L’ACTUALITÉ ARCACHONNAISE D’IL Y A (PRESQUE) CENT ANS

VUE PAR « L’AVENIR D’ARCACHON » DU 8 AU 22 OCTOBRE 1922
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* LES ÉDITORIAUX D’ALBERT CHICHÉ *
– Dans « L’avenir » des 8 et 15 octobre, Albert Chiché continue sa polémique avec l’ancien maire, Veyrier-Montagnères.
– Florilège des aménités échangées :
– N° du 8 : Vous êtes inconscient. Vous vous êtes démis de fonctions dont vous étiez depuis longtemps incapable. Vous ne donnez pas aux étrangers une bonne image de notre ville. On vous a éconduit partout avec une indulgente pitié. Etc.
– N° du 15 : Vous croyant indispensable, dans votre âme diabolique vous pensiez que le nouveau maire, M. Bon, vous serait docile et que vous régneriez en son nom. En ce cas là, il montrerait une réelle incapacité que tout le monde lui reprocherait et demanderait votre retour. Mais il vous a remis à votre place, celle de simple conseiller municipal. Prenez-vous les Arcachonnais pour des huîtres ou des moules ? Votre prestige est déjà bien avarié par la campagne grossière que vous faites mener contre moi par un pauvre hère en gage. Etc.
– L’intérêt historique ne revient que dans l’éditorial daté du 22 octobre et intitulé « Le Poisson ».

Albert Chiché s’attaque au prix du poisson « plus cher ici qu’à Bordeaux depuis la guerre, tant les commerçants d’ici ont été pris d’une rage de bénéfices exagérés qui n’a pas épargné les marchandes de poissons » (…) Il poursuit : « La Société nouvelle des pêcheries à vapeur, consciente de ses responsabilités, a ouvert deux comptoirs de vente directe où les acheteurs se sont précipités pour profiter de la baisse et ont délaissé les marchandes de poissons. Elles ont répandu le bruit que ce poisson était du poisson de rebus mais elles ont été obligées de baisser leurs prix. Félicitons la Société des pêcheries de contribuer à lutter contre le grave préjudice porté à notre station par la cherté de ses denrées alimentaires. (…) Cet heureux événement prouve que la libre concurrence vaut mieux que tous les règlements administratifs. (…)
* LA MALADIE ET LE PRIX DES HUÎTRES *
« On compte de 75 à 90 % de pertes chez les ostréiculteurs de Marennes-Oléron dont les parcs ont été envahis par les moules et par une maladie qu’on ne connaît pas. Beaucoup d’ostréiculteurs sont ruinés. Les prix des huîtres de Marennes, qui restent comestibles, atteignent de 570 frs à 700 frs le mille.
La portugaise, contrairement, n’a subi aucun dommage mais elle est très chère à cause du manque de naissain et de la rareté d’huîtres adultes. Les prix dans les centres de naissain varient entre 10 et 15 frs le mille tandis qu’avant la guerre les mêmes huîtres valaient de 1 fr à 1,50 fr le mille. Les prix pratiqués pour les portugaises vont de 55 frs à 70 frs le mille. Les pertes sont de 30 à 50 % sur les parcs ».
* LES JEUDIS DE Mme BRINBORION *
– À travers leurs films, les mœurs de nos amis du Nouveau monde peuvent se résumer en quatre mots : coups de poing, coups de feu, coups de téléphone et cigarettes. Lorsqu’un jeune homme entre dans une pièce pour courtiser une jeune fille, il s’assoit à côté d’elle sur un canapé, allume une cigarette et lui souffle la fumée dans la figure. Quelle grossièreté !
– Mme Brinborion trouve trop élevé le salaire syndical des femmes de chambre. Ce à quoi Pangloss répond :
« – Ce sera bien autre chose quand les femmes voteront, y compris les bonnes, les cuisinières et les femmes de chambre.
– Croyez-vous qu’on ira jusque là ?
– Évidemment, le suffrage universel n’admet aucune restriction.
– Est-ce que ma femme de chambre pourra être élue ?
– Tout comme vous même.
– Et sénateur ?
– Pourquoi pas ?
– Alors, ce sera une drôle de cuisine dans nos assemblées législatives !
– Le torchon y brûle déjà. Mais le féminisme est en marche. Il triomphera. La femme
est l’égale de l’homme.
– Elle lui est même souvent supérieure ».
* JEAN BAUPUY VOUS SALUE *


« Monsieur le Directeur,
Au revoir jeunes filles. Je m’en vais comme tous les ans au pays des fleurs et rêves
Charmants. Je ne veux pas partir sans vous dire bonjour. Je vous écrirai toutes les
semaines sur l’Avenir d’Arcachon et si vous avez quelque chose à me signaler ou à
me demander, je me ferai un plaisir de le signaler au journal.
Je vous serre bien la main à tous.
Votre bon Camarade.
Jean Baupuy,
11, rue des Jardins
Cannes.
* CORRESPONDANCE *
– Mon cher Baupuy. Comme vous, je pars, navré de quitter ce beau pays. Adieu Répetto, adieu Richelieu, adieu Marie. Mais je tiens à vous faire une prière. Arcachon, le pays des nageurs, n’a pas de plongeoir. (2) C’est inexcusable et une faute lourde. La défense de plonger des jetées est une ineptie alors qu’elle serait compréhensible s’il y avait un plongeoir. Usez de votre influence pour en faire créer un. Je compte aussi sur vous pour obtenir le raclage des moules sur la jetée grâce auxquelles je pars avec douze coupures sous les pieds. (F. de Lalyman).
– Un hivernant nous écrit pour se plaindre qu’il y ait trop de chiens-loups non muselés et non tenus en laisse dans la forêt, ce qui constitue un danger pour les promeneurs.
* INFORMATIONS *
– La saison d’hiver s’annonce excellente. Plusieurs des grands chalets sont déjà loués à des familles françaises et étrangères.
– L’on annonce sous peu la réouverture des thés dansants de l’hôtel Victoria. L’on parle d’une nouvelle décoration.
– Le syndicat d’initiative organisera la réception et les excursions du Congrès de la Fédération pyrénéenne du tourisme. (…) Les congressistes visiteront en voiture les pêcheries, le collège Saint-Elme, la blanchisserie, le casino mauresque, la Ville d’hiver et la corniche du Moulleau. Un banquet aura lieu le 5 novembre à 20 heures. Les dames seront admises.
– La Mairie informe la population qu’en raison des nombreux récents incendies, il a été décidé d’appliquer rigoureusement les arrêtés relatifs aux dépôts de bois, paille, foin, charbons, pour éviter des poursuites légales.
– M. de Théramond et M. Guy de Pierrefeux viennent de terminer un grand film « La Belle landaise » qui sera tourné en partie à Arcachon et en partie dans les coins les plus pittoresques des Landes. Les auteurs seraient très honorés si quelques jeunes filles voulaient être figurantes. (8 octobre). M. de Théramond a engagé l’une de nos plus grandes vedettes, Pierrette Caillol. (3)

M. de Pierrefeu a fait une tournée en automobile autour des lacs landais pour fixer les endroits où se passeront les principales scènes. (15 octobre). Le film va être tourné cette semaine. Les principaux acteurs sont arrivés ainsi que l’opérateur de Gaumont. (22 octobre).
– Du pétrole aux Abatilles. Le journal Le Matin dans son numéro du 13 courant annonce comme certain qu’on a trouvé du pétrole aux Abatilles. La vérité est celle-ci : des indices précis permettent de penser qu’il y aurait du pétrole aux Abatilles. Une société a été constituée en vue de faires des recherches. Cette société a commencé a creuser un puits sous la direction de M. Moncassin, entrepreneur. Personne ne peut dire à l’heure actuelle quel sera le résultat de ces recherches.
– L’automobile de M. Veyrier-Montagnères a subitement pris feu le jeudi 12 courant à 6 heures du soir, avenue Régnauld. Sans l’intervention courageuse de quelques passants qui ont éteint l’incendie avec du sable sur le moteur, notre ancien maire aurait été brûlé vif.

– La nouvelle pompe de la ville a accompagné jeudi matin des directeurs des travaux de la ville sur diverses prises d’eau. La puissance du jet était telle que les deux hommes qui maintenaient la lance ont été projetés à terre par la force de l’eau. Les quelques personnes présentes ont été arrosées.
* ÉLECTRIFICATION DE LA LIGNE BORDEAUX-ARCACHON *
– En 1924, les travaux d’électrification de la ligne Bordeaux-Irun et Lamothe-Arcachon seront terminés. Ainsi Pyla où se trouvent les terrains les plus intéressants ne sera plus qu’à une heure vingt de Bordeaux. Des électromotrices partiront toutes les heures à la belle saison et le trajet entre Bordeaux et Arcachon ne se fera plus qu’en une heure. (4)
* PETITES ANNONCES *
– À vendre magnifique bicyclette de dame. Roue libre et freins. État neuf. Voir M. Gustin au Théâtre municipal.
* RÉCLAMES *

– L’hôtel Central et des Voyageurs, 6 rue du Château, téléphone 33. Garçon de courses. On prend des pensionnaires. Repas au cachet. Dégustation d’huîtres fraiches. Chambres avec électricité depuis 5 frs. Prix de voyageur : 18 frs.
– Une bonne recette. Pour soigner instantanément essoufflement, quintes de toux opiniâtres provenant de vieilles bronchites, il n’y a qu’à employer la poudre Louis Legrand. Le soulagement est obtenu en moins d’une minute et la guérison vient progressivement. Une boîte : 2,96 frs. (Impôts compris).
ET PENDANT CE TEMPS DU 8 AU 22 OCTOBRE 1922…
– En Italie, Mussolini a brisé la grève générale. (22/1O) Le roi l’appelle au pouvoir. (29/10)
– Angleterre : victoire confirmée des conservateurs aux élections générales. (18/10)
– Les Japonais évacuent Vladivostok. (Fin octobre)
– Les Turcs écrasent les Grecs à Afium et massacrent des Grecs à Smyrne. (11/10)
– Grèce : Abdication du roi Georges II. (12/10).
– Les Polonais saisissent Vilna en Lituanie. (9/10)
– France : création de l’orientation professionnelle. (15/10)
– Paris : générale d’Antigone de Cocteau (20/10)
– Égypte : premières découvertes sur la tombe de Toutankhamon par Carter. (22/10)
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- Sources : Gallica-BNF.
- (2) C’est toujours le cas !
- (3) Pierrette Caillol (1898-1991). Elle a tourné dans une trentaine de films, certains de Jean Delannoy. Elle a joué avec Pierre Fresnay et Charles Trenet. « La Belle landaise » ne figure pas dans sa filmographie.
- (4) Il s’agissait là d’un vieux rêve de Daniel Meller, « l’inventeur » de Pyla qui voulait aussi doter la station d’une base d’hydravions de façon à en faire « le Cannes de la Côte d’argent ».