Des pierres qui roulent #4 (Une maison a changé de rue)

Salles de Hys           CHRONIQUES RETRO-TESTERINES

par Jean Dubroca

Des pierres qui roulent #4

      

                     Une maison a changé de rue

 

**********

 

En 1994, afin d’élargir le rond-point situé au carrefour des rues du Port et du Général-de-Gaulle, la municipalité de l’époque a entrepris de déplacer la maison appelée « S            alles de Hys », une de ces belles bâtisses du XVIIIème siècle dont on voit encore de beaux exemplaires à La Teste. L’entreprise s’est avérée délicate car la façade de l’immeuble était particulièrement fragile. Finalement, elle a été transportée, à grand peine et en morceaux, puis reconstituée en bordure de la place Gambetta. Avant cette opération, j’avais rencontré Jacques Ragot dans le parc de la maison encore debout, à l’occasion de la plantation officielle en ce lieu d’un cèdre du Liban, afin de célébrer l’amitié franco-libanaise. Il m’avait alors parlé d’un autre cèdre testerin et d’un bien curieux linteau. Voici l’article paru à ce sujet dans Sud-Ouest, le 1èr décembre 1992.

 

Lors de la plantation d’un symbolique cèdre du Liban dans le parc de la maison Salles de Hys, Jacques Ragot a évoqué, en a parte, l’histoire d’autres cèdres testerins. Il s’agit de ceux plantés en 1804 par Pierre Déjean, inspecteur des semis dans la commune qui fait alors des essais arboricoles. Près de la pointe de l’Aiguillon, il plante d’autres essences que le pin maritime, afin d’étudier leur adaptation au sol et au climat local. Il s’agit de cèdres, mais aussi de mélèzes et d’épicéas. L’expérience échoue mais laisse un nom dans la toponymie locale. Le site des essais porte aujourd’hui le nom de « Lapin-Blanc ». Car Jacques Ragot pense qu’il provient de la déformation de « sapin blanc », le mélèze argenté de Pierre Déjean ayant été ainsi désigné par les gens du pays.

 

Autre anecdote de Jacques Ragot. La maison Salles de Hys a été construite à l’emplacement d’une ancienne demeure, appartenant à un certain Peyjehan de Francon dit « Peyiechan-le-Corsaire ». Comme beaucoup de maisons de notables testerins, celle du corsaire possède un linteau sur lequel est gravée une devise en latin, généralement empruntée aux psaumes. On lit sur le linteau :

« Domine, ante te omne desi

               Derium meum psalm 37

               Faict l’an 1611 Peyiehan

               Santa Maria ora pro nobis ».

Ce qui, outre la date de construction, signifie : « Seigneur tout mon désir est devant toi. Sainte Marie priez pour nous ».

Salles transplanté

Lorsque la maison est démolie, le linteau est récupéré par l’aubergiste Baquey qui habite juste à côté. Il se sert de la pierre gravée comme marche pour faciliter l’entrée dans son estaminet ! Sa veuve, sans doute plus éclairée que son défunt époux, fait don de la pierre au docteur Hameau, président de la Société scientifique d’Arcachon depuis 1864. Un si beau cadeau, puisque l’objet est le plus ancien des linteaux testerins, que le docteur Hameau l’installe bien en vue au musée aquarium d’Arcachon.

 

Et Jacques Ragot d’estimer avec vigueur : « Cette pièce serait bien mieux à sa place, exposée dans le parc de la maison. On l’exposerait sur une petite pyramide construite avec les pierres de Bretagne apportées ici par bateaux et que l’on trouve en quantité dans le mur d’enceinte de la maison Salles de Hys ».

Et M. Ragot de suggérer : « La municipalité testerine pourrait récupérer le linteau en s’entendant avec la Société scientifique, comme cela a été fait pour la statue de Notre-Dame-des-Monts ».

 

 

Il n’en fut rien et le plus vieux des linteaux testerins se trouve toujours au musée d’Arcachon. Dommage. Par contre, le parc de la maison Salles de Hys, bien que très tronqué, existe bel et bien.

 

                                                                                             Jean Dubroca

 

– Légendes photos : 1-Le parc de la maison Salles de Hys, vue depuis son parc. (Photo : J.D.-Sud-Ouest).

                                     2-La maison Salles de Hys reconstituée place Gambetta. (Capture d’écran).