piano à l’école Niedermeyer en remplacement de M. Le Boucher, grand Prix de Rome. (4).
– Notre casino devient de plus en plus le rendez-vous de la société élégante. Les concerts de la journée, les représentations théâtrales et les bals le soir ainsi que les jeux attirent une foule considérable.
– Le fils de Lucien Boyer (3) vient de faire au cap Ferret une revue qui sera jouée dans les baraquements du camp américain.
– Nous apprenons que M. Broua, notre actif juge de paix, est nommé président suppléant de la Commission d’évaluation des dommages de guerre du quartier d’Arcachon et que cette commission commencera ses travaux le mois prochain.
– Jeudi est arrivé le corps de Jean Cazobon, père de dix enfants, assassiné à Bordeaux sur les quais par une bande d’apaches.
* UN ÉPOUVANTABLE DRAME *
– M. Blanke, ce Hollandais habitant ici et qui grâce à ses hautes relations rendit beaucoup de services à nos prisonniers en Allemagne pendant la guerre souffrait des suites d’une légère attaque de paralysie qui l’avait beaucoup affecté moralement. En se réveillant au point du jour, sa femme découvrit qu’elle baignait dans le sang de son mari qui s’était tué de deux coups de poignard. Sa famille qui habite en Hollande a été prévenue par télégramme.
* LES JEUDIS DE Mme BRINBORION *
– Mme Brinborion s’insurge contre l’article 213 du Code civil qui dit : « Le mari doit protection à sa femme, la femme obéissance à son mari ». Et elle ajoute « Quand mon mari me faisait la cour, il me disait que j’étais la maîtresse de son cœur et voilà que maintenant je suis son esclave. C’est de l’escroquerie ! ». Mais ce qui augmente sa colère c’est qu’elle a lu dans son journal que le sénateur Martin avait proposé l’abrogation de ce paragraphe qui, disait-il, porte atteinte à la dignité de la femme. « Et voilà que sur proposition de M. le chanoine Colin la commission sénatoriale demande le maintien de ce paragraphe. Mais de quoi ce mêle-t-il, lui qui a fait vœu de célibat ? (…) Il faut lui envoyer une lettre recommandée pour lui faire savoir qu’à Arcachon, ville de haute galanterie, les hommes obéissent à leur femme ».
* UN VOTE EN FAVEUR DES DROITS DE LA PÊCHE *
– Sur proposition de M. Gaston Doumergue, le Sénat a ratifié la proposition de la Chambre pour verser 200 millions de francs aux ports français. Le gouvernement avait accepté que deux millions de francs soient versés à Arcachon mais comme il ne disposait pas immédiatement des fonds nécessaires, il suggèrerait à la Ville de commencer les travaux avant de toucher l’aide de l’État. Mais comme la Ville est aussi pauvre que l’État, il se peut que les travaux prévus soient retardés, malgré le vote du Sénat. On sait en quoi consistent les travaux projetés. Il s’agit de la construction de quais verticaux avec grues à partir du poste des douanes de la plage d’Eyrac jusqu’aux Pêcheries de l’Océan, rue Coste. (5)
* LE PIN MARITIME *
– Le docteur Fernand Lalesque conclut ainsi un article sur le pin maritime : « C’est l’arbre providence qui a fait des Landes l’une des régions les plus riches et les plus industrielles de la nation. Souhaitons que la spéculation ne conduise pas notre région jusqu’au déboisement et qu’elle ne dépérisse pas faute de bois. Ne tuez pas les arbres. Un pays meurt après que ses grands arbres sont morts ».
* LES SPECTACLES *
+ THÉÂTRE MUNICIPAL.
– Le Sénat ayant enfin ratifié la nouvelle loi sur le prix des places, il est fixé de 2,80 francs
aux loges à 1 fr à la 2° galerie.
– Cette semaine : le chef d’œuvre « Travail » (2e chapitre « L’Apostat ») passera en fin de séance en supplément. Au programme : « Le Secret d’Argeville », drame policier et « À la recherche d’un logement », comique. Au magazine Pathé : l’élevage des autruches, les pierres à briquet et visite en Hollande.
+ EDEN CONCERT-THÉÂTRE DU GRAND CAFÉ. Des programmes délicieux et un orchestre somptueux. Cette semaine, cinq grands galas avec en tête M. Javid, de l’Opéra de Milan et un acte en vers de la Comédie française avec Suzanne Rolla. À l’écran : « Les Ouvriers », d’Eugène Manuel.

+ GRAND CASINO. Mardi 3 août. Le soir. Le plus célèbre théâtre Montmartrois « La Lune rousse » présenté par les tournées Baret dans les principales stations balnéaires et thermales de juillet à septembre. Avec le chansonnier célèbre Jules Moy, l’homme qui a fait rire Landru. En 2e partie : la revue « À dada, dansons ».
* LES PETITES ANNONCES *
– Jeune garçon de 14 ans demande à se placer dans Arcachon. S’adresser au gardien de la villa « Risque-Tout ».
– M. Crisfulli, professeur de violon et de violoncelle au collège Saint Elme est à la disposition des personnes qui désirent donner des concerts matinées ou soirées.
– À vendre un moteur godille de deux chevaux. Villa Deidamie, avenue Victoria.
* LES RÉCLAMES *
– Massage facial. Massage général. Travail très soigné. À Paris, 2 rue Bonnes-Nouvelles.
Actuellement : 10, rue du Casino, Arcachon.
-Le dundee à moteur Stella-Marie assure un service Arcachon-Pointe du cap Ferret et retour. Tous les jours. Se renseigner au débarcadère d’Eyrac.
– La haute société d’Arcachon trouvera à Arcachon Fourrures. 211 boulevard de la Plage. les nouveautés les plus riches et les plus élégantes : manteaux, capes, cravates, cols. Dernières nouveautés.
ET PENDANT CE TEMPS À LA UNE DU « MATIN » DU 1E AOÛT 1920 (1)

– Le protocole de Spa est ratifié au Sénat français par 221 voix contre 31. Mais M. Gaston Doumergue adresse un avertissement à M. Lloyd George. Le Royaume-Uni ne doit pas rompre l’unité montrée pendant la guerre en réclamant 62 % du charbon allemand prévu dans le versement de la dette allemande.
– Le sentiment de la Chambre n’est pas différent de celui du Sénat.
– Un emprunt en rente perpétuelle de 6% non remboursable avant 1931 est voté par la Chambre. Le redressement de la situation économique du pays autorise cette décision. Mais la limite d’émission des billets de banque a été élevée à 43 milliards.
– La Cavalerie Rouge serait à 120 kilomètres de Varsovie. Les Bolcheviks font traîner en longueur les débuts des pourparlers de paix.
– Les maladresses de M. Raux. Afin d’agrandir ses locaux, le ministre des Finances veut faire expulser 600 réfugiés de guerre européens hospitalisés dans l’ancien séminaire Saint-Sulpice. Devant les colères diverses, le préfet de Police a du surseoir à l’opération.

– En vacances avec Auto-Mails. Cette société propose tous les jours depuis Paris des voyages sur les champs de bataille avec ses véhicules parfaitement aménagés et roulant sur pneumatiques. Deux jours vers le Chemin des Dames, quatre jours vers Verdun et neuf jours sur les rives du Rhin.
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- Sources : Gallica-BNF.
- (2) Régina Badet (Bordeaux : 1876/1949) Danseuse étoile de l’Opéra-Comique, elle fut aussi comédienne remarquée dans « La Femme et le Pantin » de Pierre Louÿs et Pierre Frondaie en 1910. Elle arrête sa carrière en 1920.
- (3) École parisienne réputée destinée à enseigner l’art musical religieux.
- (4) Ce qui correspond exactement aux quais de toute la partie sud du port actuel.