LA  VIE  ARCACHONNAISE  IL Y  A  PRESQUE CENT ANS

par Jean Dubroca

                                                  VUE  PAR « L’AVENIR »

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* Déjà les élections municipales… Albert Chiché fait l’inventaire des revendications féminines et incite les candidats à les inscrire dans leur programme. Extraits : « droit de vote, égalité absolue entre les deux sexes ; fustigation du mari adultère ; liberté complète du maillot collant et du port de la culotte ; obéissance de l’époux à l’épouse, celle-ci jouissant de la plus complète indépendance nuit et jour ; droit pour la femme d’obtenir le divorce (…) ».

   Toujours est-il que le journal publie, le 8 février, un appel du Comité de propagande féminine pour que les femmes âgées de vingt et un an et plus prennent conscience de leur fonction sociale en s’inscrivant sur les listes électorales pour les prochaines élections municipales. Commentaire de Chiché : « Les inscriptions ne seront pas reçues avant la promulgation de la loi ». (1)

   Quant à Georges Eyssartier, que l’on qualifie de gauche, il s’en pend à Veyrier-Montagnères dont il veut le mandat de Conseiller général. Il réfute l’idée qu’il soit socialiste et « ne figurera que sur une liste républicaine de défense des intérêts arcachonnais ». Enfin, il annonce : « je ne répondrai plus à aucune polémique. Pour le moment ».

   Enfin, le docteur Brun annonce qu’il est président local du parti radical socialiste. « Encore une nouvelle liste », commente « L’Avenir ». Mais un schisme menace car M. Daudin voudrait le remplacer. Il est  agent de location, associé de M. Bégorry, chef local de l’action française.

* Albert Chiché s’attaque… à la banque de France… : « Que voit-on ? Une prison, une grange ou une écurie ? Le style est-il Boche, bolchevique ou cubiste ? Quoi de plus laid que ces bras s’avançant de chaque côté ? »

….et aux garages : « Ils poussent un peu partout comme des champignons en bordure des trottoirs, exhibant cyniquement des devantures affreuses. Arcachon deviendrait-elle la ville la plus  hideuse de France  puisqu’on peut  y construire sans autorisation préalable… »

*… Il visite l’Herbe : « Nous voici au milieu des mimosas dans le vaste parc de M. Lesca, au pied de la chapelle chrétienne dont le style est mauresque. Une pièce d’eau, des rocailles, des lauriers, des sapins complètent le paysage. On arrive au  village tout proche, par un chemin bordé de yuccas. L’endroit est aussi primitif que celui d’une tribu africaine. Le long d’étroites ruelles on marche sur un tapis de coquilles d’huîtres. Rien ne rappelle la civilisation sauf le petit hôtel Magne ».

* Et toujours le port de pêche… Le représentant des armateurs, M. Sauzeau, fait observer que le coût de la création du port de pêche – 7.500. 000 frs – coûterait 20 000 frs par an à chaque chalutier, simplement pour avoir le droit d’accoster au port puisque le projet ne comporte par  de cale sèche, indispensable à tout port moderne.  Enfin « les recettes du port fixées par une taxe de 1,5 % sur le poisson débarqué sont très surestimées » d’autant plus que « qu’une ou plusieurs pêcheries pourraient quitter Arcachon qui se trouverait ruiné ». (2)

   Au conseil municipal du 31 janvier, une longue et parfois violent discussion a eu lieu au sujet du port de pêche. La commune devrait emprunter cinq millions de francs gagés sur les  taxes payées par les armateurs. Mais beaucoup expriment leurs craintes : si des armateurs font faillite…si l’accès au Bassin se trouve fermé par me comblement actuel des passes… si des armateurs quittent Arcachon, ce serait un désastre pour les finances de la ville. On vote et on compte quatre opposants sur les seize votants. Cela voudrait-il dire que le projet est accepté ? On n’en saura pas plus ce soir-là.

   On ne saura pas non plus où il faudrait prendre le sable pour les travaux d’enracinement du débarcadère d’Eyrac. Et les 38 000 frs pour construire les W.C. du jardin de la gare sont jugés trop élevés. 

                                   * Encore le clocher de St-Ferdinand *

+ Albert de Ricaudy fulmine. « À quand le clocher ? Il y va de l’amour propre des Arcachonnais de le voir s’élever. (…) Il embellirait la ville et attirerait des visiteurs dans le quartier. Or, notre syndicat d’initiative qui assume la publicité d’Arcachon n’a pas offert son concours à la souscription languissante pour la construction du clocher. Le conseil municipal fait aussi le muet. Pourtant, l’église lui appartient et vaut deux millions et demi de francs. Avec le  clocher, sa valeur doublera. Or, il ne manque plus que 45 000 frs. Il est regrettable que, dans une commune riche comme la nôtre, on ne trouve pas cette somme quand des bourgs comme Lège ou le Teich s’offrent des églises valant le million. »

                                   * Affaire Thévenot : épilogue *

+ « M. Thévenot, inculpé de dissimulation de bénéfices de guerre, a été condamné mardi, par la 1Oè chambre correctionnelle du tribunal de la Seine, à trois mois de prison avec sursis et 10 000 francs d’amende. Il s’agissait de neuf millions de bénéfices rapidement réalisés, pendant que d’autres se faisaient tuer ou estropier. La condamnation nous paraît indulgente. Il est scandaleux qu’on n’ait pas fait rendre gorge à ces gros profiteurs de guerre qui se pavanent aujourd’hui dans les châteaux et les somptueuses villas comme Saint-Yves ».

                                         * Informations diverses *

+ L’architecte de Miramont dresse les plans du futur établissement des Abatilles.

+ Les matches de golf se succèdent sur les prairies de La Teste. Deux tournois ont été disputés, l’un gagné par M. Stucken et l’autre par M. Noël Exschaw.

+ Les obsèques de Mme Veyrier-Montagnères ont  reçu tant de monde qu’elles ont duré de 10 à 13 h.

+ À l’occasion de l’inauguration des concerts du Casino Mauresque et de sa salle de lecture, le directeur éclaira les coupoles de l’admirable salle des concerts de 450 ampoules électriques. Par  contre, l’escalier qui mène à la rue du Casino était dans le noir et il ne faisait pas chaud dans la salle.

  + Lors du concert de « La Fauvette », le contrôle a été dépassé par la foule des spectateurs et par certains aux tenues négligées.

    + Dans le nouveau parc de la gare, le sol s’affaisse car d’anciennes souches d’arbres n’ont pas été extraites. On y prend des bains de pieds. Mais la mairie a omis d’inscrire des réserves dans le cahier des charges en cas de malfaçon.  

  + Durant la chasse au renard de jeudi dernier, le piquer Ferdinand a été projeté contre un arbre, le pied coincé dans l’étrier. Le blessé, transporté à la clinique du docteur Lalesque a été examiné par l’éminent praticien qui a diagnostiqué une fracture de l’épaule gauche, confirmée par la radiographie.

+ Autrefois, on élevait à Arcachon des porcs. Chaque famille du pays en avait au moins un. On allait, pour les nourrir, chercher les eaux grasses dans les villas des riches étrangers. Mais des arrêtés municipaux  interdirent cette pratique tout comme de posséder des coqs. Mais voici qu’un arrêt de la cour de cassation vient de renverser ces arrêtés municipaux. Beaucoup lisent ce jugement avec joie car il vise spécialement les cités populeuses ou balnéaires.

+ Le maire rappelle que les chiens ne peuvent circuler que muselés ou tenus en laisse. Il est aussi interdit de laisser errer les chiennes en rut.

                                            * L’huître noisette *

+ Les parqueurs gagnent beaucoup d’argent en élevant des huîtres portugaises qui grandissent rapidement et se vendent très cher. M. Bouscau, dans son salon de dégustation de l’avenue Gambetta, a trouvé le moyen de concilier la gourmandise des uns avec l’intérêt des autres. Il a créé l’huître Arcachon noisette qui a perdu sur les parcs du Cap-Ferret le goût de la portugaise pour prendre celui de ces huîtres sauvages qu’on ramassait autrefois dans un trou du banc de Pinau. Avec elle, vous ne regretterez plus la gravette. (3)   

                                   * Les étrangers de distinction *

+ Le duc Decazes attend pour  Pâques un yacht qui fera l’admiration des yachtmen.

+ Roland Dorgelès a écrit qu’il n’a jamais aussi bien travaillé que dans le calme de cette admirable forêt embaumée de résine et de mimosas.

+ Mme la Baronne de Nanteuil ; Mme la Marquise d’Arbentès ; Madame la Comtesse de la Nyre-Mory et son fils sont descendus à l’hôtel des Pins et Continental.

+ Le baron de Rothschild a suivi la chasse à courre de jeudi dernier. Auparavant, il a visité la source des Abatilles avec un groupe financier parisien très important.

+ Le maestro Crisafulli fait construire une villa à Moulleau dont les salons seront la reproduction exacte de ceux de l’artistique pâtisserie Foulon.   

* Quelques fêtes et spectacles. Le 4 février, les Ballets suédois, dans les décors du théâtre des Champs Elysées, accompagnés par 18 musiciens, se produiront au théâtre municipal.

     – Le 6 février : inauguration du Casino mauresque avec un concert de la célèbre pianiste, Mme Léon.

     – Le 8 février, au Théâtre municipal, les Tournées René Rose jouent « Le billet de logement ».

    – Trois corsos auront lieu. Le 22 février et 22 mars : corso carnavalesque ; le dimanche de Pâques : corso fleuri et le soir fête vénitienne au Casino mauresque.

    – Thé dansant à l’hôtel Victoria tous les samedis, de 5 à 7 :. Le 21 février s’y déroulera le Bal des Officiers ; la  tenue de soirée y est de rigueur.

    – La fête de Tout pour la Patrie aura lieu le 24 février au théâtre municipal.

    – Le cinéma St Ferdinand rouvre sa salle, une jolie bonbonnière, le 7 février avec le film « Le gamin de Paris ».

    –  L‘élection de la reine des Poilus arcachonnais aura lieue le 22 février au Casino de la Plage  au cours d’un grand bal paré, masqué, travesti avec des danses américaines.

   – La récente et brillante réunion à l’hôtel Victoria groupait une soixantaine de personnes où l’on a remarqué M. le Duc et Mme la Duchesse Decazes, M. le Marquis d’Asshe, M. et Mme Pierre Frondaie, etc.

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• L’hostilité des armateurs contre le port durera jusque dans les années 50 et, effectivement, beaucoup de gros armements quitteront Arcachon ou fermeront.
• Il faudra attendre 1945 pour qu’une telle loi soit votée !
• Une huître plate.

                                ET PENDANT CE TEMPS EN FEVRIER 1925….

Le 1^e : fin de la grève victorieuse des sardinières de Douarnenez qui durait depuis plusieurs semaines. 

Le 2 : l’ambassade de France au Vatican ferme.

Le 4 : Jacques Doriot dénonce à la Chambre la mainmise des grandes banques sur le Maroc.

Le 9 : le chancelier allemand, M. Stresemann, propose un traité par lequel son pays, le Royaume Uni, l‘Italie et la France s’engagent à ne pas se faire la guerre et  il demande qu’un traité d’arbitrage règle les conflits éventuels.

Le 12 : création de la république de Tulé au Panama, par les indiens Kuna.

              Première liaison aérienne entre Bruxelles et Léopoldville, en 75 heures. 

Le 22 : premier vol du biplan Havilland DH.60 Moth.

Le 25 : en Allemagne, le parti national-socialiste est à nouveau autorisé. M. Hitler en prend la présidence.

Le 28 : l’enseignant américain, John Thomas Scopes, passe au tribunal pour avoir enseigné l’évolution darwinienne. 

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