AV. NOV 24.
LA VIE ARCACHONNAISE IL Y A (PRESQUE) CENT ANS AVEC « L’AVENIR » (*)
Par Jean Dubroca
L’ÉVÈNEMENT DU MOIS : GRANDE GUERRE ET MONUMENT AUX MORTS
+ Albert Chiché rend compte du livre d’André Rebsomen « Arcachon et ses environs pendant la guerre ». On y apprend, en particulier, que la base de Cazaux a formé au tir aérien 12 949 aviateurs. Il écrit aussi sur « la station radiotélégraphique de Croix-d’Hins avec ses huit tours de 250 mètres qui forment le plus puissant émetteur du monde entier. IL donne des détails sur le camp du Courneau où, entre autres, « les Russes du général Lakhvistsky ont donné bien du fil à retordre au commandant du camp, le colonel Fonsagrive ». Trois cents hectares de la forêt de M. Lesca, à 1500 m au sud d’Arcachon, ont servi d ‘exploitation forestière, 28 chalutiers ont servi aux besoins de la Marine (le chalutier Yvonne fut coulé) et 78 pinasses ont été envoyées aux Dardanelles. L’usine Couach a produit 400 000 obus avec 150 ouvriers et ouvrières. À Croix-d’Hins, M. Thévenot a produit des grenades pour l’Italie, avec un bénéfice de 640 000 frs. Enfin, pour Arcachon sur une population de 10 266 habitants, il y eut 211 morts et dans la région on atteint la proportion de 115 morts pour 1000 habitants.

+ Après plusieurs semaines de polémique pour savoir qui, de droite ou de gauche, présiderait la cérémonie, l’inauguration du monument aux morts a eu lieu le 11 novembre après-midi, en présence des élus locaux, d’anciens combattants, de toutes les sociétés locales et de personnalités arcachonnaises. Sous une pluie battante, un voile tricolore qui recouvrait la statue de la « France victorieuse offrant la paix au Monde » est enlevé tandis que les enfants des écoles entonnent l’Hymne aux temps futurs. Une série de discours suivra dont celui de M. Veyrier Montagnères, ancien maire qui perdit un fils à la guerre, les larmes aux yeux évoque les souffrances des soldats et termine par un appel à la paix. Ce fut ensuite l’appel des 258 morts suivi par la Marseillaise et la lecture de l’Hymne aux morts de Victor Hugo. Puis M. Dignac, député, évoque le problème angoissant de notre sécurité et le sénateur Calmel recommande l’amour de la justice et la passion de la liberté. Enfin, M. Gélin, président du conseil de préfecture, au nom de l’État, demande que la France ait confiance dans sa juste cause qui est celle de l’humanité. Le matin le monument fut bénit après une messe au cours de laquelle l’abbé Bonnet déclara « nous avons une âme de vaincus. Notre situation financière se dégrade et la concupiscence s’affiche chaque jour devant l’ambition et les mesquines luttes politiques qui divisent notre cité.
* Querelle religieuse *
+ Elle a éclaté, à propos de la bénédiction du monument aux morts, entre le curé de St Ferdinand et celui de Notre-Dame. Le premier disait : « Le monument est dans ma paroisse. C’est à moi de le bénir ». Le curé de N.D. répliquait qu’il voulait cet honneur car il est le prêtre de l’église qui perpétue le souvenir de Thomas Illyricus qui fonda la ville. On a pensé pendant un certain temps à ce que l’abbé de Mendivil bénisse le derrière de la statue tournée vers St Ferdinand tandis que l’abbé Bonnet bénirait la partie située face à Notre-Dame. Finalement, on s’est mis d’accord : la bénédiction sera assurée par le curé-doyen de La Teste.
* Et voici déjà les élections municipales…de mai »
+ Albert Chiché fait en ce moment des efforts pour qu’il y ait une liste d’union pour les prochaines élections municipales. « Il faut empêcher la création d’une liste du cartel des gauches avec le leader Eyssartier. Mais qu’en fit le préfet que notre maire est allé voir ? Albert Chiché souhaite donc que MM. Bon et Eyssartier s’entendent « afin de ne faire qu’une seule liste alors qu’il est difficile d’en faire deux bonnes ».
La semaine suivante, Albert Chiché a lu dans « La Vessie » (« La Vigie », journal de M. Veyrier-Montagnères–NDLR) que « faire entrer M. Eyssartier à la mairie serait y introduire le socialisme ». Et Albert de Ricaudy de constater : « Nous n’avons pu étouffer dans l’œuf le germe de la lutte fratricide qui s’annonce. Le prologue est fini. En scène pour le « un ».
Quant au secrétaire du Parti socialiste, il a fait savoir » : « Les camarades ‘’socios’’ ne veulent pas ouvrir de polémique électorale. Mais ils précisent que M. Eyssartier n’est pas inscrit au parti socialiste. Exhalez donc votre bile contre les membres d’un parti dont la vitalité vous étouffe ».
* Épilogue dans le procès de Ponpon *
* Jamais le prétoire de notre justice de paix n’avait vu une telle affluence. La foule débordait jusque devant la mairie. On était venu pour protester contre une mesure arbitraire qui interdisait à Ponpon, le marchand de bonbons de vendre ses bonbons sur la plage, mais aussi pour entendre la cinglante critique délivrée par la défense. Me Auschitzky dans une brillante plaidoirie a démontré que l’arrêté municipal qui visait Ponpon était inapplicable. Il stipulait qu’il défendait aux marchands ambulants de « stationner et d’exercer leur industrie sur la plage ». Or, aveugle qui ne veut pas voir, Ponpon n’a jamais fabriqué ses bonbons sur la plage. Il se contentait de les vendre. On a donc confondu les deux termes. On comprend mal, alors, que « La France » et « La Petite Gironde » ne défendent pas Ponpon. Finalement, Popon est acquitté.
* On s’y attendait *
+ Le monde du travail st en effervescence à Arcachon depuis que le citoyen Mourgue, gréviculteur, est venu faire une conférence. Les ouvriers du bâtiment réclament 4, frs 25 de l’heure, l’application de la loi de huit heures, une indemnité de 8 frs pour aller travailler au Moulleau, l’inspection régulières des chantiers pour surveiller le travail des apprentis et 12 jours de congé par an payés par les entrepreneurs.
* Qu‘on nous agrandisse ! *

+ Voilà que les Testerins ne veulent plus de nos gadoues au Lapin-Blanc et dressent des contraventions aux pauvres bougres de charretiers de notre Société d’assainissement pour infraction aux règlements d’hygiène. La Société va se retourner contre la Ville qui ne lui fournit pas de voirie sur son territoire. Il faut donc l’agrandir.
* Au conseil municipal *
+ M. Despujols n’a obtenu qu’un délai de deux mois pour débarrasser la plage d’Eyrac de ses ateliers.
Le principe d’un contrat de 99 ans est adopté pour que les Sœurs de St Vincent de Paul exploitent en commun avec la ville l’orphelinat.
Le directeur de la société d’assainissement reconnaît qu’elle fonctionne mal. Mais il estime que les propriétaires ont une large part de ce mauvais fonctionnement. La moitié des fosses n’a qu’une capacité d’un mètre cube, incompatible avec un engin à gros rendement. Souvent, ces propriétaires tardent trop avant de demander les opérations de vidange.
M. le maire dit que l’installation d’un four à utilisation industrielle pour incinérer les bourriers coûterait 500 000 frs. M. Jaumard dit que La Teste en refusant nos gadoues nous fournit un argument en faveur de l’extension de notre territoire.
On ajourne la demande de M. Maspoli, auteur du monument aux Morts, qui aurait voulu voir son œuvre payée avant l’inauguration.
* L’affaire Despujols *
+ M. Castagnol, secrétaire de la section d’Arcachon de l’Artisanat français, a écrit au journal en ces termes : « Nous sommes indignés qu’assurant le pain quotidien d’une soixantaine de travailleurs, M. Despujols soit persécuté au détriment de la classe des travailleurs. S’il part, des familles seront plongées dans la misère. Nous lui disons :’’Restez ! Tenez bon jusqu’au bout ! Les travailleurs vous soutiennent ».
* À la Commission d’hygiène *
+ On y étudié l’aménagement d’une fosse à fumier, le déplacement d’un chenil, le déversement d’eaux usées dans une canalisation d’égout. On a décidé que les mesures de protection des denrées alimentaires seront appliquées afin d’éviter que les poussières et les mouches les polluent.
* INFORMATIONS *
+ Dimanche matin, on a trouvé le cadavre de la femme Rochereau, devant les pêcheries nouvelles, morte de congestion. Elle s’adonnait à la boisson. (2/11)

+ En passant devant la gare de Gujan, les voyageurs ont pu voir passer une noce de l’ancien temps. Les musiciens ouvraient la marche d’un long cortège tandis que des enfants jetaient des fleurs sous les pas des jeunes époux escortés par une foule d’amis marchant deux par deux en chantant des chansons nuptiales. (2/11)
+ L’inspecteur du travail a dressé cette semaine dans Arcachon 50 procès-verbaux pour non exécution de la loi de 8 heures. (9/11)
+ Une société amicale, « Les Fauvettes » vient de se créer à Arcachon pour les jeunes gens et les jeunes filles qui aiment la danse, le chant, la musique, l’art théâtral. On s’inscrit au 256 bd de la Plage. (9/11)
+ Il faut faire vivre un malheureux ramasseur de bouteilles vides qui malheureux mutilé de guerre n’a plus que cette ressource. Adressez-vous chez Lévy, bd Mestrezat. (16/11)
+ Le prince et la princesse de Broglie-Revel sont de retour dans leur chalet Francia. (16/11
+ Beaucoup de personnes disent qu’il fait arracher les six platanes qui cachent notre monument aux Morts. Il faudrait les remplacer par des lampes électriques. La victoire ne doit pas rester dans l’ombre. (16/11)

+ Un procès qui se tient à Paris concerne l’héritage de la comtesse de Renesse, propriétaire du chalet Rouge, qui avait épousé le prince Castrioti, un vague héritier du trône d’Albanie qui s’était enfui en Espagne en 1914. Les héritiers de la comtesse contestent le fait qu’elle a légué son chalet estimé à un million, par un acte signé en Espagne, à des œuvres charitables. Cet acte est-il valable en France ? (16/11)
+ On annonce la prochaine réouverture du cinéma St-Ferdinand sous la direction de M. Garcia. (16/11)
+ Le jour du 11 novembre les quêteurs et quêteuses ont récolté 2000 frs en vendant des photos du monument aux Morts en faveur de la caisse de secours des anciens combattants. (16/11)
+ M.Bégorry a envoyé au maire une lettre des anciens combattants réclamant un réajustement de leur pension par rapport à la hausse du coût de la vie. (23/11)
+ Les Anglais arrivent. Le golf est animé. Quand ouvrira-t-on le casino mauresque si bien restauré (23/11)
+ Il est extraordinaire que les Arcachonnais ne soient pas mieux traités. Ceux qui sont obligés d’aller à Bordeaux tous les jours n’ont que des trains trop tôt ou trop tard pour rentrer chez eux.(30/11)
+ La Librairie générale sera un salon littéraire. On pourra y rencontrer les hommes de lettres qui ne manquent pas à Arcachon cette année : Roland Dorgelès, Pierre Frondaie, Jean Ohnet (auteur du « Maître de forges ») et le grand éditeur Delagrave. Ce sera un temple de la littérature.
+ M. Veyrier-Montagnères passera l’hiver dans le Midi de la France et en Italie où l’ont dit qu’il rencontrera Mussolini.
+ M. Sénéchal qui fit jaillir la source des Abatilles vient de partir pour Salies-de-Béarn pour y rechercher du pétrole.
+ M. Ortal prend la direction des trams d’Arcachon. Nous allons avoir des voitures plus gracieuses que les catafalques qui roulent sur les rails entre deux pannes. On prolongera la ligne jusqu’à Pyla-sur-Mer et La Teste-sur-Vase.
* ET PENDANT CE TEMPS DANS LES PAGES DE « PARIS-SOIR » (*)
* LE 2/11 *
+ M. Winston Churchill dans le futur cabinet anglais. Les conservateurs prennent le pouvoir.
+ La maitrise de l’acier. Le trust métallurgique franco-allemand va être réalisé.
+ Le corps de Quémeneur n’est pas enterré à Queue-les-Yvelines.
+ Barcelone : attentat contre Primo de Rivera.
+ Nombreuses cérémonies prévues dans les cimetières en France.
+ « La galerie des glaces » : le plus beau drame d’Henry Bernstein par Henri Béraud.
* LE 9/11 *
+ La vie chère : grève générale des cheminots en Autriche. Les étrangers fuient Vienne.
+ L’Allemagne vote. Les démocrates favoris.
+ Les obsèques de Gabriel Fauré ont eu lieu ce matin en présence de membres du Gouvernement.
+ Solennelle réception à l’ambassade des Soviets à Londres.
+ Le gouvernement étudie l’augmentation des pensions.
+ MM. Hériot et Painlevé inaugurent l’imprimerie des Presses universitaires de France.
+ L’Oise continue de monter. Le bassin de la Seine est en crue.
* LE 16/11 *
+ Mussolini à son déclin. En Italie l’opinion publique se réveille. Les fascistes inquiets.
+ Sur le chemin de l’école unique. Le cartel des Gauches réclame la gratuité de l’école à
tous les niveaux pour les enfants bien doués.
+ Allemagne. Le chancelier veut regrouper les centristes.
+ L’accord économique anglo-allemand est en voie de réalisation.
+ Les Soviets espèrent contracter un emprunt en France.
+ Un député de l’Héraut conteste la surtaxe sur l’alcool.
+ Un des rares survivants de la charge de Reischauffen vient de décéder.
+ L’Oise baisse de 40 cm par jour.
* LE 23/11 *
+ Jaurès au Panthéon. Le peuple de Paris fera cortège demain aux restes de Jean Jaurès.
+ Jaurès et le socialisme. Il voulait que ce soit l’aboutissement des facultés de l’humanité (Par Léon Blum).
+ Mardi prochain, le pain à 29 sous. La hausse devrait durer.
+ Les affaires du Maroc. Espagnols et Rifains vers un armistice.
+ 10 000 logements vacants à Paris. La loi n’oblige pas les propriétaires à les louer.
+ Anatole France demande que les souffrances des animaux soient prises en compte.
* LE 30/11 *
+ Enquête sur le financement de la campagne électorale du bloc national.
+ Egypte. La mutinerie soudanaise inquiète Londres. Dissolution du parlement du Caire.
+ Drame de la folie. Un homme tue sa femme à coups de ciseaux. « Je suis envouté ».
+ Enseignement professionnel et crise de l’apprentissage. Sur un million d’élèves de plus de 13 ans, seuls 60 000 entrent dans les écoles professionnelles.
+ L’expositions du ski et des sports d’hiver et inaugurée par M. Doumergue.
+ Plusieurs trafiquants de cocaïne arrêtés à Paris.
+ La traversée de l’Australie en automobile est réussie.
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(*) Sources BNF/GALLICA.