AV.24 juin. 26/6.

          L’ACTUALITÉ ARCACHONNAISE IL Y  A PRESQUE  CENT ANS

par Jean Dubroca

                 AVEC « L’AVENIR » DU DIMANCHE  24  JUIN 1923

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                          * ÉDITORIAL : « JUIN » PAR ALBERT CHICHÉ *

   « Notre ville a la mauvaise habitude de s’y prendre trop tard pour accueillir les étrangers. Rien ne sera terminé en temps utile ; au mois d’août, nous aurons encore des tas de cailloux sur nos trottoirs, le débarcadère d’Eyrac sera toujours inabordable pour les dames finement chaussées et notre gare n’aura pas cessé d’être un réceptacle d’ordures.

   C’est d’autant plus dommage que nous allons avoir beaucoup de monde. L’Allemagne est abandonnée par les touristes des nations alliées. Son état de décomposition peut entraîner une révolution d’un jour à l’autre. Certes, le franc est côté 8,5 marks à Berlin. Mais comme il faut payer 10 000 marks pour une saucisse de Francfort, il n’y a aucun avantage. Outre le contact avec les pourceaux Boches (sic*1), on est exposé aux pires injures de ces vaincus récalcitrants qui crachent dans les plats avant de les servir.

En Suisse, en Hollande, en Espagne, en Angleterre, en Amérique et en Italie, le change fait perdre aux Français les deux tiers de leur argent puisque le franc n’y a qu’une valeur de 34 à 36 centimes. Au contraire, les habitants de ces pays voient tripler la valeur de leur portefeuille dès qu’ils mettent le pied chez nous.

   Notre municipalité serait donc bien avisée d’embaucher quelques balayeurs supplémentaires qui daigneront enlever les choses malpropres qui se trouvent dans nos rues et sur nos trottoirs ».

                                               * CRIME OU FOLIE ? *

+ Jeudi dernier, la dame Broutier s’est précipitée, révolver au poing, dans le magasin de tissus tenu par les époux Bégu. M. Bégu fut atteint d’une balle dans la cuisse, l’autre dans le bras. Poursuivis par la mégère, ils se réfugièrent en face, dans l’épicerie de M. Martineau où son fils réussit à la désarmer, non sans avoir essuyé un coup de feu sans être atteint. Il la conduisit au commissariat de police où elle fut enfermée.

   Le blessé fut transporté au dispensaire où il reçut les soins des docteurs Monod, Michel, Doche, Bourdier père et fils. Les deux balles extraites, le blessé fut reconduit à son domicile.

    La femme Broutier, bossue et boiteuse, aurait la maladie de la persécution ce qui expliquerait son geste.

                                             * INFORMATIONS *

   + Des baigneurs assis au bout de la jetée Thiers se plaignent de la fumée dégagée par les gros bateaux de voyageurs. Ils demandent à ce que ces bateaux accostent seulement au bout de la jetée d’Eyrac.

   + On annonce l’arrivée de Mme Herriot, (1) de M. Cahen, d’Anvers et de plusieurs membres de la famille Rothschild.  Ils feront tous venir leur yacht pour prendre part aux régates. Mme Herriot a retenu le plus grand appartement du Grand-Hôtel. 

   + Mercredi matin ont lieu les obsèques de M. Ferdinand Répetto, décédé dans son domicile, avenue Gambetta, à l’âge de 76 ans. Fondateur du principal café de notre ville, M. Répetto laisse un nom et le souvenir d’un homme infiniment aimable.  

   + M. Bellocq fils, ancien directeur du cinéma Novelty, est renvoyé devant la cour d’assises de la Gironde pour avoir commis des attentats à la pudeur dans notre ville. M. Bellocq père, poursuivi pour des crimes de même nature, est en fuite.

   + Le chalet Alvarez, ancienne propriété de la maréchale Saint-Arnaud, vient d’être rachetée par le comte Doria, illustre descendant d’une famille génoise et qui fut l’un de nos vaillants officiers durant la guerre.

   + Le Royal-Tea de Bordeaux va exploiter un restaurant sur pilotis à la pointe du cap Ferret. Il y aura un service de bateaux spécial, même la nuit, pour ramener les dîneurs à Arcachon.

                                               * CORRESPONDANCE *

                               + Lettre en gascon de Jean Beaupuy +

– Le texte :

–  La traduction :

   « On attrape peu de poisson. Les ‘’paliqueys’’ (pêcheurs aux palets-2) attrapent des ‘’plaïnes’’, les pêcheurs à la ligne attrapent des mules, les pêcheurs à pied attrapent des  crottes de cheval, le temps est ‘’reït’’ (sic *2 )  comme la m….. de poisson. Tout est très cher et on ne gagne rien. Si ça continue on ne pourra pas se payer une descente de gosier, on n’ira pas faire la bombe et c’est dommage car nous sommes tous gourmands. Les  pêches  sont chères, les fraises sont chères, surtout pour moi qui les aime avec du vin blanc et bien sucrées. Peut être que le ‘’reït’’ fera venir une meilleure récolte, espérons que je puisse faire des ‘’galipètes‘’ et si nous ne gagnons pas d’argent nous nous rincerons l’œil et chacun en prendra pour son grade.     

                                               * RÉCLAMATION *

+ En plusieurs endroits du boulevard d’Haussez, (3) les rails du tramway dépassent le niveau du sol. Il en résulte de fréquents accidents. Des cyclistes font chaque jour des chutes. Nous signalons à qui de droit cette situation dangereuse.

                                               * PETITES  ANNONCES *

+ À vendre un mulet de huit ans en parfait état, une charrette anglaise, (photo) une voiture à sable et harnais. S’adresser villa Fernande, cours Sainte-Anne. (4)

                                                   * SPECTACLES *  

+ Olympia- Grand-Théâtre. (L’as des cinémas d’Arcachon). Depuis hier, un service d’ordre a dû être organisé devant le bureau de location du cinéma tant est grand l’empressement du public à venir louer pour la première de LA ROUE. (5)

   Ce merveilleux chef-d’œuvre qui marque une date inoubliable dans l’histoire cinématographique passera intégralement, tel qu’il a été présenté à Paris. Il comporte un prologue et 4 chapitres. Le prologue et 4 chapitres ont été en majeure partie tournés à Arcachon. Tout Arcachon viendra applaudir les 9 actes du prologue et du premier chapitre : « La Rose du rail ». (Prix des places. Galerie : 1,60 ; parterre : 2,50 ; balcon : 3,60 ; loges : 4, 50. Taxes comprises. Tous les tarifs de réduction ou de faveur sont rigoureusement suspendus lors des représentations.)

  ET  PENDANT  CE TEMPS  À LA  UNE  DU « GAULOIS » DU 24 JUIN 1923

+ PROCHAINE ENTREVUE. Le Reich à bout de souffle. Des déclarations de responsables allemands montrent qu’ils sont prêts à lever les appels à l’insurrection dans la Ruhr.

+ LE ROI DES BELGES, ALBERT 1^e FAIT UNE CHUTE DE CHEVAL. Il s’est cassé le poignet et a dû être opéré

+ LE PRIX DE LONCHAMPS. Le tout Paris le plus élégant se presse aujourd’hui pour assister à la plus importante journée de courses du monde.

+ LE DRAPEAU DE TOUTES LES COULEURS. En Seine et Oise, le Radical M. Franklin-Bouillon a rompu toute alliance avec les communistes. À peine élu, il soutiendra M. Poincaré.

+ LA CONFÉRENCE DE LAUSANNE. Les Turcs ne traiteront pas des concessions tant que satisfaction ne leur sera pas donnée sur l’évacuation de Constantinople. (6)

+ LES COMMUNISTES SUR LES BOULEVARDS. Pendant trois heures, des groupes ont tenté de manifester mais ont été dispersés par la police.

+ LES NOUVELLES DE L’AIR. Deux tentatives infructueuses pour réaliser le tour de France en avion.  Un hydravion anglais qui participait au raid Malte-Gibraltar-Malte s’est écrasé près de Tunis. Un  autre aéroplane du raid s’est embrasé en plein ciel. Tous les passagers sont décédés. Un avion italien s’écrase près du lac du Bourget. Le pilote est indemne.

+ L’AMÉRIQUE SÈCHE. Les douaniers de New-York ont saisi les boissons alcoolisées à bord de deux paquebots anglais et d’un autre français.

+ L’ETNA EN ÉRUPTION. Les Siciliens craignent toujours ce volcan dont  les cendres ont touché Messine, il y a quinze ans, faisant cent mille morts en 28 secondes.   

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(SIC*1) 1923, le vocabulaire employé par l’éditorialiste est le témoin des rancoeurs de l’après-guerre, un élément d’histoire. Il va sans dire que l’Académie du Bassin ne le fait pas sien.

(SIC*2) REIT: A vos mémoire ou vos dictionnaires …Nous attendons votre traduction !

• (1) Virginie Herriot. Née en 1890 elle décède à Arcachon le 28 août 1932, en pleine régate. Surnommée « Madame la Mer », elle fut, notamment, médaillée d’or olympique en 1928 à Amsterdam et reprit aux Anglais la Coupe de France.  En 1923, elle navigue sur le yacht de 85 mètres, Ailé II (photo)  et elle régate sur des 6 m. ou des 8 m.
• (2) Palets : filets placés sur de hauts bâtons verticaux. (Pignots).
• (3) Actuel boulevard Général-Leclerc.
• (4) Actuels cours Lamarque et Héricart de Thury.
• (5) « La Roue ». Film français d’Abel Gance de 1923. D’une durée de 4 h. à 8 h. selon les montages, il est considéré comme le monument du cinéma muet. La musique est d’Arthur Honegger et l’on y retrouve le thème célèbre de Pacific 231.
• (6) Le traité de Lausanne (24 juillet 1923) reconnaît la légitimité d’Atatürk, lève le contrôle des Alliés sur l’armée et les finances turques, refuse l’indépendance de l’Arménie mais réduit considérablement la domination de la Turquie sur Chypre, la Syrie, la Palestine, la Jordanie, l’Irak et l’Arabie. La zone du détroit de Constantinople est démilitarisée.