1924, décembre : messe de minuit à la bretonne, art et culture au casino, le plus beau golf de France, lièvres et bécassines au menu

AV/ Déc. 24.

                          LA VIE ARCACHONNAISE IL Y A PRESQUE CENT ANS (*)  

Par Jean Dubroca

                                              * Albert Chiché fait le point *

+ Il y va d’abord de ses critiques : le manque d’éclairage public, la saleté des urinoirs, le nouveau monument aux morts laissé dans l’ombre. Puis il décerne les bons points à la municipalité de M. Bon : la restauration du casino mauresque et de son parc,  la création de jardins devant la gare et sa bonne volonté pour améliorer l’image de la ville. Puis il formule un souhait : que le futur conseil municipal se fasse autour de bons administrateurs et non pas sur des bases politiques. Sera-t-il entendu ? Réponse en 1925…

                                             * Les polémiques du mois *

1/ Au conseil municipal, le maire a reproché à M. Fargeaudoux d’avoir accepté un achat de terrain par la ville pour 15.000 frs car ce dernier n’avait pas été mandaté pour cela. Pour le maire, il s’agissait d’une mission d’expertise, il n’en démord pas. M. Croizé a mis fin à cette pénible scène. La commission des finances sera saisie.

2/ M. Emile Doussy, dans « La Vigie », (le journal de M. Veyrier-Montagnères. NDLR) a reproché à M. Dubrous d’avoir porté une gerbe de fleurs rouges au monument aux morts le 11 novembre. M. Dubrous a répondu : « comment déclarer la guerre à des honnêtes gens de vouloir associer les larmes des pauvres mères à des bassesses aussi viles. Le Parti Socialiste a le droit d’offrir à tous des fleurs en donnant aux siens le rouge qu’ils aimaient. Quelle ignoble mentalité que de le lui reprocher ! Quel cerveau embrumé par la haine du symbole de la classe ouvrière a pu oser l’attaquer par d’aussi abominables calomnies ? M. Doussy, respectez les martyrs sacrifiés pour la paix du monde ».   

M. Chastagnol, secrétaire des Artisans Arcachonnais, a écrit : « Il faut croire à l’utilité des travailleurs sans les priver de leurs droits imprescriptibles. (…) Il ne faut pas oublier que la Classe ouvrière est la véritable gardienne des intérêts collectifs. Nous sommes décidés à la défendre de toute notre énergie. La blessure que l’on a voulu faire à la Classe ouvrière se retournera contre ses auteurs.  Ce sera une punition bien méritée ».

3/ Les actionnaires de Pyla sur Mer sont dans la désolation. La Teste vient de remettre en vigueur une loi oubliée qui oblige les lotisseurs à ne mettre en vente leurs terrains que lorsqu’ils y auront effectué tous les travaux de voierie. Les actionnaires ont rempli cette formalité et fourni les plans à la mairie de La Teste.  Mais cette commune, peu satisfaite que Pyla-sur-Mer ait réclamé son rattachement à Arcachon, a refusé les plans fournis et la vente des terrains a été suspendue.

    – Suite, le 14 décembre : La Société immobilière de Pyla-sur-Mer fait savoir qu’il est tout à fait inexact que la Commune de La Teste ait refusé quoi que ce soit. (…) C’est la préfecture qui décide. (…) La Société de Pyla-sur-Mer n’a jamais réclamé d’être rattachée à Arcachon et n’a pas été consultée au sujet de l’enquête entamée par la Commune d’Arcachon pour établir ce rattachement. (Signé : Daniel Meller).

4/ La « Petite Gironde » n’a pas publié une seule ligne pour défendre ou évoquer le cas Ponpon jusqu’au jour de l’audience où il lui fallut bien en parler. Mais elle ne le fit qu’en rendant compte du règlement municipal défavorable à Ponpon. Le représentant de « L’artisanat français » protesta et envoya un communiqué auquel « La Petite Gironde » répondit mais sans le publier. L’Artisanat lui envoya alors une mise en demeure de parution par voie d’huissier. Le puissant journal s’obstina à faire la sourde oreille. S’il poursuit dans cette attitude, le Tribunal correctionnel de Bordeaux sera saisi.

                                                 * Au conseil municipal *

+ Les employés municipaux auront droit à 15 jours de vacances par an. Ils feront 48 heures par semaine et recevront une prime de vie chère de 720 frs par an.

     Les cahiers des charges des casinos de la Plage et de la Forêt : ces établissements  devront ouvrir des salons de lecture, assurer au moins un concert par semaine avec des artistes de valeur, ainsi que des concerts l’été et des séances de cinéma. Le chauffage devra être suffisant.

    Le délai d’option en faveur de l’Assistance publique pour l’achat du sanatorium du Moulleau est prolongé jusqu’au 1er mai 1925.

    Il est demandé à la compagnie du Midi qu’un horaire des trains soit aménagé afin que l’on puisse passer une journée complète à Bordeaux sans se presser.  

                                                         * Informations *

+ Lors du congrès des Comités d’hygiène, il a été souligné qu’Arcachon était la pépinière d’illustres thérapeutes : les docteurs Lalesque, organisateur de la lutte contre la tuberculose et André Hameau, petit-fils du précurseur de Pasteur.

+ Lundi, vers 3 heures, une déflagration a éclaté dans la ville d’hiver. Les aviateurs de Cazaux ont fait exploser un obus que le général Hugues avait rapporté du front.

+ M. Exshaw vient d’acheter les terrains pour agrandir le golf. (**) Le plus grand architecte de Londres pour l’installation de golfs va procéder à cet agrandissement qui fera du golf d’Arcachon l’un des plus beaux de France et qui attirera de nombreux Anglais.

+ Les thés dansants du Victoria ont repris depuis le 29 dernier pour la plus grande joie d’une cinquantaine de danseurs.

+ L’ingénieur général des mines a émis un avis favorable au projet d’exploitation de la source des Abatilles.

+ À ceux qui s’étonnent de l’importance des constructions de notre Banque de France, nous répondrons que ses caves pourront contenir une partie de la réserve d’or de notre établissement en cas de guerre. (***)

+ La colonie bretonne devient de plus en plus nombreuse dans le quartier S-Ferdinand. À tous les coins de rues on admire les coiffes toutes plus originales les unes que les autres.

+ Au Casino, on a constaté un grand perfectionnement : l’écran est devenu une merveille de clarté. L’orchestre qui a accompagné le grandiose film « La dette de sang » s’est montré excellent. Le prix des places est le suivant : Amphithéâtre : I fr ; Stalles : 1, 50 ; Balcon : 2 frs ; Fauteuil d’orchestre : 2,50. On va y jouer pour Noël « Les  demi-vierges » d’après le roman de Marcel Prévost, de l’Académie française. Un spectacle qui peut être présenté à tous les publics. Nécessaire de louer.

+ Pour autant que cela puisse sembler en raison de l’impression de vide que donne actuellement notre station hivernale, il y avait 80 personnes au dernier thé dansant du Victoria.

+ Un arbre de Noël sera offert aux mères qui ont assisté avec assiduité aux consultations des nourrissons de la Croix Rouge.

+ Nos musiciens vont célébrer la Sainte Cécile dans l’église N.D. L’Harmonie interprètera les vieux Noëls : « Venez divin messie », « Il est né le divin enfant », « Gloria in excelsis deo », etc.

+ Des étrangers ont fait un pèlerinage gastronomique à Biscarrosse au restaurant  Septima Bidouze. Ils y ont déjeuné de lièvres, de bécasses et de bécassines.

+ La blanchisserie municipale a eu un excédent financier de 10 000 frs. Nos félicitations.

+ Pour Noël, églises, cinémas, réveillons, partout il y eut une foule énorme. Une des curiosités de la messe de minuit de St-Ferdinand fut la somptuosité des coiffes des Bretonnes.

+ Dans la nuit de samedi à dimanche, le dispensaire de la rue du Casino a failli brûler. Mais nos braves pompiers avec leur puissante pompe sont parvenus à circonscrire l’incendie. Il a fallu évacuer par une fenêtre la mercière du coin de la rue Tartas, l’escalier de son appartement étant consumé.

                       ET PENDANT CE TEMPS DANS LES PAGES DE « PARIS-SOIR » (*)

* Le 7 décembre :

+ Élections en Allemagne : La droite fait campagne contre la France.

+ Vif débat à la Chambre sur la propagande communiste qui entretient l’agitation en région parisienne.

+ M. Doumergue visite le salon de l’aviation.

+ La pièce de Sacha Guitry « Une étoile nouvelle » est médiocre. Son auteur se répète.

(HenriBéraud).
+ À Douarnenez, la grève des sardinières se poursuit pour une hausse de leurs salaires.

+ L’évacuation de la zone de Cologne par les Britanniques est retardée.  

* Le 14 décembre :

+ Le Cartel des gauches doit accorder l’amnistie pour les infractions militaires commises durant la guerre.

+ Budget de la Guerre. Il prévoit la réforme des bagnes militaires. 

+ La controverse sur consolidation de la dette française aux Etats-Unis pourrait être arbitrée par la cour de La Haye.

+ Un projet de loi interdirait l’entrée des étrangers en Grande Bretagne pour y trouver du travail.

* Le 21 décembre :  

+ Le péril communiste en France n’existe plus. Ce parti  ne cesse de perdre des adhérents.

+ Tension américano-japonaise. Les ports japonais interdits à la flotte de l’Union.

+ Etats-Unis : des pilleurs de banques incendient et pillent la petite ville de Vallez-Vious au Texas. 

+ Le baron Pierre de Coubertin veut quitter la présidence du Comité international olympique.

+ De violents combats se livrent au Maroc entre Espagnols et Andjeras. Le calme règne dans la zone française.

+ Une partie de l’armée yougoslave révoltée pourrait prendre la ville de Scutari en Albanie.

+ M. Blasco Ibanez provoqué en duel par M. Valera directeur d’un journal royaliste. M. Valera quittera Madrid pour venir gifler son adversaire en public à Menton.   

* Le 28 décembre :

+ Les armements du Reich retardent encore l’évacuation de Cologne par les Britanniques.

+ L’amnistie des infractions militaires acceptée au Sénat.

+ Le cours des farines porté de 154 frs à 156 frs. Le pain n’augmentera pas.

+ La situation financière de la France est rassurante avec 796 milliards d’actif et 660 milliards de passif. 

+ Les rebelles albanais maîtres de toute la région de Scutari.

+ Paris : l’homme coupé en morceaux n’est toujours pas identifié.  

____________________________________________

(*) Sources : BNF/Gallica.

(**) À l’emplacement de l’actuelle résidence Arcachon-Marine.

(***) Précaution judicieuse puisque cet or fut entreposé dans ces caves en juin 1940 en vue de son transfert dans les Antilles françaises au moment de l’invasion de la France par les nazis.