Av/18 fév.
L’ACTUALITÉ ARCACHONNAISE IL Y PRESQUE CENT ANS
par Jean Dubroca
AVEC « L’AVENIR » DU DIMANCHE 18 FÉVRIER 1923 (1)
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* ÉDITORIAL D’ALBERT CHICHÉ : « ABERRATION » *
+ D’abord, les compliments. « L’éclairage de la ville d’hiver a été amélioré, la réfection du pavage s’y poursuit, le monument aux morts est commandé, on va créer un jardin place Carnot, enfin, les travaux du casino mauresque vont commencer ».
+ Ensuite, la critique. « On va supprimer l’escalier principal du palais mauresque. On y entrera par derrière ! Or, la façade est située devant le Bassin. Prenez tous les monuments du monde, l’escalier est devant, toujours, partout et à toutes les époques, il en fut ainsi. M. Ormières (2) a-t-il perdu la boussole ? (…) On a eu tort de lui faire lire « La Garçonne ». Sans cet escalier central, notre gracieux monument oriental aura l’aspect de ces pâtisseries que l’on sert dans les repas de noces. Le public arrivant par le funiculaire se trouvera face à un mur ! Quelle lamentable mutilation ! M. Ormières ignore-t-il que l’escalier de derrière est réserve aux domestiques ? Il ne faut pas que les Arcachonnais se moquent de vous en disant :
Ce casino est étonnant
Car grâce à l’architecte Ormières
On se casse le nez devant
Et on pénètre par derrière ».
* INFORMATIONS *
+ Le trottoir de l’avenue du Château est dans un état pitoyable. Au sortir de l’Olympia, on rencontre un véritable lac. Il faut réparer d’urgence ce trottoir défoncé.
* Le Mardi gras fut très animé. On vit dans les bals et dans les rues des costumes somptueux. Maintenant, il faut faire Carême et faire maigre avec du bon poisson, s’il n’est pas trop cher.
+ Mardi dernier, la grande cantatrice Donalda s’est rendue à la villa Cyclamen où, par téléphonie sans fil, elle a entendu son mari, le ténor Mischa-Leon qui a chanté La Marseillaise à Londres.
+ Au cours de la fête de charité au profit des pauvres organisée à l’hôtel Victoria par les Dames de Saint-Ferdinand, la comtesse de Lastic eut sa part de succès en disant avec la délicieuse Melle de Lataille, un dialogue local entre une bonne et une marchande de poissons.
+ M. Gustin fait savoir qu’un second bal d’enfants aura lieu dimanche à l’Olympia en même temps que le grand bal habituel pour les grandes jeunes filles.
+ Un groupe de commerçants va organiser pour la Mi-Carême une grande cavalcade. De nombreux chars animés par les sociétés locales défileront. On demande des jolies filles pour le char des sirènes et celui des nymphes de la forêt.
+ Le dîner de têtes et costumé organisé à l’hôtel Victoria a connu un grand succès. Toute la gentry arcachonnaise avait fait assaut d’élégance et de bon goût et offert un spectacle merveilleux. (…) La note comique fut apportée par le défilé des pompiers de Nanterre suivis de Miarka conduisant son ours capturé au Truc de la Truque. Ce n’est que très tard…dans la matinée que l’on s’est séparés.
* CHRONIQUE SPORTIVE *
+ Arcachon contre La Teste. Voilà un match qui, de tout temps, a passionné les populations des deux localités. Mais alors qu’autrefois la lutte débordait des touches, il ne s’agit plus à présent pour les deux équipes liées par une bonne camaraderie que de constituer du beau jeu. Coup d’envoi ce dimanche à 15 h.
* CORRESPONDANCE *
JEAN BAUPUY ÉCRIT DE CANNES EN GASCON
+ Traduction : « Mes chers Amis. Je n’ai pas grand chose à vous dire, sinon qu’il n’y a pas grand monde mais il ne faut pas se plaindre alors que nos soldats ont gagné le charbon des boches nous avons raison de leur faire cracher leurs sous et ce n’est pas trop tôt maintenant de nous payer et nos pioupious en leur serrant le cou vont les faire cracher au pot ». (3)
* LES RÉCLAMES *
+ À l’Olympia. Le grand gala de l’année.
ET PENDANT CE TEMPS À LA UNE DU « FIGARO » DU 18 FÉVRIER, EUGÈNE MONTFORT SIGNE UN ÉDITORIAL INTITULÉ : « UNE ENQUêTE SUR LA LIBERTÉ D’ÉCRIRE ». (1)
+ Il rend compte d’une enquête menée par une revue, « Les Marges » sur les sanctions diverses dont a été victime, Victor Marguerite, auteur de « La Garçonne ». La revue a interrogé une soixantaine de personnalités littéraires telles Romain Coolus, Courteline, René Fauchois ou Roland Dorgelès. Conclusion du débat : « Ils sont tous partisans de la liberté d’écrire, les vices de la liberté leur paraissant moins grands que ses vertus ».
+ La grève du charbon. Le travail reprend dans le Nord et le Pas de Calais. Les mineurs ont obtenu des augmentations de salaires de 2, 50 fr. Dans les autres bassins, la grève continue. (4)
+ « Si cette histoire » par Henri Vonoven. Marty, « qui eut l’idée de livrer son navire aux bolchevistes » est soutenu dans les élections partielles de Charonne par les Communistes et les Francs-Maçons. Comment pourrait-il être battu ? (5)
+ En Allemagne occupée, les nationalistes allemands s’agitent dans les grands centres.
+ De Bâle à la Santé. M. Judet est rentré en France et incarcéré dans le quartier des prisonniers politiques à la prison de la Santé. (6)
+ L’Angleterre et la Ruhr. L’Angleterre a accepté que les trains transportant le charbon de la Ruhr en France passe par sa zone d’occupation. M. Baldwin a déclaré que son pays démontrait ainsi sa volonté de défendre la paix, d’affermir l’Europe et de servir de médiateur.
+ Au Sénat italien. L’éminent sénateur, M. Crespi, (7) défend énergiquement l’occupation de la Ruhr par la France.
Jean Dubroca,
22 février 2021
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- Sources : Gallica/BNF.
- (2) Eugène Ormières (1823-19OO). Architecte. On lui doit, entre autres réalisations, le Grand Hôtel, le théâtre Olympia ou la chapelle de la Villa algérienne. Maire d’Arcachon (1888-1890).
- (3) Allusion, évidemment, à l’occupation de la Ruhr.
- (4) La grève s’est étendue sur les mois de février et de mars.
- (5) Alain Marty (1896-1956). Cet officier mécanicien, surnommé « le mutin de la mer Noire », a conduit une mutinerie à bord du torpilleur « Protet » en 1919 pour tenter de faire entrer le navire sous la marque du drapeau rouge et du drapeau tricolore dans le port d’Odessa. Il échouera mais la révolte gagnera d’autres navires de la petite escadre française devait s’opposer à l’armée soviétique dans le secteur.
- (6) Ernest Judet (1851-1945). Journaliste politique nationaliste, soupçonné de trahison au service de l’Allemagne pour avoir mené une campagne défaitiste et anglophobe pendant la guerre, il sera acquitté en 1923.
- (7) Il a signé le traité de Versailles pour l’Italie.