AV-17/6. 19.6
L’ACTUALITÉ ARCACHONNAISE IL Y A PRESQUE CENT ANS
par Jean Dubroca
VUE PAR « L’AVENIR » DU DIMANCHE 17 JUIN 1923
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ÉDITORIAL : ALBERT CHICHÉ VISITE LA TESTE
* Il quitte Arcachon à pied, par la forêt, « car il n’est point podagre », soit, dit-il, « une promenade de quatre kilomètres. Il poursuit : « En partant vers l’est, on arrive à l’extrémité du bois. Devant nous, s’étalent de vertes prairies où paissent des troupeaux de vaches. On se croirait en Normandie. Des hommes fauchent les foins. Des femmes en culotte les réunissent en gerbes qu’on charge dans des charrettes. Des bandes de poules picorent ; des canards barbotent dans les ruisseaux. Au loin, on aperçoit, semblable à un gros pain de sucre, le massif clocher de l’ancienne capitale des captaux de Buch.(…) Nous pénétrons dans de larges avenues bordées de canaux dont les rives sont garnies de tamaris, d’ajoncs et d’iris jaunes au milieu desquels bondissent des grenouilles effarouchées. À notre droite, au sommet de la dune, une ligne de pins verts se profile sur le ciel bleu.

« (…) Maintenant, visitons cette médiocre ville qui ressemble à un vaste village. Les rues sont très larges, les maisons, sauf quelques exceptions, très basses. Il y en a d’anciennes. L’une d’elles porte le chiffre 1662. Tout cela est d’une éclatante blancheur. Pas d’eau pour arroser, malgré la proximité du lac de Cazaux. (*) Pas d’arbres, le long de ces rues dénudées mais qui portent des noms glorieux. (…) Et même celui de Camille Pelletan, qui, en tant que ministre de la Marine, (**) vint à La Teste où il promit un port capable de recevoir des navires de guerre.
« Faisons une halte à la pâtisserie Sedeilhant pour manger une tarte que nous arroserons d’un verre de Madère, avant de rentrer à Arcachon par la grande route, tandis que les mouettes voltigent au-dessus de la crique vaseuse ».

* INFORMATIONS *
+ Sait-on que « Mon frère Yves », immortalisé par Loti, est de Gujan-Mestras, qu’il possède une cabane au Cap Ferret et que le célèbre auteur dont la mort récente est un deuil pour le pays (lire plus bas) venait souvent à Gujan-Mestras incognito ? (***)
+ Nous avons actuellement beaucoup d’Anglais dans notre station. La vie n’y est pas chère pour eux puisque leur livre sterling de 25 francs vaut aujourd’hui 70 francs en France. Un chalet de 700 francs par mois leur revient donc à 250 francs et ainsi pour tout le reste.
+ Il est question d’organiser une réunion publique au Théâtre municipal pour protester contre le projet de création d’un port le long du chenal dans le quartier d’Eyrac.
+ Les habitants de la rue François Legallais s’opposent à la création d’un dépôt d’essence aux pieds du belvédère accepté par le Conseil municipal. En cas d’incendie, cela menacerait les nombreux bâtiments en planches se trouvant dans le quartier.
* CORRESPONDANCE *
+ Les soussignés demandent à M. le Maire, l’arrêt de la destruction des arbres cours Lamarque de Plaisance. Cette sollicitation est pressante car l’irréparable se produit actuellement.
+ M. Haentjens, administrateur délégué de la Société nouvelle des pêcheries à vapeur fait savoir que sa Société n’est en rien favorable au projet de port à Eyrac. Au contraire, elle estime ce projet inutile car il ruinerait tout un quartier balnéaire et coûterait très cher à la Ville d’Arcachon. Nous préconisons l’emplacement du port entre la pointe de l’Aiguillon et le port de La Teste, sur cet immense terre-plein inculte compris entre le chenal, la route et le chemin de fer. (****)

Notre Société ayant besoin d’un appontement en a fait construire un à ses frais. Nous ne voyons pas pourquoi d’autres Sociétés ne feraient pas de même. (…) Je me refuserai à admettre qu’un Mandat confié à nos élus puisse favoriser leurs intérêts particuliers au détriment de la bourse des contribuables ».
* PROTESTATION EN GASCON PAR JEAN BEAUPUY *
Le texte

La traduction
-« On m’a dit qu’on allait nous faire payer pour embarquer nos clients à la jetée ; paraît-il que c’est nous autres qui la démolissons, pauvres marins ! Nous faisons tous les crimes ; ils ne peuvent pas nous laisser travailler tranquilles ; mais je ne sais pas si pour les élections nous ne prendrons pas notre revanche. Ils croient que les marins sont trop couillons, qu’ils crient fort mais ne font jamais rien de bien, que s’ils pouvaient s’étrangler entre eux ils le feraient, mais pour toucher à ces messieurs ils n’y a rien à faire, enfin peut–être bien qu’un jour ils m’écouteront. Espérons ! Espérons ! ».
* PETITES ANNONCES *
+ Occasion exceptionnelle. À vendre voiture Ford touriste, dernier modèle, 5 places, démarrage et éclairages électriques, roue de rechange absolument neuve. Prix : Dix mille francs. S’adresser automobiles et cycles Peugeot, 3 avenue du Château, Arcachon.

+ Demandé homme robuste pour service de nuit. S’adresser au journal.
* VACCINATION *
+ En exécution de la loi du 15 février 1902 (Art 6), doivent se faire vacciner gratuitement contre la variole les enfants ayant de 3 mois à un an, les enfants de 10 à 11 ans et les personnes ayant de 20 à 21 ans. Les assujettis déjà vaccinés doivent présenter un certificat dûment daté constatant le résultat de la vaccination par le médecin ou la sage-femme ayant pratiqué l’opération.
ET PENDANT CE TEMPS À LA UNE DU « FIGARO »
+ LITTÉRATEURS STRATÈGES (Julien Benda). M. de Pierrefeux (*****) pense que, dans la guerre moderne, il n’y a plus de place pour le génie. Il croit que ce qui assurera la victoire, c’est surtout la supériorité du nombre et de la force, au mépris de tous les coups de génie de la manœuvre. Si la thèse de M. Pierrefeu était vraie, la Grèce n’aurait pas dominé la Perse, à l’issue des guerres médiques.
+ LES OBSÉQUES DE PIERRE LOTI. Ses obsèques ont commencé à Rochefort, en présence de M. Léon Bérard, ministre de l’Instruction publique, tandis que sept compagnies militaires rendaient les honneurs et que tous les commerces de la ville étaient fermés. Son corps, placé à bord de l’aviso « Chamois », escorté par cinq torpilleurs, a été inhumé à Saint Pierre d’Oléron.
+ LE COUP D’ÉTAT BULGARE. Le dictateur, M. Stamboulisky, a été tué durant des combats opposant ses partisans aux troupes régulières.
+ LA RÉSISTANCE DANS LA RUHR.
– Berlin : tout annonce que les autorités françaises vont établir le blocus des territoires occupés.
– L’enterrement des deux adjudants assassinés à Dortmund aura lieu samedi dans les Vosges. La gare de Dortmund est occupée par nos troupes.
– Sévères mesures de police. À la suite d’actes de sabotage sur des lignes de chemin de fer et de l’état de siège, toute circulation pour les Allemands est interdite de 9 heures du soir à 6 heures du matin dans la région de Coblence.
+ L’OUVERTURE DE LA PÊCHE. C’est aujourd’hui. Les pêcheurs devront revêtir imperméable, cache-nez et passe-montagne car le mois de juin n’est plus le mois de juin.
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(*) Ce n’est qu’à partir des années 1950, Aristide Ichard étant maire, que fut réalisée l’adduction d’eau courante à La Teste.
(**) 1902/ 1905.
(***) Le fait est confirmé par une communication de Jean Dazens (Bulletin n° 79 de la SHAAPB). Il s’agit d’Osman Daney (1875-1967) qui, durant son service militaire dans la marine, à Hendaye, en 1897, devint l’ordonnance du commandant Viaud, alias Pierre Loti. Ce dernier, en 1900, le prend à son service à bord du « Redoutable » qu’il commande. Cela deviendra une véritable amitié qui durera 23 ans, sur toutes les mers du monde. Puis Loti, rendu à la ville civile, vint au moins trois fois à Gujan-Mestras (1902 ; 1903 et 1911).
(****) Approximativement sur les près salés ouest de La Teste.
(*****) Guy de Pierrefeux (1864-1937). De son vrai nom Daniel Auschitzky, ce journaliste et écrivain a connu la notoriété avec des romans qui se situent sur les bords du Bassin. Il fut conseiller municipal d’Arcachon, ville où il est inhumé.