Av/24 déc.
L’ACTUALITÉ ARCACHONNAISE IL Y A PRESQUE CENT ANS
AVEC « L’AVENIR » DU 24 DÉCEMBRE 1922 (1)
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* Dans son éditorial, Albert Chiché fait un bilan de l’année 1922 *
« Nous vivons dans une ville privilégiée où les fêtes sont nombreuses et la nature magnifique. On ne connait pas la famine comme en Russie, ni l’effondrement du Mark comme en Allemagne. Que diraient les grincheux qui se plaignent s’ils étaient obligés de payer une sardine cent mille roubles ou une côtelette de vache 10 000 marks ! ».
Il n’hésite pas non plus à annoncer l’avenir grâce à la sorcière du Lapin blanc. « Elle prédit que le casino mauresque sera réparé, que les rues deviendront propres, que la gare cessera de répandre dans son entourage une odeur de poisson pourri, (2) que nous n’aurons ni boue en hiver ni poussière en été et que les habitants diront du bien les uns des autres. De toute la force de mes poumons, je crie ‘’Vive 1923’’ ! ».
* CHEZ MADAME BRINBORION *
– On y apprend que les élections sénatoriales se préparent. Le conseil municipal a désigné les délégués qui y participeront : le maire, ses adjoints et des conseillers municipaux : MM. Jaumard, négociant ; Laporte, pharmaciens ; Lalesque, médecin ; Carreyre, négociant ; Michelet, maçon et ostréiculteur ; Piet, fleuriste ; Fargeaudoux, architecte ; Croisé, négociant.
– Pangloss est candidat. Brinborion lui annonce : « – J’ai obtenu pour vous le plus influent des électeurs sénatoriaux : M. Mandel. (3). « -Mais comment avez-vous fait ? ». « – Je lui ai fait croire que vous étiez juif. » « -Et s’il voulait vérifier ? ». « – Je ne crois pas qu’il chausse ses lunettes pour y regarder ».

* CONSEIL MUNICIPAL *
– Et voilà encore la polémique sur la dette de la ville à la compagnie du gaz !
– Le conseil municipal ne s’est jamais engagé à liquider cette dette en la joignant au compte d’attente, confirme le maire. Ce compte n’a été prévu que pour mettre les consommateurs de gaz à l’abri des variations du prix du charbon. M. Veyrier-Montagnères n’avait pas le droit de dire cela.
– M. Eyssartier confirme, chiffres à l’appui, que la caisse de retraite du personnel communal a été mal géré par l’ancienne municipalité.
* JEAN BAUPUY ÉCRIT DE NICE *
– « Ici, il a plu pendant cinq jours après soixante jours de soleil. L’hiver nous a fait venir beaucoup d’Américains et d’Anglais. Le travail va barder. C’est extraordinaire le nombre de colis de fruits confits vendus par les commerçants. À Arcachon, avec tous ces puits de pétrole, vous n’avez pas besoin de ça. » (4)
– Puis, il écrit ceci en gascon «
– Traduction : « Mes amis, l’année passée est finie. Il a fallu manger de la cruchade. (4) Il faut espérer que nous mangerons des ortolans. À toi mon pauvre Janot qui m’a envoyé tant de si bonnes huîtres et qui t’es envasé pour ça jusqu’à « l’arrosoir », je te remercie bien et ta femme aussi et je vous embrasse pour vos étrennes. À tous mes amis des quartiers de l’Aiguillon, de Saint-Ferdinand, de la place Thiers, Eyrac et La Chapelle, enfin à tous mes bons arcachonnais, je vous souhaite une bonne année et si vous buvez du bon vin n ‘y mettez pas trop de vin dedans et je vous souhaite d’être à tout jamais en bonne santé et comme vous êtes de bons garçons vous boirez tous un verre à ma santé. Je vous serre bien la main. Votre ami ».
* INFORMATIONS *
– On a fait la queue devant les portes de l’Olympia-Grand Théâtre dimanche dernier et on a refusé su monde. Même S.A.R Eulalie de Bourbon, tante du roi d’Espagne n’a pu obtenir une loge. Mais quel admirable spectacle avec « Les mystères de Paris » ! Et quel excellent orchestre ! Le pianiste, le violoniste et le violoncelliste sont des artistes de premier ordre.
– Le réveillon de Noël de l’hôtel Victoria a été si réussi que la direction fera un souper le soir du 31 décembre. L’on dansera à partir de onze heures aux accents d’un excellent orchestre et d’un jazz.
– M. Castaner, épicier cours Ste-Anne, a gagné 15 000 pesetas à la Loterie espagnole ce qui représente 30 000 frs. Le jour de l’an, il offrira une bouteille de champagne à tous ses clients.
– Un superbe arbre de Noël a été édifié à l’intention des pensionnaires de la pension de famille Dupleix bd Deganne, le jour de Noël. Éclairage électrique, nombreux cadeaux, chants par les enfants : quels merveilleux souvenirs !
– L’Harmonie d’Arcachon donnera un concert le dimanche 31 décembre, place des Palmiers. Au programme : « Marche des Mousquetaires » (E. Lévêque) ; « Ouverture du cardinal romain » (H. Berlioz) ; « Sélection de Mme Buterfly ». (Puccini) ; « Marche aux flambeaux » (Meyerbeer).
* BULLETIN MÉTÉOROLOGIQUE *
– Les relevés de M. Mouls :
* LES SPECTACLES *
+ Olympia, l’as des cinémas d’Arcachon. Louise Glaum dans « Au Sahara ». Décors splendides. Documentaire : « Nos Pyrénées ». Aux actualités : « L’homme du jour : M.Mussolini ».
Lundi 1e janvier. Une œuvre française « L’Auberge » d’après Guy de Maupassant et qui se déroule dans notre Alsace reconquise.
+ Olympia-Hall. Joyeux bal de fin d’année. Deux orchestres. À minuit, au coup de cloche : adieux à 1922 et fox-trot des souhaits 1923. Champagne et distribution de cadeaux.
* LES RÉCLAMES *
– Contre la grippe :
– Éditorial –
Le budget doit être biannuel afin de permettre au Sénat de le voter dans les temps requis. Ses discussions à la Chambre sont trop longues et contiennent des propos souvent oiseux. (J. Clion)
– Réveillon –
Vraiment, pour fêter la venue d’un Jésus si humble dans sa crèche, convient-il de manger du boudin, du filet de bœuf arrosé de champagne hors de prix ? (P. Dieudonné).
– Notes d’un Parisien –
J’ai trouvé ce matin dans mon courrier une lettre de vœux pour 1923 arrivée bien en avance. Elle venait du Soudan. Son expéditeur n’avait pas tenu compte de ces avions des nouvelles lignes aériennes. Mon pauvre ami, après avoir mis sa lettre au poste colonial la croyait partir à dos de chameau, puis sur le bateau et le chemin de fer ! Revenu à sa case, il s’était retrouvé dans le collège de province ou dans la Crémerie du quartier latin où nous avions rêvé de conquérir Paris. Je vais vite lui répondre. (Janot).
– Échos –
– La fin d’une légende. L’abbé Rochu, un historien du vieux Marseille a découvert dans des documents de la fin du XVIIIe siècle, une corvette dénommée La sardine, commandée par le lieutenant de vaisseau Georges Dandard, poursuivi par un vaisseau anglais a volontairement coulé son navire pour boucher l’entrée du port de Marseille.
– Mémoires. Donatello Croco, retiré dans le bagne d’une île méditerranéenne, vient de publier ses mémoires. Il y a soixante ans, il était le plus redoutable des chefs de brigands siciliens. Il y avait tous les pouvoirs. Le roi de Naples, François II, fut obligé d’envoyer 12 000 hommes pour l’arrêter enfin.
– Montagne. À 1800 m au-dessus de Luchon, à Superbagnères, l’hôtel de la Compagnie du Midi a rouvert ses portes et de brillantes fêtes y seront données pour Noël et le nouvel an.
– Le paradoxe des réparations –
– Alors que l’Allemagne tergiverse pour régler ses dettes de guerre, de nombreux industriels allemands achètent de grosses entreprises dans le monde entier.
– La première encyclique de Pie XI –
– Le Saint Père étudie les problèmes de la paix. Il déclare que l’esprit de guerre subsiste car la lutte des classes est maintenant devenue une maladie de la société. L’immoralité a pénétré l’esprit des familles. La force brutale prédomine et le but des uns est d’exploiter les autres pour mieux jouir des biens de la vie.
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- Sources : Gallica-BNF.
- (2) Un train dit « de la marée » quittait Arcachon tous les jours vers 18 h.
- (3) Georges Mandel. (1885-1944). Député du Médoc (1919-1940). Ministre des PTT (1934-1936) il développe les ondes d’Etat et créée la télévision française. Ministre des colonies (1936-1940) il les prépare à la guerre contre le nazisme qu’il a dénoncé dès 1930. Il est assassiné le 7 juillet 1944 par la Milice française.
- (4) Allusion au forage des Abatilles.